Actualités :: Burkina / Médias : « Il n’y a pas une autre manière de coloniser un pays ou un (...)

Eric Sambo Soudré, animateur télé et radio est un passionné de la communication en langues nationales. Technicien supérieur de recherche au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST), particulièrement à l’Institut des sciences des sociétés (INSS), Eric Sambo Soudré a toujours rêvé de faire carrière dans la communication. Dans cette interview, il évoque son expérience professionnelle, sa passion pour les langues nationales et autres.

Lefaso.net : Que peut-on savoir de Eric Sambo Soudré ?

Eric Sambo Soudré : Je suis Eric Sambo Soudré. Le nom Sambo m’a été donné par mon défunt père. J’ai eu un baccalauréat série A et j’ai fait deux ans d’études en droit à l’université de Ouagadougou. Je suis technicien supérieur de recherche au Centre national de la recherche scientifique et animateur à la radio Ouaga FM et à la télévision BF1. J’ai commencé à travailler à Ouaga FM depuis 1999, à l’ouverture de la radio. Je mène des activités parallèles, notamment la communication en mooré.

Technicien supérieur de recherche au CNRST, quel est votre rôle ?

Je ne suis pas chercheur. Nous appuyons les chercheurs dans les activités de collecte et d’organisation de la recherche.

Comment pouvez-vous expliquer votre passion pour la communication ?

Ma passion pour la communication ne date pas de maintenant, c’est depuis le Lycée Marien N’Gouabi où j’ai eu mon baccalauréat série A. On avait un journal qu’on appelait "Echos du Marien". C’est un journal où on écrivait les faits divers et la vie du lycée. J’étais pratiquement le rédacteur en chef de ce journal. Ma passion de la communication a commencé depuis ce moment.

Comment êtes-vous entré à Ouaga FM ?

J’ai été à la radio depuis son ouverture, en octobre 1999. Je profite de votre micro pour rendre hommage à une franco-burkinabè, madame Valérie Traoré/Deruyck. On s’est connu au début du jumelage Méguet-Seclin. C’est elle qui m’a proposé de venir prendre des émissions en mooré dans une radio que son ami envisageait ouvrir, notamment, Ouaga FM. C’est en suivant nos débats pendant le jumelage qu’elle m’a fait cette proposition. J’ai donné mon accord et j’ai intégré Ouaga FM depuis son ouverture en 1999. Après, j’ai eu l’opportunité d’aller en France dans le cadre du jumelage. J’ai eu l’occasion de voir comment les gens travaillent là-bas.

En plus de votre travail au CNRST, vous êtes aussi à la télévision BF1 et à la radio Ouaga FM. Comment arrivez-vous à organiser votre calendrier ?

C’est une question d’organisation. Je profite partager mon expérience avec ceux qui pensent qu’on ne peut pas faire autre chose à côté de ce que l’on fait déjà. Mes heures de travail au CNRST, c’est dans la journée. A partir de 16h30, nous sommes libres. Mes heures d’antenne à Ouaga FM sont mardi, jeudi de 21h à 22h et le samedi matin de 6h à 9h. Ce ne sont pas des heures ouvrables. Mon emploi du temps au niveau de BF1 est à partir de 20h10. Ce n’est pas une heure ouvrable. J’ai une émission de débat, mais c’est le weekend. Je me suis arrangé avec ces employeurs du privé pour prendre des heures qui ne perturbent pas mes heures au CNRST. Le fait d’être dans la communication renforce davantage le travail que je fais au niveau du CNRST. Je reçois des chercheurs aussi bien à la radio qu’à la télé dans le cadre de la vulgarisation des résultats de recherche. Le dernier cas, ce sont les journées d’hommage au Pr Gérard Tiendrébéogo.

Qu’est-ce qui explique cet attachement aux langues nationales vous qui avez fait des études supérieures ?

Je suis un adepte des langues nationales. Je ne suis pas dans la communication pour une question de revenus mais de passion. Je ne vais jamais rêver à un quelconque développement sans nos langues nationales. On ne peut pas se développer avec la langue d’autrui. C’est une passion. J’y suis pour défendre mes convictions.

Comment appréciez-vous la politique de la promotion des langues nationales au Burkina Faso ?

Les éléments actuels me donnent raison pour tout ce que j’ai accompli. La preuve est qu’on parle d’officialisation des langues nationales aujourd’hui. C’est pour dire que les diplômés, les grands intellectuels seront dans l’obligation de parler leurs langues nationales, de communiquer dans leurs langues maternelles avec leurs parents. Comment peut-on imaginer une personne qui est incapable de parler à ses parents dans leur langue ? Qu’est-ce qu’on peut entreprendre dans ce sens ? Il n’y a pas une autre manière de coloniser quelqu’un, un pays ou un continent que par la culture et la langue. Nous avons chassé les Français mais on parle toujours français. Les langues ne sont pas valorisées. Le seul moment où on parle de valorisation des langues nationales, c’est pendant les campagnes électorales.

Quelles propositions faites-vous pour promouvoir les langues nationales ?

Je suggère que les autorités actuelles imposent les langues nationales. Je ne dis pas d’imposer le mooré parce que je suis Moagha. Que chacun, dans sa communauté, puisse parler sa langue. Tu es Moagha de Ouahigouya mais tu es incapable de comprendre un proverbe en mooré ; tu ne peux pas être de Réo sans pouvoir maîtriser ta langue. Ainsi pour toutes les autres ethnies. Ce n’est pas bien. Aucun Burkinabè ne doit uniquement parler français, il doit pouvoir parler au moins une des langues nationales. Tant qu’on n’ira pas dans ce sens, on ne va jamais se développer. Au CNRST par exemple, il y a des chercheurs qui ont produit de bons résultats. Il faut expliquer ces résultats en langues nationales pour permettre aux populations de mieux comprendre.

L’Assemblée législative de transition (ALT) du Burkina Faso a adopté une révision constitutionnelle concernant l’officialisation des langues nationales. Quelle lecture faites-vous de cette loi ?

J’ai dit ouf, le jour où cette décision d’officialisation des langues nationales est tombée. Tant que nous allons continuer à parler en français, nous serons toujours esclaves de cette France. Pour moi, c’est d’aller rapidement pour la mise en œuvre de l’officialisation des langues nationales.

Pensez-vous que les gens ont peur de s’exprimer dans les langues nationales au risque d’être mal compris ou bien c’est simplement une négligence selon vous ?

Dans mon milieu par exemple, il y a beaucoup de chercheurs qui ont de résultats incroyables. Mais le fait qu’ils ne maîtrisent pas le mooré, qui est ma langue de travail dans les médias, fait que je ne peux pas les recevoir. C’est un problème. Je pense qu’avec l’officialisation des langues, nous allons travailler à montrer aux gens que parler bien le français n’est pas un problème mais il faut maîtriser les langues nationales. Le Burkinabè a un complexe, quand vous arrivez quelque part et que vous ne comprenez pas français, le regard change envers vous. Moi par exemple, si je fais une faute en français, ça ne me gène pas mais en mooré, c’est très grave.

Il y a aussi une négligence. Combien de nos intellectuels se sont arrangés pour que leurs enfants ne parlent que français. Quand ils arrivent au village avec leurs enfants, devant ses parents, le père n’a pas souvent honte de dire qu’ils ne comprennent pas mooré, pour parler de ma communauté par exemple. J’ai honte à leur place. C’est un problème. J’aimerai bien faire partie de l’équipe d’officialisation des langues. Parce qu’il faut imposer nos langues à nos compatriotes. Je ne dis pas d’imposer le mooré aux gens, parce que je connais ma communauté aussi. Je pense que tout le monde a compris que chaque langue nationale peut apporter sa contribution au développement de notre pays.

S.I.K
Lefaso.net

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