Actualités :: Burkina Faso/Lutte contre la cybercriminalité : « Pour cette année 2024, c’est (...)

Créée en 2020, la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC) a aussi pour mission de lutter contre les discours de haine sur les réseaux sociaux, les incitations à la violence et la discrimination. En 2023, la structure a enregistré environ 3 000 plaintes liées à ces actes, malgré les multiples sensibilisations. Cette année, la BCLCC entend passer à la répression. Pour le lieutenant de police Julien Legma, chargé de la collaboration policière au niveau de cette structure, l’année 2024 sera une année de tolérance zéro.

Lefaso.net : Pouvez-vous nous présenter la BCLCC ?

Julien Legma : La BCLCC est une structure spécialisée en matière d’enquête liée aux infractions en rapport avec l’informatique et celles facilitées par l’utilisation des Technologies de l’information et de la communication (TIC) sur l’espace numérique national. La création de la BCLCC fait suite à plusieurs recommandations aussi bien au niveau national que sous régional et international au regard de l’évolution des infractions en matière de cybercriminalité. Cela a prévalu à la création de la BCLCC en février 2020. Cette brigade emploie des gendarmes et des policiers qui travaillent en parfaite symbiose dans le cadre de cette lutte.

On note qu’elle est organisée autour de trois grandes divisions. La première division est celle en charge des enquêtes qui reçoit tout ce qui est plainte et diligente les enquêtes. La seconde est le laboratoire criminalistique numérique et de veille technologique qui constitue le bras technique de la division. Lorsque nous avons des dossiers, nous faisons appel à l’expertise technique. Les équipements techniques sont envoyés dans ce laboratoire en vue d’investiguer sur les supports techniques pour fournir des éléments d’information assez utiles à la poursuite de l’enquête. La troisième division est celle qui est en charge de la communication et la collaboration ainsi que des statistiques. Nous tenons a avoir des statistiques à jour pour permettre d’avoir une vue assez large des manifestations de ce phénomène.

En quoi consiste vos actions de lutte contre les discours de haine sur les réseaux ?

Sur le cyberespace national, nous assistons de plus en plus à une prolifération des discours incitatifs à la haine et même à la violence ainsi qu’à la discrimination sur internet et précisément avec virulence sur les réseaux sociaux. Nos actions sont organisées essentiellement en deux grandes rubriques. La première est l’action de prévention. Parce que nous estimons que la lutte contre ces discours de haine passe d’abord par la sensibilisation pour identifier les enjeux liés à ce type de discours sur les réseaux sociaux afin que les gens aient un comportement assez responsable. En ce sens, nous initions des actions de sensibilisation directe au profit de toutes les couches socio-professionnelles. Nos avons des actions en faveur des scolaires, élèves, étudiants ainsi que des professionnels. Nous partons vers les Forces de défense et de sécurité (FDS) pour des actions de sensibilisation aussi. Nous intervenons dans les médias pour expliquer. Nous sommes en collaboration avec le Haut commissariat des nations unies aux droits de l’homme qui nous a accompagnés pour une campagne de trois mois pour lutter efficacement contre les discours de haine et prévenir les actes de discrimination et d’incitation à la haine.

J’ajoute qu’au-delà des actions de prévention, il y a aussi des actions de repression. Et ces actions de repression consistent à l’identification des personnes qui sont souvent sources de discours de haine sur ces réseaux sociaux. Nous les identifions, une enquête est ouverte et ces personnes sont interpelées et font l’objet d’une procédure. Si les faits sont établis, Elles sont déférées bien évidemment auprès du parquet pour suite judiciaire à donner.

Avez-vous une idée sur l’ampleur du discours de haine sur les réseaux sociaux ?

Concernant l’ampleur liée aux discours de haine, nous constatons qu’il y a une prolifération de ces discours sur les réseaux sociaux. Il y a eu plusieurs infractions qui ont été enregistrées en la matière quand bien même on n’a pas de statistique exhaustive sur le phénomène. Mais nous constatons que le nombre de cas concernant les discours de haine a considérablement augmenté au cours de ces deux dernières années.

En plus de vos initiatives d’interpellation, est-ce que vous êtes très souvent saisis par les victimes elles-mêmes ?

Vous avez sans doute appris le dossier concernant votre confrère Newton Hamed Barry. La question a beaucoup défrayé la chronique où une personne avait publié des messages sur internet qui appelaient même à porter atteinte à son intégrité physique. Cette personne a été appréhendée. Elle a été interpelée puis déferrée au parquet. Je pense que la personne a même été condamnée pour ces faits. Donc au-delà de cet exemple, il y a eu bien d’autres cas où il y a eu des personnes qui, dans certaines régions, ont appelé pour dire qu’il y a certaines communautés qui appellent à s’en prendre à d’autres. Nous avons également interpellé ces personnes et elles ont été déférées. Nous avons eu aussi un dossier relatif à l’incitation à la violence, orientée vers un chef coutumier très connu de la place. Ces personnes ont fait l’objet d’identification et d’interpellation puis leur dossier a été transmis au parquet et elles ont été condamnées. Il y a eu plusieurs dossiers que nous avons eu à traiter. De 2021 à 2023, nous avons reçu plus de dossiers sur les questions de discours de haine, d’incitation à la violence et à la discrimination. A partir de ces dernières années, le nombre de cas va crescendo, si bien qu’il y a matière de redoubler les actions liées à ce type de comportement.

Généralement, quels sont les manifestations de ces discours de haine sur les réseaux sociaux ?

Cela se manifeste de plusieurs manières. Très souvent, elle est physique mais c’est quand elle devient virtuelle que nous intervenons. Généralement, elle peut être sous forme d’écrits sur internet identifiant une personne physique ou morale de façon claire en citant nommément la personne ou citant un certain nombre de discours. Elle se peut se manifester par des textes, images et des audios. Ce qui est très relayé dans les différents groupes WhatsApp et sur X où on a eu à traiter de ces questions.

Durant l’année 2022-2023 le gouvernement avait été contraint de publier un communiqué par rapport à certains cas de discours de haine où nous avions également assisté d’autres services techniques, pour les appuyer techniquement en vue de l’identification des personnes derrière ces audios qui incitent à la haine et à la violence .

Y a-t-il une catégorie de personnes particulières qui s’adonnent à la diffusion de ces discours ?

Il n’y a vraiment pas de catégorie de personnes qui s’adonnent parce que tout le monde peut être concerné. Dire aujourd’hui qu’il y a une catégorie de personnes pourrait tendre à dédouaner d’autres catégories de personnes. Mais déjà, ce que nous constatons est qu’il y a de plus en plus, de personnes du secteur informel mais il faut noter que tout le monde est concerné.

Cela fait quatre années maintenant que la structure existe. Quel bilan la BCLCC fait de sa lutte contre ce phénomène ?

En termes de bilan, il faut noter que le phénomène de la cybercriminalité est un phénomène qui est très évolutif. Les cybers-délinquants ne cessent aussi de chercher de nouvelles manières pour atteindre leur but. Mais de façon spécifique, à la question de discours de haine il faut noter qu’il y a quand-même eu des avancées par rapport à cela. Avec des sanctions, nous pensons que de plus en plus cela porte un certain impact au niveau des internautes puisque beaucoup de personnes commencent à modérer leurs discours sur internet. Mais globalement par rapport à nos résultats, il faut noter qu’en 2021, nous avons enregistré pas moins de 2 000 plaintes liés à la cybercriminalité. Chaque année, c’est plus de 2 000 plaintes. Et en 2023, on était autour de 3 000 plaintes avec un préjudice financier qui se chiffre a plus d’un milliard de FCFA.Chaque année, il y a de plus en plus de personnes qui sont interpelées. Nous pensons que nos actions de communication portent leurs fruits mais il faut savoir que la population burkinabè, dans son ensemble, a besoin aussi d’une certaine culture à la cyber prudence. C’est là qu’il y a matière à redoubler d’efforts en matière de sensibilisation pour que les gens connaissent réellement les enjeux liés à ces questions, qu’ils soient suffisamment informés par rapport à ces pratiques. Cela leur permettra d’avoir un comportement responsable, éthique dans leur usage des TIC.

Selon le lieutenant de police Julien Legma, chargé de la collaboration policière à la BCLCC, l’année 2024 est celle de la répression

Pensez-vous que la prolifération des discours de haine sur les réseaux sociaux est due à une ignorance des internautes ?

Pour la plupart des personnes victimes de cybercriminalité, on peut enregistrer que plus de 80% de ces personnes sont ignorantes de ces pratiques. Très souvent, on se laisse avoir parce qu’on ne mesure pas réellement les enjeux ou la portée de l’acte qu’on l’on pose. En termes statistiques, les personnes victimes de chantage à la webcam, les personnes dont on arrivent à pirater leur compte représentent environ 40%. Quand on prend aussi la cyber escroquerie, elle représente pas moins de 50% des plaintes que nous recevons. Une bonne partie sont causées par l’ignorance.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Les difficultés sont de divers ordres. Il y a des difficultés d’ordre financier parce que les enquêtes demandent la mobilisation de fonds. Le plan de communication nécessite de l’argent même si je sais que l’État accompagne. Au niveau matériel, il faut la formation du personnel pour pouvoir anticiper les différentes formes de cyberdélinquance. Il faut la formation sur les thématiques nouvelles et cela coûte cher. Avec l’accompagnement de l’État et des partenaires, nous arrivons à faire notre travail.

Comment se tenir face aux discours de haine sur les réseaux sociaux ?

Il y a plusieurs actions que nous pouvons déjà faire. Au niveau individuel, lorsque vous êtes sur une plateforme Facebook, par exemple, là où il y a un discours de haine, vous avez déjà cette possibilité de signaler le contenu sur la plateforme. Nous sommes souvent des relais de ces discours de haine de façon involontaire parce que nous donnons de la notoriété au contenu en le partageant, en le likant ou en le commentant.

Nous recommandons d’éviter de liker, de commenter ou de partager un discours de haine. Nous recommandons aussi de signaler le contenu sur la plateforme. Si le contenu n’a pas assez de notoriété, il ne connaîtra pas de succès et n’aura pas un grand impact.

Également, vous avez cette possibilité de communiquer ce contenu au service spécialisé en matière de traitement de la question, par exemple la BCLCC ou le service de police ou de gendarmerie, pour qu’ils puissent déjà se saisir de la question. Il est vrai que nous faisons par exemple de la veille technologique en surfant sur les réseaux sociaux en vue de relever tout ce qui est infraction, mais il est clair qu’il y a certaines infractions qui vont nous échapper. Si elles sont signalées par la population, cela permet de les prendre en considération rapidement et de travailler dessus en vue de réduire leur impact.

Donc nous recommandons fortement d’avoir ces deux actions principalement et nous pensons que cela va bloquer réellement les notoriétés liées a certains discours de haine.

Lorsqu’une personne se sent lésée par rapport à une situation, nous lui recommandons fortement de prendre attache avec nous pour déposer sa plainte et s’il est avéré bien évidemment qu’il s’agit d’une diffamation à l’encontre de votre personne ou le contenu diffusé à l’encontre de votre personne, la personne sera poursuivie. Et chaque année, nous recevons au moins de 5 000 plaintes liées à la diffamation.

Nous encourageons surtout les Burkinabè à se référer aux services de police judiciaire pour le règlement de leurs litiges au lieu de vouloir faire la réplique eux même sur les réseaux sociaux et commettre d’autres types d’infractions qui pourront être aussi poursuivies. Lorsque vous vous sentez lésés par rapport à une situation, nous vous recommandons de vous adresser aux services spécialisés pour la prise en charge de votre cas.

Peut-on poursuivre une personne qui a liké ou partagé un contenu de discours de haine ?

Il faut relativiser, parce que liker, commenter, partager peut engager votre responsabilité pénale dans certaines mesures. Par exemple, quand vous commentez dans le but de soutenir, cela veut dire que votre responsabilité peut être engagée. Lorsque vous likez, pourquoi vous likez quand quelqu’un dit quelque chose de mauvais ? Cela veut dire vous aimez, vous soutenez. Alors, il faut faire attention dans ce sens. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Serge Ika Ki
Photos : Auguste Paré
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