ActualitésDOSSIERS :: Assassinat de Thomas Sankara : Ce drame a fait reculer le Burkina de 30 (...)

Ambassadeur du Burkina en poste en Algérie sous la révolution, Bassirou Sanogo était un proche de Thomas Sankara. Cité comme témoin des événements du 15 octobre 1987, il a qualifié la mort du président du Faso de « véritable gâchis » qui a fait « reculer le Burkina de plus de 30 ans. »

Avant de parler des événements du 15 octobre 1987 et de sa traversée de désert, Bassirou Sanogo a fait un saut dans le temps pour parler du moment où il dirigeait la diplomatie burkinabè en Algérie, un pays considéré par beaucoup de diplomates de l’époque comme une « plateforme difficile ». Il dira que son personnel était en nombre « squelettique » alors que la charge de travail, elle, était énorme. « J’avais 400 stagiaires et étudiants à gérer. Pendant les deux premières années, il fallait travailler 7 jours sur 7. En Algérie, les jeudi et vendredi correspondent au week-end alors que la centrale ici à Ouagadougou travaillait. Et les samedi et dimanche étaient des jours ouvrables. », a déclaré le témoin.

Sa dernière rencontre avec Thomas Sankara remonte, selon ses dires, au 16 juin 1987, alors qu’il avait été appelé à Ouagadougou pour des consultations. Le 11 octobre 1987 aux environs de 11h45, il reçoit un appel téléphonique de Sankara qui dit avoir besoin de lui au pays le 13 octobre. A ce moment-là, Bassirou Sanogo préparait un rapport économique en prélude à une visite de travail que devait effectuer Thomas Sankara en novembre 1988. « Il m’avait dit de voir quel dossier économique pouvait faire l’objet d’échanges et de négociations avec la partie algérienne. Pour ce faire, j’avais entamé une tournée pour visiter des unités industrielles à l’intérieur de l’Algérie ».

Après avoir travaillé tard la nuit, Bassirou Sanogo rejoint son domicile vers 1h du matin à une trentaine de kilomètres de l’ambassade, en demandant au concierge de le réveiller à 3h du matin. Mais les coups donnés à la porte ne réussirent pas à tirer l’ambassadeur de son lit. Dans la matinée du 13 octobre, il décide d’appeler le président du Faso pour lui annoncer qu’il viendrait finalement le 15 octobre.

Le jour J, il va à l’aéroport en compagnie de Mamadou Sereme, premier conseiller de l’ambassade. Bassirou Sanogo se souvient qu’il a embarqué dans l’avion avec un infirmier d ’Etat burkinabè qui avait accompagné des Tchadiens qui avaient fait un accident de retour des manifestations commémoratives du 2 octobre à Tenkodogo.

Après avoir attaché les ceintures, l’avion n’avait toujours pas décollé au bout d’une vingtaine de minutes. « J’ai demandé au commandant de bord ce qui n’allait pas. Il m’a répondu qu’il y a des travaux de balisage à l’aéroport de Ouagadougou. Et au bout de quelques minutes, le vol a été annulé. », a indiqué Bassirou Sanogo qui dit avoir rappelé le premier conseiller de revenir avec le véhicule. Pendant ce temps, il entendit deux stewards algériens parler de coup d’Etat à Ouagadougou. De retour à l’ambassade, il dit avoir mis le drapeau en berne.

Après l’assassinat du leader de la révolution, Bassirou Sanou est convoqué en novembre 1987 avec près d’une vingtaine d’ambassadeurs et de chargés d’affaires à Ouagadougou. Jean Marc Palm (actuellement président du Haut conseil du dialogue social, ndlr) est le ministre des relations extérieures de l’époque. « A cette rencontre, j’ai particulièrement posé une question. J’ai demandé si on était obligé d’en arriver là », a-t-il lancé en faisant allusion au dénouement sanglant de la crise.

Convoqué une deuxième fois à Ouagadougou, Bassirou Sanogo pensait qu’on lui annoncerait son départ d’Alger, comme il l’avait souhaité. Mais arrivé à Ouagadougou, il reçoit la visite de deux gendarmes venus l’embarquer. Il sera mis aux arrêts (Le témoin ne se souvient pas de la date exacte, NDLR) et détenu, avec d’autres camarades comme Mousbila Sankara, ambassadeur de la Libye, à l’époque.

« Djibril Bassolé m’a demandé si j’étais prêt à collaborer avec le nouveau pouvoir. J’ai répondu que je souhaitais me reposer. C’était une façon de dire que ça ne m’intéressait pas. Ils m’ont accusé en disant que j’ai fait jurer aux enfants de Sankara qu’ils vengeront leur père. Pourtant quand je suis allé voir Mariam Sankara de retour d’Alger, je n’ai pas vu les enfants », a relaté Bassirou Sanogo.

Il a déclaré avoir appris plus tard que pendant sa détention, une mission avait été conduite à Alger par le ministre des relations extérieures Jean Marc Palm. Ce dernier aurait forcé avec l’aide du lieutenant Omar Traoré (Lecteur du communiqué du front populaire après le coup d’Etat) la porte de ses bureaux et de son appartement en prenant le soin de mettre ses affaires dans le couloir. Tout ceci en prévision de la venue d’un nouvel ambassadeur en la personne de Issou Go.

Au bout de six mois et demi de détention, Bassirou Sanogo est libéré en mai 1988. Pour lui, la mort du président du Faso et de ses camarades est un « véritable gâchis qui a fait « reculer le Burkina de plus de 30 ans. » A l’en croire, Sankara était « la conscience gênante » de ceux qui avaient des révolutions avant le Burkina. « Avec lui, il y avait une démarche de bâtisseur, d‘oser inventer l’avenir », a déclaré Bassirou Sanogo. A la barre, il a martelé que le coup d’Etat a été préparé de façon « minutieuse tant au niveau interne qu’au niveau externe »

« Le 15 octobre était un aboutissement », se convainc le témoin qui a déclaré qu’il y avait des signes avant-coureurs un an, avant le drame, car une puissance étrangère envisageait de remplacer le premier par le second, parlant de Thomas Sankara et Blaise Compaoré. Le témoin reconnaît tout de même que Thomas Sankara a « banalisé le pouvoir » auquel il n’était pas accroché, comme un forcené.

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