ActualitésDOSSIERS :: Procès « Thomas Sankara et douze autres » : Selon Me Mathieu Somé, le CNR (...)

Dernier avocat du général Gilbert Diendéré à plaider, ce vendredi 25 mars 2022, Me Mathieu Somé s’est appesanti sur les infractions d’attentat à la sûreté de l’Etat et de complicité d’assassinat. Il a plaidé pour la prescription des faits et l’acquittement de son client. « Ce procès vous donne l’occasion, et c’est une chance pour vous, de jouer votre rôle historique qui crédibilisera davantage notre justice », a lancé Me Somé à la Chambre de jugement.

L’article 296 du code pénal de 1810 définit l’assassinat comme « Tout meurtre commis avec préméditation ou de guet-apens ». Me Mathieu Somé a relevé la « gêne » du parquet qui, dans ses réquisitions, a requalifié l’infraction de complicité d’assassinat en complicité d’assassinat par abstention.

Pourtant, note l’avocat, l’article 60 du même code pénal dispose que « Seront punis comme complices d’une action qualifiée de crime ou délit, ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, auront provoqué à cette action, ou donné des instructions pour la commettre ». « La loi parle d’action et non d’abstention. Pourquoi veut-on condamner le général pour une infraction qui n’a pas de base légale ? », s’interroge l’avocat.

En effet, la partie poursuivante reproche au général Gilbert Diendéré de n’avoir pas mis aux arrêts ni les membres du commando qui ont tué le président du Faso ni Blaise Compaoré. Pour la partie poursuivante, l’abstention du chef militaire, alors responsable de la sécurité du conseil de l’entente (lieu du drame, NDLR), est un signe de sa complicité dans cet assassinat. Le parquet reproche aussi à l’accusé de s’être associé aux « criminels » en restant dans les rangs de l’armée.

Pour l’avocat, les arguments avancés relèvent de la théorie et non de la réalité, car il est impensable d’imaginer que son client puisse mettre aux arrêts le capitaine Blaise Compaoré et le commandant Boukari Lingani, chef du haut-commandement des armées, au moment des faits.

Pour ce qui est de l’infraction d’attentat à la sûreté de l’Etat, l’avocat a rappelé à la chambre que contrairement à l’argumentaire du parquet, le Conseil national de la révolution (CNR) n’était pas un régime légal tout comme son successeur le Front populaire et les régimes qui les ont précédés. Pour lui, même si le Burkina était membre de la CEDEAO ou de l’Organisation de l’unité africaine et même si le Conseil national de la révolution (CNR) a bénéficié de l’adhésion populaire, cela ne faisait pas de lui un régime légal comme l’ont brandi la partie poursuivante. « Ce n’est pas comme cela qu’on définit un régime légal en droit. C’est plutôt le mode de dévolution du pouvoir qui caractérise un régime légal », a déclaré Me Somé.

Dans son argumentaire, il a indiqué que la constitution du 3 décembre 1977 suspendue par le régime du président Saye Zerbo était toujours suspendue sous le Comité de Salut du Peuple (CSP), le CNR et le Front populaire. « L’infraction d’attentat à la sûreté de l’Etat ne peut être constituée. Acquittez le général Diendéré ».

Dans sa plaidoirie, Me Mathieu Somé a orienté son exposé sur le contexte socio-politique qui a rendu possibles les événements du 15 octobre 1987. Il a énuméré des cas d’assassinats depuis novembre 1982 avec l’avènement du CSP jusqu’en juin 1984 sous le régime du Conseil national de la révolution : Fidèle Guiebré, Yorian Gabriel Somé, Didier Tiendrébéogo, Hamadou Sawadogo. Pour l’avocat, ces cas d’assassinats montrent que le 15 octobre 1987 est l’aboutissement d’un glissement progressif dans la violence.

« C’est le résultat d’un faisceau de faits qui a commencé par un fonctionnement opaque du CNR. En citant le Pr Basile Guissou, Me Somé dira que le climat de suspicion généralisée n’était pas propice à un dialogue démocratique. Et le parlementaire italien Marco Panella aurait dit à Thomas Sankara lors d’un entretien que s’il n’adopte pas une Constitution pour organiser des élections, les coups d’Etat ne connaîtront pas de fin.

Me Mathieu Somé s’est également étonné que les parties civiles regrettent que les témoins du dossier n’aient pas dit toute la vérité à la Chambre de jugement. « Ils ne pouvaient pas dire la vérité parce qu’ils n’en savaient rien. Ils ont raconté des choses sans avoir été témoins », a déclaré l’avocat.

« Monsieur le président, quand je vous regarde, au regard de ce qui a été dit dans cette affaire et au regard de ceux qui, à tort, attendent une certaine vérité et non la vérité des pièces, j’imagine le poids de cette opinion sur vous. Je n’aimerai pas être à votre place. Votre intime conviction à un arbitre qui est votre conscience. L’intime conviction, c’est être sûr de la vertu de chaque preuve administrée par le parquet. Votre décision devrait résulter d’un dialogue avec vous-même », a déclaré Me Somé.

Poursuivant son exposé, l’avocat a rappelé au président de la Chambre de jugement qu‘il a l‘occasion, à travers ce procès, d’exprimer le principe cardinal de l’indépendance du juge. « Ce procès vous donne l’occasion, et c’est une chance pour vous, de jouer votre rôle historique qui crédibilisera davantage notre justice. S’il y a ce procès, c’est parce qu’on demande justice. C’est légitime, mais je profite de l’occasion pour inviter nos autorités à comprendre qu’il y a beaucoup d’autres victimes dont les ayant droits sont là. Si on ne s’occupe pas d’eux, on n’aura rien réglé, car après ce procès, les victimes du pouvoir du Conseil national de la révolution vont dire « Et nous ? ». Les victimes du Conseil du salut du peuple vont eux aussi demander justice. La justice classique ne pourra pas tout résoudre. Il faut que dans un souci de réconciliation l’on puisse trouver une solution », a-t-il conclu.

HFB
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