Actualités :: Hermann Yaméogo : « La candidature de Blaise Compaoré pose un gros problème. (...)

Le président Blaise Compaoré va se présenter le 13 novembre prochain pour un troisième mandat. C’est ce qu’a décidé son parti samedi dernier. Blaise Compaoré a-t-il le droit de se présenter une troisième fois ? L’opposition boycottera-t-elle ce scrutin comme les deux précédents ?
Les réponses de Me Hermann Yaméogo

Comment réagissez-vous à la candidature de Blaise Compaoré ?

Hermann Yaméogo :

Cela pose un très gros problème. Comme vous le savez, la constitution dispose en l’article 37 que « Le président du Faso est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une fois ». Il se trouve que le président Compaoré, après avoir révisé une première fois cette constitution pour déverrouiller le mécanisme de limitation a été contraint en 2000 par une mobilisation populaire à restituer la limitation à deux termes.
Nous estimons que si effectivement il y a eu une mobilisation populaire pour ramener la limitation, je ne peux pas comprendre que l’on restitue la limitation du mandat présidentiel et que l’on en exclue l’application à Blaise Compaoré. Il ne peut pas vouloir une chose et son contraire : restituer la limitation et s’en exonérer.

Mais à partir du moment où la loi n’est pas rétroactive, Blaise Compaoré n’est-il pas autorisé comme tous les autres Burkinabè à se présenter pour deux quinquennats successifs à partir de 2005 ?

Hermann Yaméogo :

Pour cela, il aurait fallu sortir de la constitution de la IVè république pour en changer les dispositions. En 2000, il n’y a pas eu une nouvelle constitution où on repart à zéro ; en 2000, c’est la même constitution qui a été adoptée que celle de 1991 et qui repose toujours sur la limitation du mandat à deux termes ; donc à partir de 2005, il ne peut pas se présenter.

Vous voulez dire que l’amendement de 2000, on est revenu à la constitution de 1991 ?

Hermann Yaméogo :

Exactement. Le peuple a dit que Blaise Compaoré ne peut pas se présenter parce que c’est toujours la même constitution de 1991 qui nous régit et dans cette constitution il est absolument interdit de faire trois mandats.

Alors qu’allez-vous faire ?

Hermann Yaméogo :

Actuellement nous allons contester par tous les moyens. Nous savons que le conseil constitutionnel ne peut qu’aller dans le sens du président, étant entendu que la plupart des membres sont d’obédience du parti-Etat et qu’ils ne peuvent pas faire autrement que de décliner dans sons sens.
Mais heureusement, nous avons à notre disposition les articles 166 et 167 qui autorisent que nous puissions engager la désobéissance civile au cas où il y a une violation de la constitution.

Hermann Yaméogo, vous avez boycotté les deux précédentes présidentielles, qu’allez-vous faire cette fois-ci ?

Hermann Yaméogo :

Aujourd’hui au niveau de l’opposition burkinabè, nous avons décidé d’aller aux élections. Nous avons changé de stratégie parce que nous avons estimé qu’il y a des conditions favorables : il y a l’effet de l’usure du pouvoir, la pauvreté au Burkina Faso a pris des proportions faramineuses, même si on n’en parle pas, il y a la faim au Burkina Faso (un phénomène que nous n’avons même pas connu du temps de la colonisation), il y a aussi une insécurité galopante que l’on a jamais connue dans ce pays, qui s’explique aussi par les nombreuses ingérences du Burkina Faso dans les conflits extérieurs ; les armes sont en circulation libre au Burkina Faso, on braque même dans les plus petits villages à cause du conflit en Côte d’Ivoire. Tout cela fait qu’il y a un mécontentement profond dans la population.

Pourquoi avez-vous accepté d’être à plusieurs reprises ministre de Blaise Compaoré alors ?

Hermann Yaméogo :

Vous avez, actuellement, c’est une proposition qui a la faveur de la communauté internationale. On en parle notamment en Centrafrique, au Togo, donc, c’est pour vous dire qu’il n’y a pas de mauvaise chose en soi que de participer dans un gouvernement d’union nationale ou d’ouverture. Mais nous estimons qu’il y a assez de raisons actuellement pour que nous allions à l’opposition pour obtenir le changement. C’est le même raisonnement qu’ont eu certains opposants comme au Sénégal et au Kenya et qui ont pu avoir l’adhésion populaire pour réaliser l’alternance.

Depuis le début de la crise en Côte d’Ivoire il y a trois ans, beaucoup de Burkinabè se déclarent solidaires de leur président contre Laurent Gbagbo ; est-ce que vous ne craignez-vous pas que cette crise joue en faveur de Blaise Compaoré à cette présidentielle ?

Hermann Yaméogo :

C’est ce que le pouvoir veut faire croire à l’opinion internationale ; mais aujourd’hui, ils en reviennent. Ils savent très bien que s’il y a eu une crise en Côte d’Ivoire, c’est parce que le Burkina Faso été l’un des acteurs de cette crise. C’est du Burkina Faso que les gens sont partis pour agresser la Côte d’Ivoire. Si les rebelles n’avaient pas été préparés, aidés, soutenus au Burkina Faso, il n’y aurait pas eu la guerre en Côte d’ivoire. Aujourd’hui, les Burkinabè voient clair. Et si nous tenons à ce que le Burkinabè qui sont en Côte d’Ivoire votent, et si le pouvoir refuse qu’ils votent, c’est parce que lui-même sait très bien que si on leur donnait la parole, le pouvoir burkinabè serait sanctionné mille fois.

Etes-vous favorable à un rapprochement de votre pays avec Laurent Gbagbo ?

Hermann Yaméogo :

Je suis favorable à la réconciliation nationale. Tant qu’il n’y aura pas la réconciliation entre les deux pays, je pense qu’il n’y aura jamais de solution.

C’est donc plus une réconciliation avec la Côte d’Ivoire qu’avec Laurent Gbagbo ?

Hermann Yaméogo :

Mais pas du tout, pas du tout ! J’estime que c’est un président légal, qui a été élu, victime d’un coup d’Etat. C’est un patriote, c’est quelqu’un qui agit comme un Patrice Lumumba, comme un Nkrumah ! Il est représentatif de ces nouveaux présidents qu’on aimerait voir émerger en Afrique pour lutter contre les phénomènes de néo-domination.

Hermann Yaméogo, beaucoup de vos compatriotes burkinabè de Côte d’Ivoire ont été victimes des actes des « patriotes » de Laurent Gbagbo ; est-ce que ça ne risque pas de vous coûter des voix au Burkina.

Hermann Yaméogo :

Les Burkinabè, qu’ils soient en Côte d’Ivoire et qui ont eu à souffrir de cette situation savent très bien que s’il n’y avait pas eu le 19, s’il n’y avait pas eu l’agression de la Côte d’Ivoire, il n’y aurait pas eu tous ces massacres.
Je n’en reviens pas de voir à quel point on réduit les problèmes à une simple question d’ivoirité ; mais ce n’est pas cela, il n’y a pas que l’ivoirité. Je dis aujourd’hui que ce soit Gbagbo, Ouattara ou Bédié qui arrive au pouvoir, si on n’a pas réglé le problème de l’immigration, si on ne cherche pas à investir dans les pays enclavés, il y aura toujours l’émigration vers la Côte d’Ivoire. Les Burkinabè, les Maliens qui n’ont pas de travail ne vont pas rester chez eux, condamnés à mourir alors qu’ils ont des possibilités en Côte d’ivoire.

Interview réalisée par Christophe Boisbouvier
RFI (www.rfi.fr)
Retranscription de Lefaso.net

Burkina : Les magistrats du parquet désormais nommés par (...)
Burkina/Conduite de la transition : Les députés de l’ALT (...)
Burkina : L’ALT examinera une proposition de loi pour (...)
Conseil des ministres : La SONABHY, le BUMIGEB et le (...)
Affaire “Me Guy Hervé Kam” : L’Etat à l’épreuve de sa (...)
Burkina/Situation nationale : Les propositions de Me (...)
Burkina : Me Ambroise Farama dément les accusations (...)
Situation sécuritaire au Centre-Sud : La gouverneure (...)
Burkina : Le leader politique, Amadou Tall, appelle à (...)
Burkina/Projet de loi portant statut de la magistrature (...)
Burkina Faso : « Il n’y aura pas d’élections tant que le (...)
Gestion du fret : Le CBC reçoit les orientations du Chef (...)
Burkina : Quand les pouvoirs peinent à assurer la (...)
Burkina : Colonel Boukaré Zoungrana désormais ambassadeur (...)
Burkina Faso/MPSR2 : L’échéance de la Transition nécessite (...)
Burkina : 500 millions fcfa pour "une communication de (...)
Burkina : Le Parti Panafricain pour le Salut exhorte (...)
Investiture du Président Bassirou Faye : Voici les (...)
Investiture de Bassirou Diomaye Faye : Le Capitaine (...)
Sénégal : Le CDP félicite le nouveau Président Bassirou (...)
Mobilisation générale et de la mise en garde : Le (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 12495


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés