Actualités :: Me Hermann Yaméogo : les 650 millions de Gbagbo, la CENI, Taylor et les (...)
Herman Yaméogo

Il y a bien longtemps qu’il a accepté de s’étaler sur tant de dossiers, nationaux comme internationaux. Me Hermann Yaméogo qui, pourtant, était chaque fois parmi les premiers sinon le premier à se jeter à l’eau, avait pris comme une retraite oratoire.

Mais pouvait-il continuer de vivre ainsi face à des sujets brûlants comme ces 650 millions qu’on l’accuse d’avoir "empoigné" auprès de Laurent Koudou Gbagbo, l’affaire Taylor, hier ami du Burkina et aujourd’hui entre les mains du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, ou encore les municipales dont la campagne a démarré ? S’il dit réserver une réponse appropriée en son temps à ce "scoop" de début d’année que nous a livré notre confrère Sidwaya, l’opinion lui assurant déjà un rôle d’avocat selon lui, il ne fait pas dans la dentelle pour ce qui est des autres sujets évoqués. Lisez plutôt.

Cela fait bien longtemps que l’on ne vous entend plus ; qu’est-ce qui expliquerait ce silence ?

• Plusieurs raisons. Lorsque le Conseil constitutionnel a décidé que Blaise Compaoré pouvait se présenter pour un troisième mandat contrairement à l’article 37 de la Constitution, j’ai conséquemment retiré ma candidature. Le Conseil constitutionnel, qui avait demandé à m’entendre pour avoir confirmation de ce retrait, en avait pris acte dans un premier temps pour ensuite au pied levé, délibérer et maintenir ma candidature envers et contre tout. Sa décision, avant de m’être notifiée, sera portée à la connaissance de l’opinion par la voie des ondes, et alors même que la totalité des signatures des conseillers n’était pas au bas de la délibération !

La CENI ordonnera dans le mouvement l’impression des bulletins avec ma photo sans avoir reçu le bon à tirer à cet effet. J’étais donc candidat malgré moi, ayant la liberté comme tous les autres candidats, d’aller toucher sa subvention pour la campagne électorale et d’user des temps de passage prévus dans les médias d’Etat. Mais voilà : en rupture totale avec le Conseil constitutionnel et la CENI, le Conseil supérieur de la communication, que j’avais fait contacter pour garantir mes droits à explication, choisit pour sa part de me donner acte de mon désistement et dans la foulée, me retira ces droits de passage dans les médias d’Etat.

Bien qu’étant devenu candidat à mon corps défendant, je n’entendais cependant ni réclamer la restitution de la caution de 5 millions de Francs, ni toucher le financement public pour la campagne (plus de 7 millions, je pense), mais j’aurais cependant aimé bénéficier de mes temps médiatiques pour m’expliquer auprès de mes militants et de l’opinion, pour donner des mots d’ordre de boycott. J’estimais que ce n’était pas trop demander pour une gestion équitable des opinions. Non seulement cela ne fut pas possible mais lors même que j’invitai les médias d’Etat à couvrir les activités politiques habituelles de l’UNDD, ils se refusèrent à le faire. Je dus moi-même prendre le temps d’aller sur le terrain pour dénoncer cette injustice et tenter d’en minimiser les effets néfastes voulus. Vous imaginez tout ce que cela m’a imposé par ailleurs comme sacrifices ! Voilà la première raison de mon silence.

Mais j’ai aussi volontairement pris un peu de champ parce qu’il me fallait faire le bilan de ces élections pour mesurer l’état des ravages causés à l’opposition et à la démocratie par ce passage en force de Blaise Compaoré qui s’est fait au prix le plus fort de la violation de notre loi fondamentale. C’est là, et là seulement, qu’il faut trouver les raisons de ce silence, un silence d’autant plus réparateur qu’il suspendait les marchandages et autres surenchères à des fins multiples qui se nourrissent toujours ici et là, de mes prises de positions politiques. A ceux qui justifiaient ce silence par un ramollissement de mes convictions ou par des craintes de nouvelles déstabilisations, je redis haut et fort, que ce pouvoir a pris possession du pays comme le « malin » et que, faute de l’ exorciser par la politique du refus fondateur que je propose, il n’ira que s’enfonçant dans les turpitudes de sa « si douce dictature » pour reprendre l’expression de l’écrivain Taoufik Ben Brik.

S’agissant d’éventuelles démissions, à force j’ai la peau du cuir quand même un peu tannée, et il n’en existe aucune de potentielle dans le parti qui puisse m’empêcher de dormir et de dire ce que je pense de l’insupportable monarchisation en cours du régime et de ses ingérences à l’extérieur.

Les municipales, c’est pour bientôt. Cette politique de communalisation du territoire ne présente-t-elle pas quelques acquis pour vous ?

• Le simple fait qu’il y ait un Code général des collectivités territoriales (CGCT), cadre juridique de référence en matière de décentralisation, et que le processus de transfert du patrimoine de l’Etat aux communes soit en œuvre dans des domaines comme le préscolaire, l’enseignement primaire, la santé... constituent des acquis de même que l’adhésion des acteurs du développement au processus de décentralisation justement activé par l’organisation des élections municipales dans 351 communes.

Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt : la décentralisation démocratique n’a bougé que parce que les bailleurs de fonds ont mis la pression mais elle ne s’en conduit pas moins de façon unilatérale, sans véritable travail pour son appropriation sociale et politique. On notera aussi que les Ministères se font toujours tirer les oreilles (ne voulant pas perdre des avantages liés à la centralisation) pour concéder les véritables transferts.

Par ailleurs, la communalisation est fragilisée par les handicaps suivants : précarité des finances, manque de maîtrise de l’assiette fiscale, connaissance insuffisante du potentiel économique, faiblesse de l’autofinancement, impossibilité d’accéder aux marchés financiers... Si l’on veut réussir, il faut régler ces problèmes mais aller encore plus loin en proposant, comme l’a fait un candidat du parti, un Ministère des communes et comme je le suggère, un mini plan Marshall de la décentralisation.

Il y a lieu aussi de parier sur la tutelle rapprochée et a posteriori pour donner plus de lisibilité aux compétences des communes et des représentants de l’administration centrale dans les communes. Enfin, l’UNDD a toujours soutenu la nécessité d’accompagner la décentralisation démocratique par la mise en œuvre d’un système de péréquation qui joue de discrimination positive pour ne pas promouvoir une décentralisation à multiple vitesse en raison des disparités que connaissent les communes.

Que nous réserve l’UNDD à l’occasion de ces consultations, elle qui était presque à couteaux tirés avec la CENI ?

• L’UNDD par rapport à cette consultation a des obligations propres. Nous nous considérons d’abord comme des défenseurs à titre particulier, de la communalisation intégrale, parce qu’elle est pour ainsi dire, notre label. En tant que technique de redistribution des pouvoirs et des richesses, nous l’avons prônée de façon pionnière et constante, de l’UNDD formule 1978 à l’UNDD formule 2003, en passant par le MDP, le MDP/ADF, l’ADF, l’ADF/RDA. Le peuple doit le savoir à travers cette consultation.

Nous développerons donc les idées susmentionnées en insistant sur le fait qu’il faut des transferts réels et conséquents de compétences et de ressources pour permettre aux collectivités locales de gérer effectivement leurs intérêts locaux. Nous dirons aussi qu’ en dépit des hypothèques qui planent sur la loyauté du scrutin à cause notamment des vices qui le grèvent, ces élections sont une arme qui peut aider à libérer la démocratie de ses ravisseurs. Par leur nature, elles cristallisent en effet à la base, contrairement à l’élection présidentielle, une multitude d’ambitions.

Les candidats directement concernés pourraient donc, en s’investissant, limiter les fraudes. Ce sont là les raisons qui font que nous y serons présents, encore et surtout que pour ce scrutin, il ne se pose pas de problème de violation de la Constitution à travers des candidatures anticonstitutionnelles. _Cela étant, ma conviction demeure entière que ces élections resteront toujours bien en deçà des espérances pour les mêmes raisons de toujours : gestion discriminée des opinions, fichier électoral encore et toujours défectueux, financement injuste des partis, inféodation des chefs coutumiers, de l’administration, des confessions religieuses au pouvoir... Elles dénatureront encore le suffrage parce qu’aussi la CENI a fini sa mue pour devenir un instrument qui concourt, pour le compte du pouvoir, au formatage de la démocratie.

En fait, que reprochez-vous à la structure de Moussa Michel Tapsoba ?

• Pour ma part, je ne veux nullement personnaliser le problème. J’ai lutté pour la création de la CENI, dès 1990 avant l’adoption de la Constitution de la IIIe République, à une époque où Moussa Michel Tapsoba n’imaginait même pas en être le président. Mais je dois dire que dans le souci de baliser le processus de démocratisation par le transfert de la matière électorale à une structure indépendante en lieu et place du Ministère de l’Administration territoriale, nous avons tous joué au Frankenstein.

Nous nous sommes, après une lutte que nous pensions victorieuse, retrouvés devant un monstre qui s’est retourné contre ses géniteurs pour se mettre au service du pouvoir. Par le jeu des coups d’Etat qu’il a commandités dans les partis, de la transhumance, des OPA qu’il a favorisés à tous les niveaux de la vie nationale, le pouvoir a fini par s’approprier entre autres mécanismes déjà récupérés, sa « chose » : la CENI !

Il n’est que d’observer le désintérêt de cette dernière, voire même son agacement vis-à-vis des nombreuses demandes de l’opposition et son empressement à se faire l’avocat du pouvoir, pour se rendre compte de la perversion de cette institution électorale. Je ne dirai rien des attaques personnelles dont j’ai été l’objet. Pour moi, Moussa Michel Tapsoba n’est qu’un instrument. Il aurait pu, bien sûr, ne serait-ce que pour la beauté du geste, se démarquer à temps, mais là c’est une autre affaire qui le regarde.

Sous le gouvernement de réconciliation, Me Hermann Yaméogo s’est largement investi dans le dossier togolais. Quelle est sa vision actuelle de la situation de ce pays ? Croyez-vous que vous pourriez être de quelque utilité dans le rapprochement des frères togolais ?

• La situation au Togo est plus que délicate. Ce pays ne peut pas continuer d’évoluer avec cette fracture nationale qui, sur la durée, s’est quasiment structurée. Il pourrait en être durablement déstabilisé et si à Dieu ne plaise, cela survenait, il y aurait de graves conséquences alentour et en particulier au Burkina Faso. Nous devons donc aider le Togo à se réconcilier avec lui-même. Je remercie ceux qui pensent que, mis à profit dans une dynamique de médiation, je pourrais être d’une quelconque utilité dans la recherche de la paix pour ce pays, mais il y a loin de la coupe aux lèvres que cela se réalise.

Il faudrait en effet pour cela, avoir l’agrément de la partie togolaise (pouvoir et opposition), ce qui n’est pas évident, et ensuite, celui de la partie burkinabé, ce qui l’est encore moins. Cela dit, j’ai un faible pour le Togo, et pour y avoir des amis dans les deux camps, je souhaite sincèrement que le dialogue intertogolais aboutisse avec ou sans amiable compositeur.

Quid du Bénin qui vraisemblablement tourne la page Kérékou ?

• Ce que j’en dis, c’est que Mathieu Kérékou a tenu parole ; les démocrates africains lui doivent une fière chandelle. Il n’a pas, comme au Burkina Faso, comme au Tchad, en Tunisie et dans bien de pays africains, dans le silence de la communauté internationale, charcuté la Constitution de son pays pour pouvoir se maintenir au pouvoir. Je relève même au passage que c’est la deuxième fois qu’il aura accepté de lâcher les rênes du pouvoir et de laisser jouer l’alternance.

La première fois, c’était après la conférence nationale souveraine, la deuxième devant se confirmer le 06 avril prochain quand il passera le témoin à Yayi Boni. Cela suffit à taire, aux yeux de l’histoire, toutes les vilenies qui se répandent autour de la nostalgie qui l’aurait gagné sur le tard, l’amenant à succomber à la tentation du parjure pour rester au pouvoir. Quant au nouveau Président, je l’ai connu du temps où nous participions aux Conseils des ministres de l’UEMOA, lui en tant que président de la BOAD et moi en tant que ministre d’Etat chargé de l’Intégration et de la Solidarité africaines. J’en ai gardé le souvenir d’un homme compétent et de grande écoute. Je pense qu’il allie ainsi les critères techniques et politiques indispensables pour gérer ce pouvoir qui lui échoit. Je lui souhaite les meilleurs vents possibles.

Ainsi vous êtes riche d’environ 650 millions offerts par le président Laurent Gbagbo. Un de nos confrères, Sidwaya en l’occurrence, a reçu ce « scoop » vous concernant. Comment avez-vous pris l’affaire et que comptez-vous faire ?

• Je laisse, à la façon d’un défi, le loisir à ceux qui sont à la base de cette énième cabale, d’en récolter les dividendes escomptés. J’aurai toujours le temps d’y revenir en me constituant aux côtés de l’opinion qui, vous en conviendrez, assure en ce moment plus es qualité que es nom, ma défense et non sans brio.

Est-ce à dire que vous n’avez rien perçu de Laurent Gbabgo ?

• La meilleure réponse à donner à cette question, et pour étancher la légitime curiosité des Burkinabè dont la sécurité est ici concernée, ne peut venir que d’une enquête internationale contradictoire que je demande depuis plus de deux ans ; une enquête qui devra établir si oui ou non, j’ai effectivement perçu de l’argent de Laurent Gbagbo pour, comme on le prétend, déstabiliser mon pays d’une part, et si oui ou non, Blaise Compaoré est coupable d’ingérences au Liberia, en Sierra Leone, en Angola et en Côte d’Ivoire, comme on le prétend et dont j’en suis convaincu, d’autre part. Aidez-moi à avoir satisfaction à ma demande et nous en serons tous définitivement quittes.

Que vous dit le réchauffement des relations entre notre pays et la Mauritanie qui nous accusait, il n’y a pas si longtemps, d’être une des mains déstabilisatrices du régime d’Ould Taya ?

• J’ai toujours été pour la préservation et le développement des bonnes relations entre notre pays et tous les pays africains, ce qui est loin d’être le souci du pouvoir actuel comme en attestent les ingérences, dans lesquelles il s’est spécialisé en développant en particulier le mercenariat d’Etat, ce que j’ai toujours fermement condamné, qu’il s’agisse des cas libérien, sierra léonais, angolais ou ivoirien, où il opère maintenant pour ce dernier cas, à visage découvert.

Je ne peux donc que me réjouir de ce que, s’agissant de la Mauritanie, le pouvoir fasse à sa manière amende honorable. Le grand tout, c’est que ce réchauffement soit sincère. On se souviendra qu’au moment même où Blaise Compaoré jurait « plus jamais ça » au peuple pour demander son pardon, le 30 Mars 2001, il était déjà parti pour le casse du siècle de la Côte d’Ivoire. Mais de toutes les façons, les Mauritaniens, pour avoir été instruits par le passé éloquent et encore récent de leur nouvel ami, sauront se prêter de bon cœur à ce réchauffement en ne dormant que d’un œil pour ne pas s’en laisser étouffer.

Comment appréciez-vous la situation au Tchad ?

• Elle est la conséquence de la gestion patrimoniale du pouvoir. Tous les chefs d’Etat africains, militaires comme civils, convertis à la démocratie avec des calculs de faussaires, doivent voir dans le développement de la situation tchadienne, comme dans un miroir, ce qui les attend. On ne jette pas ainsi sans conséquence le couvercle sur un peuple pour le faire cuire aux feux de l’injustice. Tôt ou tard, le couvercle saute et c’est ce qui se passe actuellement au Tchad.

Il ne faudrait pas que la France chiraquienne, en ne faisant pas les bons choix, finisse là aussi comme au Rwanda, à Madagascar, au Togo, en Côte d’Ivoire, à semer un sentiment anti-français au désespoir des vrais amis africains de la France dont je suis. Ce que par ailleurs j’observe et félicite, c’est que les responsables de l’opposition significative ont refusé d’aller aux élections parce que, affirment-ils, ç’eût été pour eux une manière d’homologuer des pratiques antirépublicaines et antidémocratiques du pouvoir, et surtout une façon de valider la candidature anticonstitutionnelle du Président sortant.

En refusant de se faire les brosses à reluire de ce régime, ils prennent date aux yeux de leur peuple et des peuples africains, de ce que seul le refus conséquent et actif de l’arbitraire peut sauver et refonder la démocratie lorsqu’elle est prise en otage par des dictateurs. Parce que justement les opposants tchadiens opposent une résistance multiforme visible à l’oppression (ce qui est, je l’ai toujours pensé, un droit et un devoir sacré pour tout citoyen), je n’ai pas manqué de les en féliciter par l’intermédiaire de mon ami et frère, le Député Ngarly YORONGAR, président du F.A.R / Parti Fédération, avec lequel je suis en contact permanent.

Avec les récents rapprochements entre les principaux protagonistes de la crise ivoirienne, pensez-vous que le bout du tunnel est à portée de main ?

• Je croise les doigts et formule le vœu que ce qui se passe actuellement soit sincère et que les parties ivoiriennes ne se rapprochent pas seulement avec feintise. Mais comme je l’ai toujours dit, totalement en phase avec le président Mamadou Koulibaly, je ne serai jamais de la conjuration pour tenter de faire entrer par effraction dans les consciences collectives, que ce conflit est un conflit interne ou comme ils disent, « ivoiro/ivoirien ».

Je dis donc que c’est bien que les protagonistes officiels de la crise se réconcilient mais je soutiens que ce serait mieux que ceux qui tirent les ficelles entrent en danse. Sans réconciliation entre Jacques Chirac et Laurent Gbagbo, et entre ce dernier et Blaise Compaoré, la pacification en cours en Côte d’Ivoire risque, j’en ai peur, de ne se faire, qu’en s’affligeant de mines.

Pensez-vous, comme on l’a dit, être « l’ennemi préféré » de Sidwaya et pourquoi cela ?

• Si Sidwaya peut « multi récidiver » comme il le fait en me diffamant, c’est qu’il a le feu vert du pouvoir pour lequel il agit en tant que média gouvernemental, pour tenter d’étouffer ma voix et même de m’effacer de la scène politique parce que, c’est bien connu, mon insoumission dérange. Quoi que le chef de l’Etat s’en défendra toujours -et pour cause- je reste comme un défi pour lui, une entrave agaçante qu’il voudrait neutraliser (comme à la guerre on le fait d’une défense opiniâtre) pour parachever son entreprise de nivellement politique, social et économique, qui doit porter l’érection durable de sa démocratie « idéale » ; une démocratie qu’il rêve soumise à des règles façonnées par ses soins et animée par des hommes qu’il aura soigneusement sélectionnés et affectés dans un jeu de rôle démocratique, comme des Arlequin, des Colombine.. dans la « Commedia dell’Arte ».

Mon refus d’être acteur dans ce théâtre et de jouer en particulier dans l’acte relatif à l’élection présidentielle (malgré tout ce qu’il a développé comme pressions, manœuvres, appâts, pour donner l’illusion à l’opinion internationale d’une adhésion générale à la consultation et pour m’embarquer nolens, volens dans cette farce) donne un goût amer à sa légitimation arrangée. Il n’aura pas pu en effet se mesurer à moi avec ses armes illégales, ses techniques électorales létales, pour me réduire à l’expression qu’il avait prédéterminée.

Dans sa hargne de venir à bout de ma résistance, je le sais, il récidivera, toujours sans en avoir l’air, car il est loin d’avoir dit son dernier mot. Mais son ardeur, quoi qu’il advienne, risque d’être déçue. Ce que j’ai déjà fait et dit reste inscrit aujourd’hui et demain comme dans du marbre et témoignera donc pour toujours que je n’ai cessé de lutter pour une démocratie véritable, à l’opposé de celle qu’il s’efforce de fourguer au peuple. C’est ça la vérité et les Burkinabé le savent maintenant de plus en plus !

Il fut un temps où Hermann était, dit-on, proche du PDCI/RDA et surtout de ses principaux dirigeants. De nos jours, vous semblez avoir tourné casaque tout comme l’a fait Laurent Dona Fologo. Qu’est-ce qui explique cela ?

• Je peux dire tout comme Laurent Dona Fologo, que je reste attaché aux valeurs premières de l’Houphouëttisme qui ont permis de lutter au temps fort de la colonisation, contre la néantisation des Noirs notamment par le travail forcé. Héritier d’une certaine façon de feu Félix Houphouët Boigny, pour être un de ses nombreux fils spirituels, j’ai refusé de me rendre complice par mon silence, de l’agression fratricide de la Côte d’Ivoire, avec cette circonstance aggravante que mon pays est identifié parmi ceux qui y ont aidé.

Vous voyez bien qu’il n’est pas ici question de casaque retournée mais plutôt de ne pas jouer les Œdipe, de rester fidèle à un enseignement reposant sur les principes de bon voisinage, de fraternité, de paix qu’aimait à professer de son vivant, Félix Houphouët Boigny.

Cela ne vous gêne-t-il pas de commercer avec Gbagbo qui passe aux yeux de plus d’un Burkinabé pour être le diable ?

• Ce qui est révélateur d’un véritable commerce (entendu dans le sens péjoratif qu’on lui prête souvent) et qui plus que gênant est condamnable par les temps qui courent, est plutôt le fait pour nos autorités d’avoir fricoté avec des hommes comme Charles Taylor, Fodé Sankoh, Sam Bokary, Johnny Paul Koroma et consorts, sans jamais s’inquiéter de ce qu’ils commerçaient avec des diables incarnés. Je reste pour ma part fier d’être de ceux qui, par principe, par solidarité et par patriotisme africain, ont dénoncé et continuent de dénoncer cette guerre injuste engagée contre la Côte d’Ivoire pour éliminer ses dirigeants démocratiquement élus dont le seul crime a été de vouloir refonder leur gouvernance en s’émancipant des tutelles extérieures.

Charles Taylor, qui avait fait sa malle, a été rattrapé et expédié en Sierra Leone. Pensez-vous que Blaise Compaoré puisse être un tant soit peu inquiété par ses ennuis judiciaires avec le Tribunal spécial sur la Sierra Leone ?

• La disparition de Charles Taylor, après la décision prise de l’extrader, a frappé de stupeur pendant un temps l’opinion africaine et même mondiale, et ça se comprend ! La mise en échec de son jugement par une cavale sans retour aurait constitué un mauvais signal en ce sens qu’il aurait pu être perçu par les Africains, comme un signe d’intouchabilité des dictateurs et pour nombre d’entre eux, comme une invitation à subir plutôt qu’à résister à l’oppression.

Heureusement, sa fuite en forme d’aveu a fini en rade à la frontière du Cameroun. Il faut en tirer toutes les leçons et prendre les dispositions subséquentes pour éviter d’autres anicroches afin que son procès aille jusqu’à son terme pour jouer le rôle de catharsis que l’on en attend. Mais si son procès prend la dimension d’un événement historique mondial avant que d’avoir commencé, ce n’est pas seulement à cause de l’horreur des faits à juger, qui confinent à un degré d’inhumanité rarement atteint, c’est aussi à cause des implications qu’entraînerait un procès conduit sans transactions politiciennes autour d’une entreprise criminelle opérant sur la base d’une parfaite division du travail entre associés.

Il y aura alors, pour en revenir à votre question, des risques que Blaise Compaoré soit appelé en cause dans la procédure au vu de toutes les charges qui pèsent sur lui en sa qualité d’éminent membre de l’association. Des preuves, sous forme de témoignages, d’enquêtes et même d’aveux, établissent qu’il est de la co-action avec Charles Taylor pour lui avoir notamment fourni des assistances multiformes (facilités de déplacement, acquisition et remises d’armes, écoulement de diamants du sang, ouverture de comptes sous de faux noms...) pendant plus de 15 ans afin de le soutenir dans ses guerres de prédation sanglante, dont il tirait mutuellement profit. On se trouve bel et bien ici dans le cas de crimes commis en association et les peines encourues de ce chef par les parties aux crimes, c’est bien connu, sont les mêmes.

On parle d’un certificat d’utilisateur final d’achat d’armes dont se serait rendu coupable le Burkina au profit, à l’époque, du Liberia et de la Sierra Leone. De quoi s’agit-il au fait et quels risques encourons-nous ?

• Ce fameux certificat d’utilisateur final d’achat d’armes est l’un des pots aux roses qui a été découvert il y a quelques années et qui apparaît comme une des pièces maîtresses (un des corps du délit) qui fonde, aux yeux de beaucoup, à tout le moins, la complicité du régime burkinabé dans les crimes que l’on reproche à Charles Taylor. Si en effet, tout le monde savait que le régime burkinabé était impliqué dans le conflit libérien dès 1989, ce que l’on savait moins, c’est qu’en dépit des embargos sur le Liberia et la Sierra Leone, il continuait à fournir des armes à Charles Taylor, qui de son côté, alimentait le RUF, alors en guerre de prédation en Sierra Leone.

La combine, pour contourner les embargos, aurait consisté, de la part du pouvoir burkinabé, à acheter des armes à l’Ukraine avec, comme cela est de rigueur, un certificat d’utilisateur final pour donner l’assurance au vendeur que les armes resteront bel et bien au Burkina Faso. Sylvie Lorthois, Chercheuse à Amnesty International (que le juge du tribunal pénal spécial sur la Sierra Leone gagnerait à auditionner) en a éloquemment démonté le mécanisme sur RFI le 17 mars dernier. Une fois le marché conclu et la marchandise livrée, les armes ont été tout simplement refilées à Charles Taylor qui, à son tour, en a doté Fodé Sankoh pour qu’il continue à faire son travail au nez et à la barbe des embargos onusiens. Cela dit, il n’y a pas que ce fait qui soit brandi pour affirmer la complicité entre le régime en place et Charles Taylor : il en est bien d’autres comme je vous le soulignais tantôt.

Mais si par extraordinaire, Charles Taylor décédait comme Milosevic, cela n’aurait-il pas pour effet d’éteindre l’action publique vis-à-vis de tous les complices ?

• Les charges qui pèsent sur les partenaires de Charles Taylor dans ces guerres de rapines sont telles qu’il ne faut pas beaucoup d’effort pour les retenir, non plus comme complices, mais comme coauteurs au même niveau de responsabilité que Charles Taylor, voire comme commanditaires, si on va au fond de cette entreprise organisée pour en connaître les ressorts secrets. La disparition de Charles Taylor n’aurait donc pas alors pour effet d’éteindre l’action publique en ce qui les concerne.

La communauté internationale le sait, et plus encore les juges du tribunal pénal spécial sur la Sierra Leone. Et l’instruction qui va suivre permettra, grâce aux actes d’instruction habituels (transports sur les lieux, perquisitions, saisies, auditions, confrontations, expertises... ), de clarifier tout cela afin de mettre le dossier convenablement en état avant qu’il ne soit renvoyé devant le juge. Beaucoup dans cette affaire, et pas seulement au niveau du tribunal spécial sur la Sierra Leone, engagent leur honneur devant leur opinion et devant l’histoire.

Il sera difficile pour ceux qui ont trempé dans ces crimes et qui sont passés maîtres dans l’art de dompter la justice, de conclure des transactions sur des poursuites pénales qui pendent sur leurs têtes. En conclusion, et vu la tournure que prend déjà cette affaire qui nous concerne tous en tant que Burkinabé et Africains, mais qui concerne plus le chef de l’Etat sur qui pèse des présomptions graves, je pense que Blaise Compaoré devrait, pour ne pas entacher davantage le crédit du pays, mûrir sérieusement l’éventualité de se retirer, et qu’il doit en tout cas, s’expliquer sans délai devant le peuple qui a le droit de savoir.

Je le suis. Je n’ai jamais été aussi bien, en dépit de tout, dans ma peau, dans ma tête, en phase totale avec mes militants et la majorité silencieuse des Burkinabé, d’autant que le temps de plus en plus, me rend justice de mes prises de position contre ceux qui ont manqué de patience et de vision en succombant au charme éphémère de la politique utilitaire.

Observateur Paalga

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