ActualitésDOSSIERS :: Procès « Thomas Sankara et douze autres » : Stephen Smith, le journaliste (...)

Deuxième témoin à être auditionné par visioconférence dans la journée du 11 janvier 2022, le journaliste américain Stephen William Smith était au moment de l’assassinat de Thomas Sankara, le correspondant de Radio France internationale et du journal Libération à Abidjan.

Même s’il résidait à plus de 1000 kilomètres de Ouagadougou, Stephen Smith de par sa profession de journaliste était au courant des tensions qui existaient entre les principaux leaders de la révolution burkinabè, notamment Thomas Sankara et Blaise Compaoré. A l’en croire, les relations s’étaient dégradées si bien que Blaise Compaoré se taisait de plus en plus. « Quand on voyait Sankara, Blaise n’était pas là. Et au sein des comités de défense de la révolution, on voyait que l’élan des premières années de la révolution s’en était allé ».

Le témoin se souvient avoir été viré de la chambre de Thomas Sankara à Nouakchott, en Mauritanie, lorsqu’il a essayé de lui parler de la grogne qui se faisait entendre au sein de la population burkinabè. Il se souvient également avoir reçu un appel téléphonique de Thomas Sankara, 24 ou 48h avant son assassinat. « C’était la première fois qu’il m’appelait directement et non par son aide de camp. Il parlait toujours avec un ton enjoué et amical mais ce jour-là, je sentais à travers sa voix, qu’il ne maîtrisait pas la situation. Quand il a raccroché, j’ai senti une boule de plomb à l’estomac. Mais sur le coup, je n’ai pas mesuré l’importance de ce coup de fil. Après sa mort, j’ai envoyé un télex à Blaise pour savoir ce qui s’était passé. Il m’a répondu en disant ’’ je vous autorise à venir au Burkina’’. Je rappelle que les frontières étaient fermées. Je me suis rendu à Ouagadougou avec trois autres confrères en voiture », a raconté Stephen Smith.

À Ouagadougou, le témoin dit avoir été reçu seul par Blaise Compaoré. « Il était assis encore plus taciturne avec les cernes sous les yeux. Il était penché en avant. J’ai insisté pour qu’il m’explique ce qui c’était passé, mais il ne l’a pas fait. J’ai pensé qu’il m’avait fait venir pour donner une première mouture de l’histoire, pour s’expliquer en premier et avoir une emprise sur l’opinion. Il m’a dit ‘’Allez-y ! Faites votre travail.’’ Je suis retourné à l’hôtel Indépendance et des amis m’ont aidé à trouver le seul survivant du drame, Alouna Traoré », a raconté le témoin.

Stephen Smith a également parlé de son expulsion du Burkina. « Je suis allé avec mon magnéto interviewer Boukari Kaboré dit le lion qui était à Koudougou et qui menaçait de descendre sur Ouagadougou après l’assassinat de Thomas Sankara. J’ai demandé à la présidence du Faso de réagir à cette interview. J’avais demandé à mon rédacteur en chef à RFI de passer les deux interviews en même temps. Mais il a fait passer l’interview de Boukari Kaboré avant de passer celle de la présidence. J’ai été expulsé du pays et interdit d’y revenir pendant six ans. Au bout des six ans, on m’a dit que je n’étais plus persona non grata ».

A la question de la partie civile sur l’implication supposée des puissances étrangères dans l’assassinat du président Sankara et de ses compagnons, le témoin a affirmé qu’il n’a jamais eu d’indice sur un rôle activement joué par la France dans ce drame. Il a toutefois déclaré que la France cherchait à limiter le rayon d’action de Thomas Sankara. A l’en croire, François Mitterrand voyait en Sankara ses moments de jeunesse. « C’était comme s’il avait trouvé un bain de jouvence dans cette impétuosité de Sankara », a-t-il laissé entendre. D’ailleurs il dira que lors de la visite de Mitterrand à Ouagadougou en novembre 1986, il y a eu « un vrai clash » avec Sankara et non « une acrimonie » ce jour-là.

A la fin de son audition, Stephen Smith s’est dit ravi d’avoir pu s’exprimer au procès. Il dit également avoir apprécié le professionnalisme de la justice burkinabè lors de son audition en novembre 2017 devant le juge d’instruction François Yaméogo. « Je souhaite que cette affaire soit élucidée à partir des faits et des débats contradictoires », a-t-il conclu.

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Crédit Photo : Scholars Duke

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