Actualités :: VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la (...)

"Il n’y a pas de sot métier, il n’y a que des sottes gens." Ceci est une réalité démontrée par Serge Roland Zongo. Après son baccalauréat en 1998, celui qui est connu sous le sobriquet de "Le linguiste" a opté pour la Fonction publique mais n’y fera pas carrière. Il a réalisé un rêve qu’il a longtemps caressé : devenir boucher. Un cas rarissime qui force la curiosité et l’admiration. Nous avons rencontré ce jeune homme de 28 ans le 18 avril dernier au secteur 23 de Ouagadougou.

"Le Pays" : Vous avez préféré la boucherie à la Fonction publique. Quelles ont été vos motivations ?

Serge Roland Zongo, boucher, spécialiste de "pourré" (estomac en mooré) A défaut du mieux, il faut se contenter de ce que l’on a. C’est dans ce sens qu’après mon bac, j’ai passé le concours de la Fonction publique, notamment l’Enseignement de base où j’ai été retenu. Mais quelque temps après, j’y ai renoncé parce que mon rêve le plus profond était de devenir commerçant. Je n’aimais pas rester entre les quatre murs pour travailler à l’image de mes parents qui évoluent dans le secteur informel en terre ivoirienne. Quand j’étais très jeune, aux côtés de mes parents, des fonctionnaires dont des cadres de l’administration venaient leur emprunter de l’argent. Alors, je me suis demandé à quoi servait la fonction publique ? Un jour, je me suis dit qu’il fallait que je démissionne de ma fonction pour entreprendre d’autres initiatives et parmi tant d’autres, c’est la boucherie que j’ai choisie.

Pourquoi une démission au lieu d’une disponibilité ? Etiez-vous sûr de réussir ce métier du secteur informel ?

La raison était que quand je quittais, je n’avais aucune intention d’y retourner même en cas d’échec. Pour moi, il fallait mettre tout en oeuvre pour ne pas regretter la décision prise. C’est quand on se dit cela qu’on perd les pédales. Même si la boucherie ne marchait pas, j’avais une autre alternative : rejoindre mes parents en Côte d’Ivoire afin d’aider ma mère (grande vendeuse d’attiéké) à exporter le couscous de manioc au Burkina.

Comment as-tu débuté la vente du "pourré" dans un milieu que tu ne connaissais pas du tout ?

Avant d’apprendre comment on prépare le "pourré", je me suis lancé d’abord dans la préparation des brochettes en quantité moyenne, lors des cérémonies et autres événements. C’était des brochettes faites à base de tourteaux d’arachide encore appelées les brochettes de Kaya. A partir de cinq baguettes de pain et un demi kilogramme de viande par jour, je me suis installé dans l’enceinte du collège de la Salles où des clients venaient déguster mes recettes. Au fur et à mesure, la demande augmentait jusqu’à ce que j’atteigne 50 miches de pains par jour. Un matin, un individu d’une boulangerie de la place m’a rendu visite à mon lieu de vente. Celui-ci m’a dit que comme je faisais maintenant partie de leurs meilleurs clients, la boulangerie allait m’aider à mieux m’équiper.

C’est ainsi qu’on m’a donné une grosse table, un grand fourneau et du coup, je vendais plus de 70 à 100 miches par jour. Ce qui me donnait droit à des commissions (bonifications) allant de 75 000 à 90 000 F CFA par mois. Par la suite, quatre boulangeries ont, chacune, promis de m’aider financièrement, si je voulais m’équiper davantage. C’est ce qu’elles ont fait à titre de prêts remboursables.

Pourquoi avez-vous abandonné les brochettes pour le "pourré" et comment vous en êtes-vous spécialisé ?

Je me suis dit un jour qu’il serait mieux que je me spécialise dans une recette donnée et mon choix a porté sur le "pourré", un choix du hasard. Mais avant de commencer, je suis allé voir un cousin qui, entre autres recettes comme le foie, la langue de boeuf, etc. préparait le "pourré". Avec ce dernier, j’ai appris à préparer cette viande au feu doux, le tout accompagné ou assaisonné de légumes verts dont les vertus thérapeutiques facilitent la digestion. Après, j’ai quitté mon cousin pour repartir m’installer.

Travaillez-vous seul ou avec des employés ?

Au stade où je suis, je ne peux plus travailler seul. J’ai ouvert plusieurs points de vente avec une dizaine de personnes dont des étudiants, des pères de familles. Mais pour aider ces gens, je leur livre chaque jour de la viande et du pain et à la fin de la journée, chacun d’eux me remet l’argent correspondant à la quantité de pain et de viande livrée. Moi, je gagne grâce aux commissions des pains vendus. Je travaille directement avec des petits frères qui sont venus de la Côte d’Ivoire.

Quel a été le regard de votre entourage quand vous avez quitté la Fonction publique pour la boucherie ?

J’ai tout entendu et tout vu. Certains m’ont pris pour un fou, d’autres pour un voleur. Pour ces derniers, à moins d’être dans les deux situations, on ne quitte pas la Fonction publique pour devenir boucher. Même dans m’a belle famille, personne n’a toléré ce virement. J’entendais dire : "la fille d’un tel a épousé un boucher des boyaux". Il est même arrivé que sous la pression sociale, ma femme et moi avions rompu près d’une année, avant de reprendre. Mes amis m’ont également abandonné à l’époque. Quand je partais chez eux, ils m’accueillaient avec dédain et disaient souvent, "regarde, c’est le mari de l’autre qui passe, le vendeur de boyaux". Mais comme je savais ce que je voulais, je n’étais aucunement pas complexé par ces propos. La preuve est qu’aujourd’hui, la réalité est tout autre et j’ai retrouvé la considération que j’avais perdue.

Ce qui veut dire que vous ne regrettez pas aujourd’hui votre aventure ?

Je ne regrette rien et c’est avec modestie que je le dis. Je peux dire que même tous ceux qui m’ont formé dans la boucherie ne se débrouillent pas mieux que moi aujourd’hui. Cela est sûrement dû au fait qu’ils ne sont pas allés à l’école. Ceux qui me traitaient de vendeur de boyaux viennent souvent me demander de l’argent. Qui 50 000 F CFA, 100 000 F CFA, 200 000 F CFA, etc. et je donne. Je n’envie pas aujourd’hui un cadre de la Fonction publique en termes de revenus mensuels, pas en tout cas ceux de ma promotion.

Mais on dit qu’il y a plus de stabilité dans la Fonction publique, une certaine garantie au niveau de la retraite...

Nous devons aujourd’hui dépasser cette considération. C’est l’homme qui prépare sa retraite. On peut aller à la retraite et ne pas jouir pleinement, pour n’avoir pas bien cotisé. Nous voyons des gens qui sont à la retraite mais qui souffrent plus que ceux qui n’en bénéficient pas.

Quels sont vos projets à court et long termes ?

Je suis en train de monter un projet en agriculture. J’ambitionne faire des champs dans les zones arables où je vais employer des jeunes qui y travailleront avec des outils modernes.

Un mot pour terminer cet entretien ?

Ce serait en guise de conseils aux jeunes qui rêvent de travailler dans les bureaux. C’est un choix, mais si on n’a pas eu la chance, on ne doit pas croiser les bras. Je pense que la réussite ne dépend pas forcément des diplômes amassés mais de la capacité à faire valoir ses talents. Un étudiant qui a suivi mes conseils exporte aujourd’hui de la viande à l’extérieur et il remercie Dieu de lui avoir indiqué le chemin de la réussite. Quand je fais souvent un tour au campus, on me réclame de l’argent par-ci et de la cigarette par-là. J’ai vraiment pitié de ces personnes qui n’ont aucun esprit d’initiative. Je termine en remerciant le journal "Le Pays" qui ne cesse de contribuer à la promotion et à l’éducation d’une jeunesse en quête de son épanouissement.

Propos recueillis par Armel ILBOUDO

Le Pays

Procès CGT-B vs Adama Siguiré : 12 mois de prison et une (...)
Vague de chaleur au Burkina Faso : Déclaration de la (...)
Burkina/Accusations de massacre de civils par l’armée : (...)
Burkina : Suspension des travaux "clandestins" à la (...)
Procès CGTB vs Adama Siguiré : Le verdict est attendu ce (...)
Burkina/Journée scientifique : Des chercheurs poussent (...)
Maladie de l’hypertension : « Ne faites pas un régime (...)
Burkina/Nutrition : Les journalistes outillés par des (...)
Burkina / Éducation : Le complexe scolaire « Les Élus » (...)
Projet « Weoog-Paani » : Un bilan satisfaisant ..., une (...)
Soutenance de master : David Ouango analyse les (...)
Burkina/Hygiène et assainissement : L’ONG Suplamar offre (...)
Certification de l’aéroport de Bobo-Dioulasso : Les (...)
Burkina/Foncier rural : La promotion « Burkindi (...)
Burkina/Droits des défenseurs des droits humains : La (...)
Burkina/Projet d’insertion socioéconomique des enfants et (...)
Mécanismes de suivi des politiques publiques : Des (...)
Initiative « Résilience par l’artisanat » : Vingt jeunes (...)
Ouagadougou : Une importante quantité de viande (...)
Affaire Lionel Kaboui : Le dossier en appel renvoyé au (...)
Burkina/Sciences : « Les enjeux de la recherche sont (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36582


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés