Actualités :: Burkina : Le pouvoir doit résister aux appels à se battre contre les (...)

Il faut le dire haut et fort : il y a danger en la demeure. Le pli que le MPSR2 et son gouvernement sont en train de prendre est dangereux : il l’est pour le pouvoir même autant que pour le peuple. Il n’y a aucun succès, aucune victoire à multiplier les fronts et à convertir en ennemis ses soutiens potentiels. Tous ceux qui font croire en cette nécessité se trompent et veulent engager le pouvoir dans une voie visant à abandonner la lutte contre les groupes terroristes. Ce n’est pas juste de le faire et surtout pas au moment où le peuple, comme un seul homme, accepte le sacrifice en supportant les taxes multiples et l’inflation galopante.

Malgré tout cela, les efforts volontaires pour contribuer au Fonds de soutien patriotique sont nombreux. Qu’avons-nous à nous diviser alors que notre union nous fait avancer ? Que gagnons-nous à lutter contre ceux qui n’ont pas pris les armes et à laisser les groupes terroristes ? C’est une voie semée d’embuches et de multiples préjudices à la lutte. Voyons ce qui s’est passé ces derniers jours avec l’affaire de la guérisseuse de Komsilga, objet d’un bras de fer entre l’exécutif et le judiciaire ?

Et le retour à cette vieille marotte contre les médias avec la suspension de radio Oméga FM le 10 août 2023 ? Quels sont les avantages pour le Burkina Faso de ses querelles internes alors que le monde s’embrase et que les questions se complexifient ? Quel est le rapport coût / bénéfice en termes d’image pour le pouvoir, le MPSR2 et son président ?

Le Burkina Faso est attaqué par les groupes terroristes dont certains sont de la franchise de Al Qaeda comme le JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, regroupement de plusieurs entités) et ceux liés à l’Etat islamique aussi appelé Daesch. Cela fait huit ans que nous sommes dans cet enfer qui a fait des milliers de morts et deux millions de personnes déplacées. Nos ennemis armés sont nombreux, certains sont des bandes criminelles mues seulement par l’appât du gain et les opportunités qu’offre la défaillance de notre Etat.

Comme pour illustrer cette absence d’Etat, nos institutions ne se respectent pas, entrent en conflit avec intrusion et empiètement sur le champ d’action de l’autre. Une bataille s’est engagée le 28 juillet 2023 par un groupe de militaires en cagoules à bord de deux véhicules pick-up et un autre blindé venu encercler le palais de justice du tribunal de Ouaga II pour libérer une guérisseuse traditionnelle exerçant à Rakissé, dans la commune de Komsilga. La jeune dame du nom de Larissa Nikièma, dite Adja Amsétou, est réputée pour ses dons de guérisons miraculeuses.

C’est une dame qui détiendrait des pouvoirs mystiques qui a été arrêtée avec huit de ses hommes de main. Le parquet avait engagé « des poursuites judiciaires pour des faits de torture, de coups et blessures volontaires et de séquestration » contre les neuf personnes évoquées plus haut. Les hommes masqués se révèleront être des militaires de l’Agence nationale de renseignements qui, après la première tentative sans succès, récupèreront la guérisseuse le lendemain aux aurores sur ordre du directeur général de la sécurité pénitentiaire agissant sur instruction du ministre de la justice.

Tout ceci se passe en l’absence du chef de l’Etat comme il l’a dit à la RTB. Durant ce temps personne ne s’explique publiquement : ni le ministre de la justice, ni le patron du renseignement. Mais les magistrats ne l’entendent pas de cette oreille et vont dans un mouvement d’ensemble en grève contre l’intrusion des militaires dans la procédure judiciaire portant atteinte à l’indépendance de la justice et à son autorité.

La bataille est engagée dès le 29 juillet 2023 pour le retour de dame Nikièma en prison à la MACO (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou) où elle devait être déposée. Entre temps, une délégation gouvernementale s’est rendue auprès de la famille du quinquagénaire torturé pour présenter ses excuses et sa compassion, mais concernant l’affaire personne, ne moufte mot, sauf un communiqué du porte-parole du gouvernement.

IB et la solitude du pouvoir

Le capitaine Ibrahim Traoré va finir par s’expliquer sur cette affaire. Lui qui d’habitude prend bien la lumière fera une prestation catastrophique. Pourquoi a-t-il parlé ? Pourquoi l’a-t-on envoyé au casse-pipe, s’interroge -t-on toujours ? Les maladresses comme de ne pas avoir condamné les violences contre le quinquagénaire, l’intrusion des militaires, les propos et l’émotion qui le submergeait ont fait de cette vidéo, une communication préjudiciable au pouvoir. Le chef de l’Etat n’est pas encore habité par sa fonction de président de tous les Burkinabè. Il ne doit pas donner l’impression de prendre un parti, un intérêt autre que celui de l’Etat et du pays.

La justice est faite pour tous. Et la loi est la même pour tous, quelle que soit votre fonction, quel que soit le bien que vous pouvez faire aux autres. Les magistrats jugent au nom du peuple selon les lois votées par les représentants du peuple. Ils ne peuvent pas ordonner des choses que la loi n’a pas prescrites. C’est normal que le chef militaire ne sache pas ces choses. Ce qui est impardonnable, c’est que ses conseillers ne lui aient pas fait un mémo sur les enjeux du conflit. Les conseillers en communication et juridiques n’ont pas préparé le chef de l’Etat à cette interview.

Mais il y a d’autres fautifs dans la chaîne de commandement, les différents ministères impliqués dans l’affaire : notamment le ministre de la justice, le directeur de l’ANR, et le ministre de la sécurité auraient dû s’expliquer avant le président. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Pourquoi le Premier ministre n’a rien dit ? Lui qui doit être le fusible protecteur du chef de l’Etat est plutôt dans notre pays un roi qui inaugure les chrysanthèmes. Toutes ces défaillances doivent être corrigées. Peut-être qu’elles sont du fait du capitaine président lui-même et de son mode de fonctionnement. Il faut que le président IB se dise que sa parole doit être sacrée. Elle doit s’imposer par sa rigueur, son caractère républicain, le respect des textes et des institutions.

Suspension de la radio Oméga FM

Le gouvernement, après une intrusion dans la procédure judiciaire, va, dans la régulation des médias, pour prendre des décisions qui sont du ressort du Conseil supérieur de la communication qu’il avait saisi sur cette affaire de l’interview accordée au porte-parole du Conseil de la résistance pour la République (CRR) au Niger. Naturellement ce communiqué de suspension de la radio Oméga FM provoque une levée de boucliers au niveau des organisations professionnelles des médias. On a envie de dire qu’est-ce que le gouvernement recherche ? Pourquoi ne peut-il pas laisser l’organe de régulation, celui qui doit juger et sanctionner se prononcer ?

N’avons-nous pas des problèmes plus importants ? Le président Ibrahim Traoré à qui certains ont donné le flambeau de Thomas Sankara sans lui dire qui était l’homme, s’il veut vraiment ressembler à Sankara doit savoir que c’est par la séduction qu’il a réussi à subjuguer les médias qui ont créé le mythe Sankara. Ce n’est pas à coup de suspensions de médias et d’expulsions de journalistes.

Si les dirigeants exercent leur pouvoir avec équité, justice, intégrité, amour de leurs concitoyens, le pouvoir devient captivant et a une qualité et une aura auprès du peuple qui l’aime en retour et est prêt aux sacrifices demandés. Le MPSR2 doit se dire que c’est une mauvaise passe qui est en cours et rectifier rapidement ces erreurs pour rassembler pour gagner la lutte contre le terrorisme.

Sana Guy
Lefaso.net

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