Actualités :: Coupeurs de route : La république des bandits

Comme ça, les coupeurs de route ont encore fait parler la poudre. Et encore une fois, c’est la route nationale n° 3, qui relie Ouaga au Ghana en passant par Pô qui a été le théâtre des opérations. Et encore une fois, ce sont les environs immédiats du parc national Kaboré Tambi qui ont connu ce dimanche 24 juillet 2005 la déferlante meurtrière des braqueurs.

Cela fait plusieurs mois que ça dure. Mais il semble que cette fois, les bandits ont vraiment fait fort : non seulement ils ont opéré en plein jour mais ils auraient, selon les spécialistes, agi "en ligne droite" et non aux virages, plus propices aux guets-apens, comme c’est souvent le cas. Ils n’ont même pas pris la peine de barrer la route avec le tronc d’arbre habituel qu’ils utilisent pour obliger les usagers à stopper. Et, cerise sur le gâteau si on ose dire, "la chose" a été faite à quelque deux cents mètres d’un poste de gendarmerie qu’ils ont d’ailleurs arrosé au passage dans leur retraite. Comme au film !

Le lendemain, nouveau scénario hollywoodien (ce n’est pas seulement à l’écran que les flics arrivent après le massacre) mis en scène cette fois-ci par le premier flic du Burkina qui n’est rien de moins qu’un colonel de gendarmerie : Djibril Yipènè Bassolet qu’il s’appelle, flanqué à l’occasion de "Madou bandit", lui aussi colonel, et chef d’état-major de la gendarmerie nationale, de Simon Soubeiga, commandant de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), l’unité d’élite de la police.

Il n’y avait évidemment aucun risque de voir le moindre malandrin tapi dans la broussaille mais tout ce beau monde était escorté d’une escouade de pandores et de policiers armés jusqu’aux dents : gilets pare-balles, casques, armes de poing, kalachnikov... on eût dit qu’ils étaient à Fallouja, dans le triangle sunnite irakien ou dans les montagnes de Tora-Bora en Afghanistan.

Il faut sans doute saluer la promptitude avec laquelle le ministre de la Sécurité s’est rendu sur les lieux pour constater les dégâts mais tout cela confine à la politique spectacle. Du cinéma là où la réalité est autrement plus cruelle ; des paroles là où l’action doit être le maître-mot.

Hier c’était dans l’Est-Burkina que les criminels de tout poil faisaient la pluie et le beau temps jusqu’à ce qu’ils soient nettoyés au kärcher (pour emprunter son mot à Sarkozy, l’homologue français de Yipènè) lors d’opérations coups de poing qui, pour critiquables qu’elles puissent être, ont au moins l’heur d’apporter un peu de quiétude aux populations. Tout se passe comme si, aujourd’hui, chassés des verts pâturages de l’Est, les bandits de grands chemins s’étaient repliés sur le Sud. A qui sera-ce le tour demain ?

La question mérite d’être posée au regard de ce banditisme itinérant face auquel les forces de sécurité semblent être impuissantes.

Il est vrai que si leurs chefs font le paon dans les centres urbains ou envoient des compagnies entières escorter leurs proches sur la même nationale n° 3 (pourtant dangereuse pour tout le monde), la lassitude, le découragement, le dépit gagnent les rangs, qui n’ont pas toujours le nécessaire pour faire leur boulot. Et le propos du colonel Mamadou Traoré sonne comme un aveu : "Ils (les éléments du poste de gendarmerie dont il est question en début d’article, Ndlr) ne peuvent pas descendre dans la brousse s’ils ne savent pas exactement ce qui se passe.

Leur véhicule est parti à Pô et ils n’ont pas d’engins. Ils n’ont rien, ils sont à pied alors que les autres (les bandits Ndlr) ont certainement garé leurs engins dans la forêt. Je ne pense pas qu’on puisse les poursuivre à pied". On ne peut décidément rien lui cacher au premier de la maréchaussée, car ce qu’on demande à ses hommes, ce n’est pas de jouer aux apprentis- kamikazes.

Mais alors, pourquoi venir parquer ces pauvres gars sans véritables moyens d’action dans un bled où ils n’ont même pas un kiosque PMU’B ou un bon bistrot pour chasser l’ennui et tuer les mouches à défaut des gangsters ? Il ne se passe pourtant pas un trimestre sans qu’on entende parler de remise de matériel au ministère de la Sécurité.

Faut-il donc croire que Djibril Bassolet n’est efficace que lorsqu’il s’agit de traquer les Halidou, Hermann, Norbert, Bénéwendé et tout ce peuple du pays réel qui empêche le pouvoir de dormir du sommeil du juste ? Il nous est loisible de le penser. Pour être honnête, on ne sait pas trop ce qu’il faut faire pour éradiquer le fléau de l’insécurité, mais on est au moins sûr d’une chose : si les bandits poussent ... "l’élégance" jusqu’à narguer ceux qui sont chargés de les combattre, c’est qu’ils savent pertinemment qu’ils sont inoffensifs, ou incompétents, eux et leurs patrons. Auquel cas il faudrait du sang neuf pour booster cette lutte contre le grand banditisme.

En bonne démocratie, Blaise Compaoré aurait du souci à se faire pour la présidentielle du 13 novembre prochain, car ailleurs, là où l’opinion ne compte pas pour des prunes, des têtes tombent-et pas des têtes d’artichauts s’il vous plaît - quand ce ne sont pas des gouvernements. On l’a vu en France à la présidentielle de 2002 où la (trop grande) médiatisation de la montée de l’insécurité, réelle ou montée de toutes pièces, a quelque peu contribué à la défaite de Lionel Jospin et de son PS, alors majoritaire.

Au-delà de ces considérations bassement électorales, Blaise aurait d’ailleurs tort de négliger cette affaire, car de la simple sécurité des personnes et des biens, on peut, si on n’y prend garde, déboucher sur une affaire d’Etat.

Déjà dimanche dernier, au nombre des victimes prises dans le feu nourri des coupe-jarrets, il y avait un avocat de renom, ancien bâtonnier de l’ordre, et un journaliste non moins célèbre de la Radio nationale, par ailleurs pigiste à Radio France internationale. Mais il pouvait y avoir des personnalités plus emblématiques pour la paix sociale. Imaginons un seul instant qu’un des opposants radicaux, dont on dit déjà que certains sont menacés de mort, se soit trouvé parmi les voyageurs infortunés de ce dimanche matin. Qu’il s’en soit sorti indemne ou que le pire fût advenu (nous touchons du bois), rien n’aurait pu empêcher une partie de l’opinion de penser qu’en fait de braquage, ce fut un scénario monté de toutes pièces pour "faire" celui qu’on visait. Et on serait reparti pour une nouvelle affaire Norbert Zongo, car quand bien même il n’aurait rien à se reprocher, il serait difficile pour le régime de montrer patte blanche.

Mettons encore que ce soit un diplomate qui tombe sous les balles assassines des apaches et c’est une ère de relations tendues qui s’ouvrira avec son pays. Mais que faire devant une telle situation quand, pour caricaturer, ce sont les gendarmes eux-mêmes (comme on l’a vu à Kaya) qui vendent les armes de leur compagnie aux militaires qui commettent les forfaits ? Non contents donc de ne pas assurer notre sécurité, c’est même eux qui la mettent en danger. Et on entend dire déjà que ci ces bandits prospèrent tant, sans craindre grand-chose, c’est qu’ils bénéficient de la complicité et de la protection de personnes haut placées pour ne pas dire haut gradées. On se croirait dans la république des bandits, puisque c’est eux qui font la loi.

N’est-il d’ailleurs pas possible de mettre à contribution l’armée pour venir à bout de ce phénomène surtout que, excepté les médecins militaires, les sapeurs, les soldats du génie et le croque-mort de la soldatesque, les "wanb raado"(vendeurs de bois) ou ceux qui sont à des postes névralgiques pour l’Etat, le gros de la troupe en temps de paix n’a plus rien à faire après la montée des couleurs si ce n’est jouer au PMU’B ou au damier ?

Autant donc les utiliser sur ce front, car lutter contre le grand banditisme est aussi noble que la défense de l’intégrité du territoire. Mais peut-être attend-on qu’une vraie catastrophe survienne pour se secoue un peu.

Ousséni Ilboudo
L’Observateur

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