ActualitésDOSSIERS :: Procès « Thomas Sankara et douze autres » : Selon le témoin Abel Ouédraogo, un (...)

Le témoin Abel Marcel Macaire Ouédraogo a été entendu, ce lundi 20 décembre 2021, au procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons. Commissaire divisionnaire à la retraite, il était au moment des faits membre de la Force d’intervention du ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation (FIMATS) basée à l’actuel site de l’École nationale de police (ENP).

Méthodique dans ses déclarations, Abel Ouédraogo a subdivisé son témoignage en cinq séquences. Dans un premier temps, le témoin est remonté dans le temps, à une semaine avant les événements du 15 octobre 1987.

Alors qu’il était au camp de la FIMATS avec d’autres éléments, il vit le commandant du corps Vincent Sigué arriver, vêtu d’une tenue verte, un béret rouge et arborant le grade de sous-lieutenant. Dans la même semaine, Vincent Sigué aurait fait cas à ses hommes des désaccords entre les membres du Conseil national de la révolution (CNR), sans plus de détails. C’est à cette période également que la FIMATS qui était en pleine construction a reçu une dotation en armement et une jeep. Selon le témoin, les éléments de la FIMATS recevaient également des visites de courtoisie de frères d’armes qui étaient soit des parents soit des promotionnaires.

Vincent Sigué, « ni administratif ni communicatif »

Selon Abel Ouédraogo, il arrivait parfois que les éléments rendent comptent à leur commandant Vincent Sigué de la présence de binômes motorisés çà et là, mais ce dernier n’était pas réceptif à leurs comptes rendus. « En tant que policier, nous avions le devoir de rendre compte à notre hiérarchie. Sigué n’était pas réceptif. Il n’était ni administratif ni communicatif, mais il était pédagogique. À la FIMATS, nous étions préparés à être des hommes d’action », a déclaré le témoin.

L’arrivée de Tibo Ouédraogo

La deuxième séquence de son témoignage a concerné la date fatidique du 15 octobre 1987. Il a raconté que ce jour-là, les éléments de la FIMATS étaient au terrain de sport lorsqu’ils ont entendu de fortes détonations d’armes lourdes aux environs de 16h. Après avoir suspendu le sport, ils se sont dirigés au magasin d’armes afin de chercher de quoi sécuriser les quatre points cardinaux du camp en restant à l’intérieur. Chargé de superviser le poste « Est », Abel Ouédraogo dit informé ses chefs de la mise en place de son dispositif. En retournant à son poste, il dit avoir rencontré un élément qui lui annonçait la présence de l’adjudant Tibo Ouédraogo.

« Nous sommes vos amis et nous sommes venus vous appuyer »

« Il avait une tenue bariolée délavée avec un blouson. Il avait également un pistolet mitraillette israélien et son béret était renversé », se souvient le témoin qui a demandé à Tibo Ouédraogo de patienter. « Tibo m’a dit ceci : ‘’Deux grands sont en train de se battre pour le pouvoir, mais l’un est décédé. Nous sommes vos amis et nous sommes venus vous appuyer” »

Après avoir rendu compte à ses supérieurs (Vincent Sigué était absent) de la présence de Tibo Vincent, Abel Ouédraogo lève la garde pour permettre l’homme de passer. « Trois ou quatre hommes le suivaient. Quand Tibo a vu le dispositif à l’intérieur du camp, il a dit et je crois que ça lui a échappé ‘’On m’avait envoyé à l’abattoir”. Après avoir introduit Tibo auprès de ses chefs, ces derniers auraient sonné le rassemblement au carré d’armes. Et là, Tibo a répété ce qu’il m’a dit à la porte : « Deux grands sont en train de se battre pour le pouvoir, mais l’un est décédé. Nous sommes vos amis et nous sommes venus vous appuyer. Si vous apercevez votre commandant Sigué, vous l’abattez ! ».

La tension est retombée

Selon le témoin, cette dernière phrase a attiré l’attention des hommes qui ont alors compris que le président Sankara n’est plus et que Tibo n’est pas l’ami qu’il prétend être. Après que les esprits se sont échauffés au sein de la troupe, les chefs de la FIMATS ont usé de leur force pour faire baisser la tension qui était palpable. « C’était chaud à tel point que si un coup de feu partait, on allait avoir le plus grand carnage ce jour-là ». Plus tard, les éléments de la FIMATS et ceux de Tibo Ouédraogo, composés essentiellement d’éléments du conseil de l’Entente et de l’Escadron motorisée commando, feront des patrouilles en ville.

Désigné comme le traitre de la troupe

Troisième séquence. Dans son récit, Abel Ouédraogo a fait remarquer qu’il n’était pas présent au camp de la FIMATS lors de la « supposée venue » de Jean-Pierre Palm. Selon ses dires, il avait accompagné son épouse au centre maternel et infantile pour la consultation postnatale de son bébé de deux mois. De retour de cette consultation, il dit avoir été hélé par des soldats de la FIMATS qui l’ont traité de traitre, car lors de sa visite, Jean-Pierre Palm aurait demandé d’après lui. « On m’a traité de traitre jusqu’à la dissolution de la FIMATS », se souvient encore Abel Ouédraogo, visiblement marqué par cet épisode.

De la dissolution et de la réaffectation des éléments de la FIMATS

À la barre, le témoin est revenu sur une rencontre qui a eu lieu au sein du camp de la FIMATS et dirigée par le lieutenant Gilbert Diendéré, alors chef du conseil de l’Entente et numéro 2 du centre national d’entrainement commando. Au cours de cette rencontre, Diendéré a livré des informations sur les tenants et les aboutissants des événements du 15 octobre 1987 et sur la teneur du discours du président Blaise Compaoré. Après, il aurait adressé des félicitations aux éléments de la FIMATS à qui il a annoncé qu’ils seraient repartis en plusieurs groupes pour sécuriser certains points du territoire.

L’un des points de divers débattus à cette rencontre a été le devenir de la FIMATS. Alors que certains proposaient que les éléments soient reversés au sein de l’armée, d’autres par contre préféraient que les hommes retournent dans leur corps d’origine, la police nationale. Et comme cela n’enchantait pas les éléments de la FIMATS de rejoindre les forces armées nationales en recommençant par le bas de l’échelle, c’est-à-dire au grade de soldat de 2e classe, la deuxième proposition fut adoptée : rejoindre la police. C’était la quatrième séquence.

Cinquième séquence. Entre le 21 et le 23 octobre, les effectifs de la FIMATS furent repartis en trois groupes. Le premier groupe affecté au Nord-Ouest, le second à Ouagadougou et le troisième groupe dont faisait partie Abel Ouédraogo partit au sud de Ouagadougou et prit ses quartiers au niveau de pont Nazinon. Là, les hommes menaient des missions de patrouille et de ratissage. Mais autour du 22 janvier 1988, les policiers affectés à la zone sud furent relevés sauf les militaires.

Abel Ouédraogo n’avait pas été autorisé à ramener à Ouagadougou une arme dont il avait signé le bon de sortie. Pour se décharger, il dit avoir rendu compte au directeur général de la police nationale de l’époque qui lui a demandé de faire un écrit. Il n’a plus jamais entendu parler de cette arme. Abel Ouédraogo est le 60e témoin cité dans ce procès sur un total de 113.

HFB
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