Actualités :: Dr Wendgoudi Appolinaire BEYI, enseignant-chercheur : « Dans sa démarche de (...)

Dr Wendgoudi Appolinaire BEYI est enseignant-chercheur à l’Université de Ouahigouya, avec comme spécialité la sociologie du travail et des organisations. C’est donc un regard averti qu’il pose sur les difficultés de gestion des infrastructures, des personnels et de toutes les autres ressources au sein des universités ; des difficultés illustrées par les retards et les chevauchements des années académiques ou encore la cruciale question de la prise en charge des heures supplémentaires.

La disponibilité et la gestion des infrastructures dans les institutions d’enseignement sont des questions très cruciales au Burkina Faso ; comment les appréciez-vous ?

Vous le dites si bien. Je vais commencer par rappeler la situation des crises des années académiques dues au fait aussi de problèmes d’infrastructure et de planification conséquente. A l’université de Ouahigouya par exemple, nous cohabitons avec l’Institut National de Formation des Personnels de l’Education (ex ENEP) bien avant le redéploiement du fait d’attaque terroriste. C’est dire que la disponibilité des infrastructures pose une préoccupation au niveau central de gestion même au regard des contraintes et des contingences des effectifs dans nos Institutions d’Enseignement Supérieur.

C’est même une question stratégique dans le contexte politique, économique et sociale dans lequel se trouve le Burkina Faso. Déjà au niveau politique, il y a la volonté à la fois de dématérialiser l’administration et de rendre performant l’usage des ressources de l’Etat ; au niveau économique, notre pays traverse une crise sécuritaire qui a engendré des conséquences lourdes à moyen et long terme dans nos maigres économies, il va falloir optimiser les investissement et les rendre plus un allier stratégique de modernisation de l’administration ; au niveau social, on note la fracture sociale de nos ressources humaines, particulièrement dans l’enseignement supérieur, entre planification académique et planification individuelle dans les activités de recherche d’une part et d’autre part, entre vie professionnelle et vie sociale avec une sorte de versatile du planning de l’enseignant- chercheur.

Est-ce principalement une question de moyens financiers ?

La question demeure relativement une question financière, mais au-delà, une question de gouvernance structurelle dans la résolution des difficultés de gestion du systèmes LMD qui a ses exigences. On peut résoudre la question financière aussi dans une perspective stratégique mais au niveau central de la gouvernance, en optimisant la gestion des ressources et en mutualisant ces ressources à travers des outils de planification disponibles : outil GANTT pour une planification centralisée des ressources humaines et matérielles.

Qu’entendez-vous par outil GANTT ?

C’est juste un outil de planification qui permet de réaliser un meilleur planning des projets, activités, tâches et d’avoir des indicateurs de contrôle pertinent. J’évoque l’outil pour illustrer juste l’absence de planning structurel dans nos espaces de gouvernance afin de réduire les risques humains sur des tâches qu’on peut rendre dans un système de réalisation automate ou robotique plus certaine.

Dans le contexte burkinabè, quels sont les solutions possibles ?

Dans le contexte du Burkina, il faut le dire, il manque une approche holistique dans la gestion de nos ressources au niveau des ministères, des institutions et des services. On parle souvent de problème d’infrastructures même quand dans un environnement immédiat il y a un surplus et sous-emploi des infrastructures de l’Etat. Prenons par exemple les infrastructures des huit ENEP (présentement érigés en Institut National de Formation des Personnels de l’Education (INFPE) dans les huit régions du Burkina ; on notera cette question paradoxale avec la situation des Institutions d’enseignement (universités) qu’on est en train d’ériger dans les régions. Beaucoup d’ENEP (INFPE) disposent d’amphis théâtres pour des grands effectifs, de logements pour accueillir les enseignants en mission d’enseignement et des cités pour tenir un effectif des étudiants en situation de fragilité dans leur site d’affectation mais, théoriquement et pratiquement, ces infrastructures demeurent sous exploitées à mon humble avis au regard des effectifs des instituteurs qu’on recrute actuellement. Ces questions d’infrastructures, se posent dans les rencontres au sein des institutions d’enseignement et nous avons toujours tenu le même discours de cette aberration dans la gestion de la chose publique.

Voulez-vous dire que les infrastructures des ENEP peuvent être mises à la disposition des universités ?

Je veux plutôt dire qu’il faut que les ressources de l’Etat soient à la disposition des besoins récurrents. Les exceptions peuvent aussi connaitre des gestions dans des réserves de ressources prévues à cet effet. Les Universités louent déjà des infrastructures de l’Etat pour réaliser certaines activités pédagogiques et souvent dans un processus de négociation long et elles n’ont mêmes pas la possibilité d’investir dans ces infrastructures pour ajuster aux besoins. Si l’exploitation des infrastructures devient progressivement centralisée, je pense que l’investissement peut se réaliser sur ordre ou prescription.

Liée à la question des infrastructures, il y a celle des personnels ; y a-t-il un manque de personnel qualifié ou est-ce un problème de gestion de ce personnel ?

Certainement ! Il faut qu’on lie la perspective de l’optimisation avec une gestion holistique comme je disais plus haut. Il va falloir que l’État, dans sa démarche de modernisation de l’administration et de la dématérialisation, pense à une sorte de planification stratégique de ses ressources humaines et matérielles et surtout à une gestion axée sur les résultats avec les instruments de gestion dont on pourrait disposer. Par exemple, au niveau de l’enseignement supérieur, pour éviter de retomber dans les années académiques irrégulières, on peut par exemple construire une administration centrale des ressources (compétences-spécialités) avec les différents Unités d’enseignement répertoriées dans l’ensemble des institutions d’enseignement supérieures (IES). Cela garantit un bon emploi des ressources à temps et en espace. Cependant, cela nécessite dans l’approche de la dématérialisation aussi, accepter dans la pratique des missions d’enseignement dans les centres de Ouagadougou et Bobo Dioulasso en principe. Ce qui est possible parce qu’avec le système de gestion intégré dans CAMPUS FASO, les actes administratifs sont dématérialisés au profit de cette reconversion vers un emploi optimal de la mobilité du personnel du corps des enseignants-chercheurs. Même les laboratoires seront ainsi regroupés dans les deux centres d’opération de Ouaga et Bobo, permettant une interaction entre chercheurs dans les mêmes thématiques de recherche. C’est au niveau des enseignants hospitalo-universitaires que le problème se pose avec leurs terrains spécifiques dans les CHU.

En empruntant ces schémas de gestion, on résoud aussi la question des bureaux des enseignants qui demeurent une question récurrente avec les effectifs disponibles. En organisation, on utilise souvent l’outil de planification WBS (Work Breakdowns Structure) pour réussir une telle planification holistique sur les tâches, les compétences, les ressources matérielles et financières. En envisageant une dématérialisation de l’enseignement supérieur, progressivement, on planifie à long terme, la performance de la gestion des ressources de l’État.

Concrètement, l’utilisation de l’outil de planification WBS donnerait quoi ?

Cet outil est un vaste champ de richesse administrative dans la planification et dans le contrôle. On l’utilise pour affecter des ressources à des services, à des activités, à des tâches, à des postes, à des emplois, à des salariés ou employés etc. Jusqu’au centime près ou à des compétences prés, il y a la possibilité de planifier et de contrôler les marges de début et de fin des activités.
C’est un outil lourd, mais lorsqu’on l’exploite une fois pour tous, on a l’ensemble du contrôle en un clic. C’est d’ailleurs sur la base de cet outil que la plupart des outils ou plateforme de gestion sont conçus. De l’outil GANTT a l’outil WBS, l’automatisation de la gestion se construit aussi avec la dématérialisation.

Une des conséquences de toutes ces difficultés est le retard et/ou le chevauchement des années académiques ; n’y a-t-il vraiment pas de solution quand on voit tout ce qui a été essayé jusqu’ici ?

Les échecs des essais antérieurs sont dus au fait de la fiabilité humaine très réduite. La dynamique de l’automatisation des processus de la gestion à tous les niveaux des IES à travers les outils disponibles (plateformes et stratégie intégrée) garantit la performance et réduit même le stress de programmation, d’administration et autres au niveau individuel et collectif. Les emplois du temps peuvent par exemple être générés au niveau des semestres et au niveau annuel libérant ainsi le niveau de planification individuelle des enseignants-chercheurs pour les travaux de recherches. Il faut vraiment une vision holistique et une opérationnalisation de cette vision pour piloter les ressources disponibles. Au-delà même des universités, les ressources de certains services de l’administration publique peuvent subir ce format d’organisation intégrée et dématérialisée au maximum.

Une autre conséquence est le volume très élevé des heures supplémentaires dans les universités publiques et qui pèsent considérablement sur les budgets de ces institutions ; que peut-on faire ?

Je pense que cette question sera résolue dans la perspective proposée. En affectant des missions d’enseignement au regard des compétences et des spécialités, l’administration bénéficie d’une évacuation totale des heures réglementaires (charges pédagogiques officielles) de tous les enseignants-chercheurs. Les heures supplémentaires deviennent des options en fonction de la disponibilité des ressources (compétences locales) des universités.
L’autre mesure que je crois plus pertinente, c’est de revoir la question de pôle de compétences des IES (université). On retrouve souvent des doublons de filières dans plusieurs universités alors qu’on peut identifier un ou deux centres pertinents. Cela décharge un volume horaire payé inutilement par l’administration. C’est bien vrai que je ne suis pas pour un métier sans culture de métier, mais si les universités doivent répondre à un rôle social, c’est de créer fondamentalement une culture d’apprentissage aussi livresque pour permettre aux impétrants de créer et d’innover dans leurs postes d’accueil et non de faire une pratique professionnelle uniquement.

Tout compte fait, les heures supplémentaires ont eu vraiment l’avantage aussi de réduire les charges de l’Etat parce que les frais de séjour ne sont pas cités à ce niveau. Dans ce que je propose, c’est surtout le ralliement des deux centres d’opération et des IES chaque fin et début de semaine par des navettes et une mise en exploitation rationnelle des infrastructures d’accueil (par exemple les logements dans les ex ENEP ou autres services de l’Etat).

En quoi la dématérialisation pourrait apporter quelques solutions à ces problèmes ?

En parlant de dématérialisation, on peut poursuivre la réflexion sur l’enseignement virtuel qui a une valeur très élevée dans les modalités de performance dans ces conditions d’apprentissage pour l’enseignant et pour les apprenants. Ce format nécessite certes un engagement personnel des apprenants, une autonomisation et se ressoude essentiellement sur des questions de tutorat des ainés et sur les problèmes des difficultés individuelles à s’adapter.

En revenant sur la question de l’optimisation des ressources, il est évident que les universités virtuelles permettent de mettre extra muros le processus d’apprentissage et de n’avoir pas à se mettre sous tension sur les questions des infrastructures.

Vous voyez que dans une bonne planification, on peut même avoir des universités bimodales avec des entrées cours théoriques virtuelles et cours Travaux Dirigés ou Travaux Pratiques ou de Production en présentiel… En fonction des ressources, des options politiques et stratégiques, l’organisation peut offrir un système technique et social performant pour nos institutions. Il faut juste poursuivre une bonne réflexion à propos de ce qu’on veut pour l’avenir de nos Etats. Bref, il reste beaucoup de choses à accepter aussi dans les planifications de nos ressources.

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