Actualités :: Opération « Hibou lugubre » : reprise du feuilleton "Hermann Yaméogo". (...)

Que se passe-t-il pour que soudain la presse d’Etat redonne à consommer à l’opinion l’éternelle ritournelle d’ Hermann le Déstabilisateur, l’ami de Laurent Gbagbo, l’apatride.., et ce au moment où on croyait cet acharnement dissiper, avec les effluves des lendemains d’élections ?

Il faut croire que le moratoire n’était qu’une pause pour reprendre le souffle puisque selon un procédé dont il a maintenant la marque, le quotidien Sidwaya vient une fois de plus de jouer à l’agent diffamateur à travers une lettre bidouillée qui affirme que de 2001 à 2005, Hermann Yaméogo a reçu 650 millions fcfa du président Gbagbo aux fins de renversement du régime Compaoré.

Attendez un peu : s’agit-il ici de mettre en cause le droit pour Me Yaméogo de recevoir de l’aide de l’étranger, en particulier venant de Laurent Gbagbo ? Si tel était le fond du problème, il y aurait beaucoup à redire au sujet des tenants du pouvoir à commencer par Blaise Compaoré dont certaines allées et venues fructueuses dans des pays « amis » sont connues de l’opinion de longue date. La dernière élection présidentielle a constitué à cet égard une espèce d’officialisation de l’intrusion extérieure dans nos affaires électorales en raison des contributions diverses qui ont afflué de la part de nombre de chefs d’Etat au profit de Blaise Compaoré et sur lesquelles les médias se sont amplement répandus. A ceux qui s’en offusquaient, les soutiens du pouvoir n’ont pas manqué de souligner qu’aucune loi n’interdisait de tels financements. C’est dire que si Hermann Yaméogo a pu obtenir de l’argent pour faire sa politique, il n’y a rien d’anormal à cela !

Mais si donc, il ne faut pas chercher le « scoop » dans le principe même du financement mais plutôt dans ses motivations, qui seraient en l’occurrence la déstabilisation du Burkina Faso, entrons dans le jeu et examinons alors les éléments de l’accusation.

Où est le sérieux des accusations ?

En quoi la fameuse lettre est-elle la preuve des preuves qui fonderait la culpabilité de Me Yaméogo au point que l’on brûle toute politesse au Parquet pour en saisir directement l’opinion pour qu’elle juge et condamne ? Une lettre à l’origine et au contenu des plus douteux, envoyée par un individu (ayant on se demande pourquoi voulu qu’on taise son nom), qui retrace, dates et montants à l’appui les financements dont aurait bénéficié Me Hermann Yaméogo de 2001 à 2005. Le montage, à la lecture, prend immédiatement aux narines, comme une odeur pestilentielle. Si ces financements avaient été datés au lendemain du 19 septembre 2002 et s’ils n’avaient pas été révélés à quelques semaines des élections municipales, on aurait pu à la limite, demander à voir.

Si par ailleurs, il n’y avait pas ces erreurs de datation (le gouvernement n’a pas été remanié en octobre 2002 mais en juin 2002), on aurait pu également s’interroger. Mais de toutes façons, il ne faut pas être graphologue ni un spécialiste en recherche de vérité pour détecter que ce prétendu brûlot n’est qu’un méchant fatras de bêtises sans queue ni tête.

En 2001, l’ADF-RDA était dans le gouvernement protocolaire, donc dans une situation on peut imaginer, assez enviable, pourrait-on dire. Laurent Gbagbo connaissait-il seulement en particulier Me Yaméogo et pourquoi aurait-il eu besoin de lui pour renverser le régime burkinabé alors qu’il n’ avait pas de problèmes particuliers à cette époque ?

Autre chose : pourquoi avoir donné 50 millions à Hermann Yaméogo le 05 octobre 2002 pour le récompenser d’avoir, comme mentionné, retiré son parti du gouvernement quand tout le monde sait que le parti, à l’époque, a été plutôt remercié du gouvernement et que cela s’est fait en juin 2002 juste après les législatives du mois de mai, et non en octobre 2002 ?

Ensuite, ces sommes versées à des échéances bizarres semblent avoir été remises comme on dit au hasard, n’importe quand et selon un schéma qui ne semble pas reposer sur quelque chose de sérieux, de planifié. Sans compter que pour de telles opérations qui nécessitent de la discrétion, le procédé n’était pas du tout sécurisé, professionnel, c’est le moins qu’on puisse dire.

Quand on donne par ailleurs une somme dans ce genre d’affaires pour un objectif si déterminé, on imagine qu’il faille attendre que ça bouge et que ça suive le rythme prévu avant de régler encore et encore. Ici, la chose semblait se faire n’importe comment ! Et puis, pour renverser Blaise Compaoré, tout commanditaire avisé ne s’en serait pas remis aux capacités du seul civil Hermann Yaméogo ; il aurait compté avec d’autres complicités notamment militaires dont pourtant ne parle pas le supposé auteur de la lettre. On se souvient que dans l’affaire du putsch des conjurés d’Octobre 2003, on a parlé de 50 millions pour sa réalisation mais il y avait du beau monde dans l’opération. Ici, Hermann Yaméogo est tout seul à encaisser ; il reçoit jusqu’à 650 millions pour ne rien faire en quelque sorte, et on continue pendant des années à le financer pour le roi de Prusse. Foutaises que tout cela !

Pourquoi aussi une telle correspondance au seul Sidwaya et non pas à l’Observateur, au Pays ou à l’Indépendant par exemple ?

Enfin, Sidwaya n’est pas à son premier montage, à sa première diffamation contre son ennemi préféré, Hermann Yaméogo. En 1995, il avait déjà été accusé Hermann Yaméogo sans preuves, de préparer un génocide en entretenant des milices tribales ! En fin 2004, le journal avait affirmé qu’il s’était rendu en Mauritanie et n’avait pas hésité à confectionner un faux pour étayer son mensonge. Alors, de telles révélations venant d’un récidiviste notoire ne peuvent mordre à l’hameçon que ceux qui veulent mordre à l’hameçon.

Le montage sent d’autant plus ici à plein nez que s’il y avait eu de réelles charges contre le président de l’UNDD, il aurait été mis depuis longtemps hors d’état de nuire ; alors il faut chercher ailleurs les raisons de cette machination.

Veut-on amuser la galerie ?

On cherche peut-être seulement à amuser la galerie. Le pouvoir peut en effet s’ennuyer dur comme on dit, du silence de Me Yaméogo qui finalement le dessert car ça donne l’impression que la démocratie est morte, vidée de toute contradiction. Les choses étaient tellement plus intéressantes du temps où le président de l’UNDD ambiancait avec ses déclarations, ses marches et puis il aidait beaucoup à faire des affaires. Son silence pourrait hélas aussi accréditer la thèse qui veut qu’au Burkina Faso, on ait affaire à une démocratie accommodée plutôt qu’à une démocratie véritable. Pour briser une image aussi contre-productive, rien de tel que de le titiller. Il a toujours eu dans ces cas, la réplique instantanée et ouverte à la surenchère ; la théâtralisation démocratique sera donc assurée de reprendre ses droits, d’où cette surexcitation dans le monde médiatique et politique, chacun escomptant tirer profit de cette nouvelle affaire. Ces cabales contre Hermann Yaméogo n’ont-elles pas toujours permis à des personnes peu recommandables de se vendre en jouant à la mouche du coche ? Mais attention, il se pourrait aussi qu’il y ait des choses véritablement graves qui justifient le coup monté et là, il suffit de penser à la situation nationale pour s’en convaincre.

Hermann Yaméogo serait-il l’exutoire à la crise nationale ?

Ca va de mal en pis dans tous les domaines au sein du CDP comme dans le pays, et à la veille des municipales, il faut trouver encore un bouc émissaire vers lequel drainer le mécontentement populaire et susciter un ralliement autour de l’intérêt national et patriotique. En réchauffant les thèmes de l’apatridie, de la déstabilisation du pays, ça peut payer, se dit-on, et ça donnera, au surplus, encore du grain à moudre au président de l’UNDD qui se débattra pour convaincre l’opinion qu’il est victime d’une diffamation et pour colmater les brèches qui pourraient surgir dans son parti de la part de ceux qui estimeront n’avoir pas eu leur part du gâteau (le méchant, dit le proverbe, est comme le charbon : s’il ne vous brûle pas, il vous noircit). On sait en effet que l’état de pauvreté, cultivé par le pouvoir pour mieux tenir en laisse le peuple, a atteint un tel stade que beaucoup de valeurs sont en chute libre. Parler aujourd’hui d’argent peut enflammer les imaginations surtout dans le monde partisan. Hermann pourrait donc encore faire face à des vagues de démission avec insultes et dénonciations surmédiatisées et pendant ce temps, le pouvoir pourra rechercher la solution aux problèmes qui opposent actuellement CDP et « ABC » et s’engager dans les élections municipales en front uni contre Hermann l’apatride et pourquoi pas dans la foulée, terminer son plan de refondation du système partisan pour recomposer la scène politique et ses animateurs, à son gré.

Le pouvoir, rattrapé par ses ingérences ?

Le pouvoir peut aussi avoir choisi la technique du mensonge et de l’intrigue pour des raisons liées au contexte international. Il y a d’abord l’affaire Charles Taylor qui peut prendre des tournures inquiétantes avec son inéluctable transfèrement demandé par la nouvelle présidente libérienne au Tribunal spécial sur la Sierra Leone, Blaise Compaoré pourrait être appelé en cause, et l’écrit pertinent de Bama Yacouba entre autres paru dans l’Observateur Paalga N° 6596 du 13 mars 2006 (qui met le doigt sur des questions que le pouvoir s’acharne à faire oublier), a dû jouer en faveur de la publication dare-dare et sans respect du minimum de précaution déontologique de l’écrit incriminateur de Sidwaya, pour effacer les risques de remémoration de la responsabilité première du régime en place dans les ingérences sous-régionales.

Il y a ensuite la situation en Côte d’Ivoire. Elle évolue vers une direction qui pourrait si on n’y prend garde, en amenant les frères ivoiriens à se réconcilier, isoler le régime burkinabé en le positionnant dans le rôle peu enviable de « Monafika » (NDLR : mouchard). Soro Guillaume et Laurent Gbagbo se faisant en aparté des accolades après le huis clos quadripartite ivoiro/ivoirien de Yamoussoukro, ça pourrait dire que le chef rebelle cherche aussi un point de chute pour ne pas se retrouver gros jean comme par devant au cas où le processus de décrispation qui se dessine allait jusqu’à la consécration de la paix. Sa valeur marchande serait alors fortement dépréciée et il finirait par être gênant pour la communauté internationale, la France, le Burkina Faso, le G 7 alors que ses partenaires des Forces nouvelles perdant sans contrepartie leur fief, pourraient entretenir quelque rancœur dangereuse à son encontre. C’est maintenant ou jamais qu’il doit négocier son avenir.

Toutes ces évolutions sont plutôt déstabilisantes pour le pouvoir burkinabé ; alors il tente de reprendre la main. Comment donc ? En s’en prenant à l’éternelle tête de Turc, histoire de perturber le processus de pacification en faisant du bruit autour d’un Laurent Gabgbo déstabilisateur, éternel « boulanger » ou alors histoire de dire « attention le petit piment de la sous région devenu grand est toujours là, il ne demande qu’à faire la paix et c’est seulement ce trublion d’Hermann, ce semeur de zizanie entre Etats qu’il faut sacrifier sur l’autel, sinon des retrouvailles, de la raison d’Etat ».

Voilà entre autres ce qu’on peut faire comme commentaires autour de la reprise de ce « Feuilleton Hermann Yaméogo » au titre évocateur et « bancable » d’Opération « Hibou lugubre » et çaa fait trop pitié sinon on en rirait franchement un bon coup !

Qui est plus apatride que qui ?

Mais quelle est la morale de cette machination ? Elle pourrait se résumer dans les observations suivantes.

Première observation : ce prétendu scoop n’interpelle pas, contrairement à ce que dit Sidwaya, le seul Hermann Yaméogo. Par la nature de son tissage, il pose des problèmes majeurs de libertés essentielles qui concerne tous les Burkinabé et qui relèvent de la surveillance vigilante des contre-pouvoirs organisés ou non (médias, mouvements de droits de l’homme, opposition, intellectuels..). Si en effet, des médias peuvent, dans l’indifférence générale, s’attaquer comme le fait de cette façon Sidwaya à Hermann Yaméogo, il faut craindre que demain, il ne le fasse pour n’importe lequel des Burkinabé.

Deuxième observation : le travail de falsification de l’histoire pour blanchir quelques tenants du régime de faits dont ils se sont rendus coupables en s’efforçant de transférer des responsabilités, donc des désirs de vengeance, sur des hommes comme Hermann Yaméogo, est vain. Quoi qu’ait pu faire ce dernier, s’il l’a jamais fait, il ne pourra en aucun cas égaler en apatridie ceux qui ont, pour s’enrichir mis à feu et à sang le Libéria, la Sierra Leone, l’Angola, la Côte d’Ivoire... commettant des crimes de guerre, de torture, de viols, des crimes contre l’humanité d’une cruauté jamais égalée et qui, en termes de préjudice national et patriotique, sont incommensurables pour le Burkina Faso.

Ca au moins, c’est sûr et c’est pour cette raison que Me Yaméogo en appelle en vain à une commission d’enquête internationale pour établir la véracité des faits de déstabilisation que le pouvoir lui reproche et celle d’ingérence que lui-même porte à l’endroit du pouvoir.

Et alors qu’on attend que l’intéressé réagisse, on peut d’ores et déjà dire que le pouvoir, paradoxalement, vient une fois de plus de montrer à travers cette affaire, que Hermann Yaméogo reste le défi permanent dont il a besoin pour se sentir !

Donald Tondé
San Finna

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