Appelé à la barre, ce jeudi 4 novembre 2021, le médecin militaire Alidou Diébré reconnaît avoir « établi, signé et délivré trois certificats de décès » en janvier 1988, soit trois mois après le drame du 15 octobre 1987.
Il a raconté qu’il se trouvait à l’infirmerie de garnison du camp Guillaume Ouédraogo, ce jeudi noir où le président Thomas Sankara et douze autres personnes ont été tués. En raison du couvre feu, il ne rentrera chez lui que le lendemain pour, dit-il, se débarbouiller.
Les jours passèrent jusqu’en janvier 1988, où il reçut un dimanche matin la visite de trois veuves parmi lesquelles Mariam, l’épouse du président Sankara. « Elles sont venues me solliciter pour un certificat de décès. J’étais un peu embêté. Je ne savais pas ce qu’il fallait écrire puisque je n’étais pas sur les lieux du drame. J’ai mis la mention "mort naturelle". Elles m’ont dit qu’elles avaient besoin de déposer des documents à la mairie pour des formalités administratives. Je reconnais n’avoir pas obéi à la rigueur de la déontologie. J’ai juste posé un acte humanitaire pour aider ces femmes », a reconnu l’accusé qui avait le grade de commandant militaire au moment des faits.
A la barre, il a tenu à préciser que contrairement aux charges retenues contre lui, il n’a pas signé de certificat avec la mention « mort accidentelle ». « Je n’ai signé que trois certificats avec la mention "mort naturelle", a-t-il insisté.
Le président de la Chambre, Urbain Méda a demandé à l’accusé s’il était interdit de mettre la mention « mort par fusillade » sur le certificat. En répondant par la négative, Alidou Diébré a rappelé que « mort naturelle, mort accidentelle et mort par fusillade » ne sont pas des causes de décès mais juste un diagnostic de décès. Et pour trouver la cause d’un décès, il aurait fallu faire une autopsie. « Si j’avais mis ‘’mort par fusillade’’, cela suppose que j’étais sur les lieux. Je reconnais avoir commis une faute professionnelle. Je devais constater le décès avant de délivrer le document (…) Si j’avais écouté ma raison, j’aurais dit aux veuves d’aller voir un autre médecin. Mais ce serait méchant. Ce n’est pas mon caractère. »
A la question du président de la Chambre de savoir s’il a fait l’objet de pression avant l’établissement du certificat de décès, Alidou Diébré répond par la négative. « Je suis militaire. J’ai horreur de l’injustice. Personne ne m’a mis la pression. J’ai délivré le document en mon âme et conscience ».
Si c’était à refaire, délivrerait-il un certificat médical avec la mention « mort de mort naturelle ? » A cette interrogation du parquet, l’accusé répond sans ambages : « J’allais réfléchir par deux fois. Mais aider les gens fait partie de mon caractère. J’allais le faire. Tant que je ne vois pas le corps, je mets la mention naturelle jusqu’à ce qu’on me réquisitionne pour une autopsie afin de trouver la cause du décès ».
A la charge de l’accusé, le parquet fera remarquer qu’un certificat de décès sert à certifier que la mort est réelle et constante. Il ajoutera que le certificat doit préciser les causes et les circonstances du décès, ce qui n’est pas le cas pour ceux délivrés par l’accusé. Pour la partie poursuivante, il existe trois types de morts : suspecte, naturelle et violente. « La mort naturelle résulte d’un état pathologique ou physiologique connu ou non. Elle s’oppose à la mort violente qui résulte d’une action violente exercée par un agent externe dans des circonstances pouvant être criminelle, accidentelle et suicidaire ».
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