Actualités :: Affaire Thomas Sankara : Un os pour l’ensemble de la classe politique et (...)
Thomas Sankara

En début de semaine dernière, le Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies a jugé recevable la procédure du collectif d’avocats de la veuve Mariam Sankara et de ses enfants au sujet des conditions de la disparition tragique du président Thomas Sankara en cette après-midi du 15 octobre 1987.

Conséquence : les différentes parties concernées par cette affaire tirent chacune la couverture à elle. Ainsi, pour le gouvernement, la suite donnée à la plainte de la famille Sankara est partielle, tandis que du point de vue de cette dernière la victoire est nette et sans ambages.

Sans doute pour tout le Burkina Faso et peut-être pour toute l’Afrique, cette décision a des vertus en matière d’instruction et d’expérience dans la gestion de nos pays. En cela, le Comité a vraiment accompli une œuvre utile qui nous permettra ou nous obligera à regarder en face notre passé récent sans avoir le sentiment d’avoir violé un tabou.

Avouons-le : malgré les recommandations du Comité de sages et bien que Thomas Sankara ait été sacré héros national, il faut reconnaître que, mis à part le personnel politique de la mouvance sankariste, parler du président du CNR et des conditions de sa disparition dans la rue ou par l’intermédiaire des médias demeure un exercice difficile pour tous.

Or, il y a lieu que l’abcès soit crevé pour une réconciliation nationale diachronique et synchronique ; c’est-à-dire entre notre passe et nous d’une part et d’autre part entre nous-mêmes.

On ne peut édifier une nation dans l’amnésie ou dans le black-out de certains pans de son histoire. Si à l’échelle individuelle, il y a des aspects de notre propre histoire dont nous sommes peu fiers, il en est de même pour la nation.

Mais à la différence de l’individu, qui peut choisir de parler ou non de sa propre histoire, la nation doit encourager les citoyens qui la composent à mettre le doigt sur les péripéties peu honorables de sa traversée du temps. C’est l’une des manières courageuses pour ses dirigeants d’aujourd’hui et de demain de ne pas retomber dans les mêmes erreurs.

Cependant, en attendant que ces leçons soient tirées et appliquées dans un futur proche ou lointain, l’intérêt de ladite décision réside, à notre sens, dans la démarche de décryptage, d’analyse et d’interprétation des événements, à travers leurs acteurs, qu’elle impose à tous.

Au niveau de la classe politique

Cela est d’autant plus vrai que, même si on peut être en désaccord avec certains arguments de personnes proches du pouvoir, il n’est pas possible de comprendre cette décision en faisant fi des animateurs de la vie politique de l’époque.

Et contrairement à ce que l’on peut penser, cette affaire Thomas Sankara ne concerne pas que Blaise Compaoré quand bien même il est le premier à profiter de cette situation dans la mesure où c’est lui qui a succédé au président du CNR à la tête de l’Etat.

Certes, pour ce faire, il est le premier suspect sérieux dans cette affaire, mais la suspicion sérieuse à son sujet n’implique pas nécessairement que sa culpabilité soit avérée, à moins qu’un tribunal compétent en décide ainsi. Ce qui n’est pas encore le cas.

De plus, la remarque élémentaire à faire est que les éléments de notre classe politique apprécient ou apprécieront la décision du Comité des droits de l’Homme de l’ONU, non en fonction des impératifs de respect des droits humains, mais au regard de leur position sur l’échiquier politique.

Ainsi, un Issa Tiendrébéogo (avec le GDP) qui, au lendemain du 15 octobre 1987, était un homme fort de la coordination du Front populaire, n’aurait pas assisté à la conférence de presse des avocats de la famille Sankara s’il n’avait été en bisbilles avec l’ODP/MT d’abord et le CDP ensuite. Mieux, il aurait trouvé des arguments pour, au moins, réconforter le pouvoir.

De même, un Gilbert Noël Ouédraogo (avec l’ADF/RDA) aurait tout de suite sauté sur l’occasion pour vilipender Blaise Compaoré et les siens s’il n’avait décidé de soutenir le programme de ce dernier. C’est dire si les débats au sein de la classe politique sont biaisés.

Par ailleurs, il y a des héritiers du défunt président du CNR (ou des gens qui se qualifient tels) et des victimes des mesures du CNR (pour lesquels Thomas Sankara, en tant que première autorité, était la cause de leur malheur) qui ont rejoint, entre-temps, Blaise Compaoré tandis que nombre d’acteurs de poids du 15 octobre 1987 ont quitté le navire Blaise Compaoré. Tant et si bien que si ça devait faire mal, bien de personnalités tant de l’opposition que du pouvoir en baveraient.

Certains poids lourds de l’opposition victimes des abus du CNR ont dit avoir pardonné à Thomas Sankara alors que d’autres, hier encore acteurs de premier plan du mouvement dit de rectification, affirment s’être repentis ou avoir fait leur autocritique. En réalité, les choses sont plus compliquées que cela.

Effectivement, s’il ne suffisait que d’autocritique sincère, pourquoi accepterait-on celle de certains contradicteurs du président du Faso tout en refusant la sienne dite à l’occasion de la Journée nationale de pardon le 30 mars 2001 ? Quels sont les critères qui peuvent autoriser à dire que le repentir d’un dirigeant de l’opposition est plus sincère que celui de Blaise Compaoré par exemple ? C’est véritablement cornélien.

La place de l’armée dans cette histoire

Il est déplorable de constater que nombre de personnes de notoriété politique et académique ne voient dans la tragédie du 15 octobre 1987 que le couronnement d’un piège savamment tissé par Blaise Compaoré depuis août 1983 pour assassiner Thomas Sankara et ‘’régner’’.

Si, pour notre part, nous n’avons pas d’argument pour défendre la thèse contraire, nous n’avons pas non plus de preuve pour soutenir la version selon laquelle c’est Blaise Compaoré qui a fait envoyer Thomas Sankara ad patres. Beaucoup de personnes sont comme nous. Conclusion, notre position dépendra plus souvent de notre appartenance politique, de nos accointances, etc.

Or, dans une caserne, beaucoup de choses peuvent se passer : autant tout subordonné doit obéir sans hésitation ni murmure à son supérieur, autant ce subordonné peut, s’il estime (parfois de façon erronée certes) son chef menacé, décider d’agir préventivement à son insu pour le protéger.

Sans affirmer que c’est comme cela que les choses se sont passées, nous disons qu’elles peuvent s’être passées de cette manière en attendant qu’une version appuyée par des preuves ‘’têtues’’ nous soit donnée. Sinon, on ne peut que nager dans les eaux tumultueuses des spéculations oiseuses parfois aussi farfelues les unes que les autres et dont les moins fantaisistes n’ont même pas qualité d’hypothèses.

Cette situation nous donne l’occasion de relever que les difficultés à faire la lumière sur les violences en politique sont liées essentiellement au fait que l’armée y est impliquée jusqu’au cou. Et tous nous savons que l’institution armée, c’est d’abord l’opacité. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle la ’’Grande Muette’’.

Du reste, l’IDEA en avait déjà fait la remarque dans un de ses rapports en 1999-2000. Ce faisant, bien que président du Faso et chef suprême des armées, il n’est pas certain que Blaise Compaoré sache tout ce qui s’y est passé en matière de perpétration de crimes par les éléments des forces armées. Mais le fait est là qu’il doit assumer.Un point c’est tout.

En outre, si nous admettons qu’il est possible qu’il ait été mis devant le fait accompli dans bien de situations, nous ne pouvons que conclure qu’il est au moins de temps en temps prisonnier d’un système. Ainsi, on est en plein dans la dialectique du rapport de l’individu au groupe.

Autrement dit, de même que l’individu représentant ou symbolisant le groupe exerce une influence certaine sur celui-ci, de même ce dernier agit sur l’individu souvent de manière décisive quand on sait que dans cette relation le groupe reste le facteur déterminant.

C’est dire que même si l’alternance démocratique, qui est un des révélateurs de la santé d’un Etat de droit, intervenait, le nouvel occupant du palais de Kos-Yam devrait compter avec cette donne s’il ne veut pas se retrouver en porte-à-faux avec une institution (l’armée) qui, dans un pays comme le Burkina Faso, occupe une place importante dans la gestion de la cité.

A n’en pas douter, on ne doit pas prétexter de cette difficulté pour laisser se perpétuer l’impunité, mais on ne peut non plus ignorer que la stabilité de l’Etat dépend, en partie tout au moins, de la manière dont l’armée est gérée. Comme dirait l’autre, il faut se hâter soit, mais lentement.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

Burkina : Les magistrats du parquet désormais nommés par (...)
Burkina/Conduite de la transition : Les députés de l’ALT (...)
Burkina : L’ALT examinera une proposition de loi pour (...)
Conseil des ministres : La SONABHY, le BUMIGEB et le (...)
Affaire “Me Guy Hervé Kam” : L’Etat à l’épreuve de sa (...)
Burkina/Situation nationale : Les propositions de Me (...)
Burkina : Me Ambroise Farama dément les accusations (...)
Situation sécuritaire au Centre-Sud : La gouverneure (...)
Burkina : Le leader politique, Amadou Tall, appelle à (...)
Burkina/Projet de loi portant statut de la magistrature (...)
Burkina Faso : « Il n’y aura pas d’élections tant que le (...)
Gestion du fret : Le CBC reçoit les orientations du Chef (...)
Burkina : Quand les pouvoirs peinent à assurer la (...)
Burkina : Colonel Boukaré Zoungrana désormais ambassadeur (...)
Burkina Faso/MPSR2 : L’échéance de la Transition nécessite (...)
Burkina : 500 millions fcfa pour "une communication de (...)
Burkina : Le Parti Panafricain pour le Salut exhorte (...)
Investiture du Président Bassirou Faye : Voici les (...)
Investiture de Bassirou Diomaye Faye : Le Capitaine (...)
Sénégal : Le CDP félicite le nouveau Président Bassirou (...)
Mobilisation générale et de la mise en garde : Le (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 12495


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés