Machine à sououou ! machine à sououou ! Ce cri, lancé aux quatre vents, n’est point de la réclame pour la société qui organise ce genre de jeux de hasard au Burkina, non, c’est un cri de détresse d’une victime de ces jeux, victime au bord de la démence.
Philippe avait décidé d’organiser une petite fête pour arroser le baptême de son enfant. N’étant pas fortuné il avait réussi à avoir trente mille francs CFA qu’il remit à son petit frère Marc pour l’achat des différentes boissons. C’était la veille de l’événement.
Le lendemain matin, le petit frère Marc partit donc faire cette course. Sur son chemin, il y avait une maison qui organise des jeux de hasard à partir des machines à sous. Et le petit frère Marc se dit qu’il serait bête de ne pas faire fructifier pour son compte les 30 000 francs du grand frère Philippe. Sa conviction de réussite et son appât du gain facile étaient si forts qu’il n’hésita pas. Il franchit, euphorique, l’entrée de la maison de jeu et alla se camper devant une machine avec l’air de lui dire : « Aujourd’hui, je retirerai tout ce qui est dans ton ventre ! »
Le premier billet de 10 000 francs CFA qu’il transforma en jetons resta dans la machine. Le petit frère Marc considéra la chose comme un défi à relever. Le deuxième billet eut plus de chance car il ne disparut pas entièrement dans les entrailles traîtresses de la machine. Il put récupérer 1 000 francs. Sur les 30 000 du départ il ne lui restait plus que 11 000 F CFA. Pris de doute, le petit frère Marc voulut arrêter. Arrêter et après ? Avec quoi acheter la boisson de la fête ?
Les derniers dix mille furent transformés en jetons et les jetons restèrent dans la machine. Le choc fut comme celui d’un gourdin sur sa nuque. Son regard se troubla en même temps que sa raison. C’est peut-être cela qui le poussa à croire que le billet de 1 000 francs qui lui restait réussirait là où les billets de 10 000 avaient échoué : faire vomir la machine tout ce qu’elle lui avait pris, capital et intérêts. La machine avala le billet et ne lui restitua rien. Adieu rêve de profits, adieu trente mille francs, adieu fête et bonjour les dégâts.
Le petit frère Marc sortit de la salle comme un automate. Il oublia son engin au parking et partit à pied à la maison. Là on lui demanda pourquoi il revenait sans la boisson. Il répondit par le silence ; puis il se leva, entra dans la maison, se dirigea dans la pièce où il savait que le grand frère gardait des bouteilles d’acide. Il n’y en avait qu’une seule. Il la prit, la déboucha et porta le goulot à sa bouche. Il eut le temps d’avaler quelques gorgées avant l’arrivée des membres de sa famille. Ce n’est pas la rapidité de ces gens -là qui sauvèrent le petit frère Marc.
L’acide qu’il but était largement diluée dans de l’eau distillée. Quelques jours plus tard alors que l’on le croyait tiré d’affaires, le petit frère Marc se mit à délirer. Du matin au soir il hurlait : « Machine à sououuou, machine à sououou », sans une phrase en plus et sans une autre de moins...
Sacré Chédou OUEDRAOGO
Sidwaya
