ActualitésDOSSIERS :: Révolution démocratique et populaire du Burkina : "Sankara a refusé (...)

Le passage des témoins s’est poursuivi, ce mercredi 17 novembre 2021 avec le colonel à la retraite Pierre Ouédraogo. Il a remplacé à la barre, Boukari Kaboré avant de céder la place au Pr Laetare Basile Guissou.

Après avoir juré de "parler sans haine et de dire la vérité" (conformément à l’article 314 du code de procédure pénale), Pierre Ouédraogo a librement donné sa version des faits. Contrairement à ses prédécesseurs, le colonel à la retraite, Pierre Ouédraogo, a été bref dans sa reconstitution des faits. Moins de quinze minutes. Ouvrant ainsi la possibilité aux parties de poser leurs questions.

Reconstituant les faits, le témoin a expliqué que dans la matinée du 15 octobre (1987), il se trouvait à son bureau, au secrétariat permanent des CDR, sis à l’actuel Conseil économique et social (sur l’avenue de l’indépendance, à quelques centaines de mètres au sud-ouest du conseil de l’Entente, théâtre des évènements). "Je ne me sentais pas bien. A la pause à midi, j’ai annoncé que je n’allais pas venir dans l’après-midi", renseigne-t-il. Mais entre temps, à la maison, autour de 16h, il se résout à regagner son bureau pour exécuter son agenda (se sentant mieux), confie-t-il.
Il en informe les éléments de sa sécurité et il se retrouve au bureau. Peu de temps après, il est informé de ce que ça tire au Conseil (de l’Entente). "Puisque de ma position, je n’entendais pas les tirs", précise Pierre Ouédraogo.

Il se met à la recherche de l’information. "J’ai pu avoir un standardiste (au conseil), qui dit que ça tire dans le bureau", poursuit-il. "J’ai ensuite eu Oumar Traoré (celui qui a lu la déclaration du coup d’État et la proclamation du Front populaire, ndlr), qui m’a dit que rien ne se passait", ajoute l’ancien responsable des CDR (comités de défense de la révolution).

Le témoin dit avoir cru à une attaque externe. Les dispositions sont donc enclenchées à son niveau pour mobiliser les forces. Il va tenter de joindre l’ETIR, mais vainement. "En cas d’attaque contre le conseil, c’est l’ETIR qui devait immédiatement intervenir, car étant l’unité la plus proche. Ensuite le BIA et le CNEC", dévoile le témoin en passant.

C’est autour de 22h, que par un coup de fil de Laurent Sedogo, il apprendra la mort de Thomas Sankara. L’informateur lui dit que Blaise Compaoré va le recevoir le lendemain matin. Il arrive au bureau de M. Compaoré (mais sans avoir été désarmé à la porte). Il trouve son interlocuteur avec sur sa table, les cartes d’identité ensanglantées des victimes. Blaise Compaoré lui fit savoir que ce qui est arrivé est un accident, car n’ayant pas voulu le tuer, mais plutôt l’arrêter. Je dis "mais pourquoi on insutlte Sankara à la radio ? C’est là il m’a dit qu’il n’a pas écouté la radio, qu’il allait faire arrêter ça", rapporte Pierre Ouédraogo.

Le lendemain, 17 octobre, il devrait de nouveau être reçu par Blaise Compaoré. Mais la rencontre n’aura pas lieu, "Blaise Compaoré étant certainement occupé avec les ambassadeurs", devine-t-il.

Arsène Bongnessan Yé le libère, mais lui fit savoir qu’il ne pourra plus se retourner à son bureau. Il est fait prisonnier, de cette journée de 17 octobre 1987 au 17 mai 1988 où il est libéré par Gilbert Diendéré et un certain Abdoul Salam.

Répondant à une question à cet effet, Pierre Ouédraogo dit croire que c’est Blaise Compaoré qui l’a fait arrêter. "J’étais tellement proche de lui, que je ne vois pas qui d’autre pouvait le faire. Seul lui pouvait le faire", réagit-il, l’air décontracté.
Il indique également que le motif de son arrestation ne lui a pas été notifié.

A la question de savoir s’il avait, en sa qualité de premier responsable des CDR, vu venir les évènements, le colonel à la retraite a expliqué qu’il y avait beaucoup de rumeurs. Néanmoins dit-il que Thomas Sankara avait déclaré, au sujet de ces rumeurs, que si Blaise Compaoré voulait prendre le pouvoir, rien ne l’empêcherait, parce qu’il (lui Sankara) n’a rien fait contre cela. Il dit également que la prolifération des tracts contre certains éléments de la révolution était caractéristique de la période.

Sur une des questions des avocats des parties civiles, le témoin est revenu sur la position de Thomas Sankara vis-à-vis de certaines questions relatives à la souveraineté nationale et à la philosophie même de la révolution burkinabè.
C’est ainsi qu’il a dévoilé par exemple que Thomas Sankara ne voulait pas que le Burkina Faso serve de base arrière pour attaquer d’autres pays.

C’était le cas avec Kadhafi (Mouammar) qui voulait que la révolution burkinabé implémente le "libre vert" (ce document est la vision du guide libyen de la démocratie et de la politique) et qui voulait également installer une légion islamique à Kamboinsin. Ce que Thomas Sankara aurait refusé car, dit-il, il n’appartenait pas au Burkina d’imposer sa révolution aux autres, mais à chaque peuple d’emprunter sa voie. "Sankara a suivi ce qui a été fait en 1960 avec Maurice Yaméogo, en refusant l’installation de troupes étrangères", a déclaré Pierre Ouédraogo.

O.L.

Lefaso.net

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