Actualités :: Présidentielle : en attendant la sanctification internationale, la (...)

En guise d’introduction

Le président malgache, Marc Ravalomanana, n’a pas mis la forme pour rabrouer les opposants qui se sont piqués d’en appeler à une transition sans lui à Madagascar, sous entendu " si vous croyez que vous êtes ici en Côte d’Ivoire, vous vous trompez ".

L’opposition malgache, voilà ce qu’en pense le premier des Malgaches (selon l’Agence Xinhuanet du 14/10/05) : " Je ne la crains pas car nos efforts bénéficient du soutien des bailleurs de fonds dont la Banque mondiale, l’Union européenne et les partenaires bilatéraux".

Ca n’a l’air de rien mais ces paroles sont révélatrices de la mutation profonde et sans maquillage que subit le principe de souveraineté et de légitimation populaire dans les pays africains, particulièrement de l’espace francophone.

Dans nos contrées, la volonté populaire subit plusieurs assauts dévastateurs. C’est bien sûr la corruption, les violences, la pauvreté, l’émergence d’une démocratie d’opinion avec l’engagement politique des médias mais c’est aussi cette espèce de propension grandissante des puissances étrangères et des institutions internationales à donner leur onction à des élections avec valeur de légitimation dans la tradition des sacres pontificaux.

Il suffit en effet qu’il y ait une contestation par rapport à une élection, que Jacques Chirac ou George W. Bush apprécie dans un sens ou dans l’autre l’élection, et le tour est joué. On en arrive à la situation suivante : ce n’est plus l’électeur, le peuple, qui fonde et légitime le pouvoir mais l’extérieur.

D’ailleurs, c’est un peu dans cette veine que l’on rabattait le caquet de ces opposants au Burkina Faso qui se targuaient de défendre la légalité républicaine en Côte d’Ivoire en se démarquant du 19 Septembre 2002 et de la partition de fait du pays. Vous parlez dans le vent, leur disait-on, puisque la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Union Européenne, les Nations Unies, bref les partenaires bilatéraux et multilatéraux réunis dans la communauté internationale, ne vont pas dans votre sens.

Il est à parier que demain, compte tenu des chaudes relations que le régime en place entretient avec certaines personnalités politiques et institutions internationales, les lettres de félicitation ne tarderont pas à venir après les élections présidentielles qui seront remportées haut la main grâce à la violation de l’article 37 et grâce à des mécanismes électoraux et informatiques calibrés. On aura beau crier à l’injustice, à l’ingérence, cela n’y fera rien du tout. Ca s’est passé comme ça pour bien des pays. De ce point de vue, Ravalomanana n’est pas loin de Blaise Compaoré.

Le Conseil Constitutionnel au Burkina Faso sait tout cela. C’est pourquoi il n’est pas passé par quatre chemins pour concocter la décision indigeste qu’il vient de servir à l’opinion nationale et internationale. Les " ABC " avaient bien annoncé la couleur. "Le droit sera dit ", avaient-ils affirmé. Le droit a effectivement été dit mais de quel droit s’agit-il ? Certainement pas celui bâti sur le sens de la balance qui se trouve au fronton du Temple de Thémis.

Faut-il s’étonner de cette bénédiction apportée à la candidature de Blaise Compaoré ? Ce ne sera certainement pas Me Appolinnaire Kyelem qui en tombera des nues, lui qui avait dit comme en signe d’avertissement, dans les journaux qui s’en sont fait l’écho que " les Cours constitutionnelles sont inutiles et nuisibles ".

Notre Conseil Constitutionnel vient en tout cas de montrer sa nocuité en décidant contre les prescriptions claires et limpides de la Constitution, que Blaise Compaoré peut se présenter. D’ailleurs, ce vendredi 14 Octobre 2005, lorsque les candidats sont arrivés au Conseil, l’ambiance n’était pas dans l’attente d’une décision révolutionnaire. Le fond de l’air portait la température d’une décision de soumission.

DEROULEMENT DE LA SEANCE

La séance a commencé par des questions préjudicielles. Me Sankara a mis en avant la question de la suspicion légitime pour contester l’objectivité du Conseil. 4 au moins des membres auraient bénéficié de nominations importantes qui n’ont pu avoir lieu qu’en raison de leurs liens indiscutables avec le parti au pouvoir, donc avec le président Blaise Compaoré.

Avant toute chose, la Cour va se retirer pour examiner la réclamation ; elle reviendra pour décider dans la solennité, que si la réclamation est recevable en la forme, au fond, elle est inopérante parce qu’en prêtant serment, les conseillers se sont déliés de tout autre engagement susceptible de vicier leur indépendance et leur neutralité. On est donc passé aux choses " sérieuses " inscrites au rôle du Conseil constitutionnel.

Tout d’abord, recours contre la candidature de Blaise Compaoré : les candidats présents dans la salle étaient au nombre de 4 : Ram Ouédraogo, Me Benewendé Sankara, Ali Lankoandé et Dakuyo Clément Toubé. Les candidats demandeurs en annulation, par leurs voix ou par celles de leurs conseils, ont repris tous les arguments développés autour de l’impossibilité pour le président sortant de se présenter une troisième fois. La question de la rétroactivité, comme il fallait s’y attendre, a constitué le point central des discussions.

Salfi Diallo, représentant le candidat Blaise Compaoré, était là avec à ses côtés, l’avocat du président , Me Benoît Sawadogo. De leur côté, les mêmes arguments sont revenus sur le tapis : les compteurs à zéro, la non-rétroactivité de la loi, le fait que la révision de 2000 n’ait pas précisé qu’elle doive s’appliquer à Blaise Compaoré, etc.. Le Conseil Constitutionnel décidera dans le sens de Me Benoît Sawadogo, consacrant le droit pour Blaise Compaoré de briguer un troisième mandat.

Ensuite, ce dossier plié, on est arrivé à la plainte de Philippe Ouédraogo contre la candidature de Soumane Touré, au motif qu’il est soutenu par un parti dont il n’est plus le responsable, et dont la publication du récépissé qu’il détenait n’a pas été faite dans les formes requises par la loi. La discussion a également été très nourrie. D’un côté, il y avait Me Farama Prosper, défendant Philippe Ouédraogo, de l’autre un collectif d’avocats défendant Soumane Touré, dont Me Tou.

Le Conseil constitutionnel suivra le mémoire du collectif des avocats défendant Soumane Touré en disant que peu importe que le PAI, qui soutient Soumane Touré, soit reconnu ou pas puisque la loi autorise les candidatures à titre individuel ou même soutenues par un, deux, plusieurs partis ou par un collectif de partis. De ce point de vue, Touré Soumane, remplissant les conditions, sa candidature n’a pas à être invalidée. Exit la deuxième affaire !

Quant au dernier dossier, l’affaire Boukary Kaboré dit Le Lion contre les 13 candidats, on peut dire que c’était le dossier détente. Kaboré Boukary devait en être la vedette mais il n’est pas venu. Le travail a été assuré par son conseil, Me Keïta, très en verve. Il sera pourtant débouté de la demande d’invalidation des 13 candidats au motif qu’ils n’ont pas plus observé la loi dans le dépôt de leurs dossiers que Kaboré Boukary.

Ce dernier a certes déposé hors délai sa caution de 5 millions FCFA mais Me Keïta a plaidé que les autres candidats n’ont pas non plus respecté totalement la loi puisque la Cour n’a pas entre autres vérifié l’existence de leur consentement à la candidature. Le Conseil ne prendra pas en considération les développements relatifs à l’absence de consentement des 13 candidats ; par contre, il se refusera à racheter Kaboré Boukary et confirmera le rejet de sa candidature. S’agissant de la demande relative à la restitution du montant de la caution, le Conseil y fera droit.

Voilà le Conseil Constitutionnel épuisant un rôle qui n’a pas drainé grand monde, un peu comme si on savait que les dés étaient déjà jetés. Du reste, au sortir de la salle d’audience, il n’en manquait pas pour murmurer par ci par là qu’ils auraient pu faire l’économie de ce recours en annulation.

CONCLUSION

La messe est donc dite. Pendant des mois, pendant des années, on s’est accroché à cette décision du Conseil. Beaucoup ont espéré que les juges surprendraient en se rangeant du côté de la défense de la Constitution et ils soutenaient qu’il fallait saisir le Conseil, ne pas lui faire de procès d’intention. D’autres ont toujours affirmé qu’il ne sortirait rien de cette juridiction qui est taillée sur mesures pour servir de paravent, de caution au pouvoir en place.

Maintenant, la grande question est comment l’opinion va réagir à cette décision, comment les candidats vont se comporter. C’est la question que tout le monde se pose in petto et que Valère Somé a lancée publiquement à travers la presse. On sait que parmi les candidats, il y a ceux qui ont fermement condamné la candidature de Blaise Compaoré la jugeant contraire à la Constitution c’est-à-dire Ali Lankoandé, Philippe Ouédraogo, Hermann Yaméogo, Norbert Tiendrébéogo, Benewendé Sankara, Ram Ouédraogo, Paré Emile, Laurent Bado, mais aussi ceux d’Alternance 2005 qui figurent parmi les opposants les plus irréductibles à la candidature du président sortant.

Une ligne de fracture se dessine déjà qui risque de se répercuter dans l’opinion et jouer sur le scrutin à venir. Il y a la ligne qui considère que le vin est tiré et qu’il faut le boire, qu’il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur et se préparer à d’autres formes de lutte ; autrement dit, s’engager dans la bataille électorale avec Blaise Compaoré comme adversaire.

Il y a la ligne qui estime qu’il faut refuser jusqu’au bout la candidature du chef de l’Etat parce que contraire à l’article 37 et qu’il ne faut donc surtout pas compétir avec lui pour ne pas, par le fait même, valider sa forfaiture. Voilà la campagne dans la campagne qui ne manquera pas d’intéresser l’opinion et les spécialistes en droit constitutionnel.

Lamine Koné
San Finna

Burkina : Les magistrats du parquet désormais nommés par (...)
Burkina/Conduite de la transition : Les députés de l’ALT (...)
Burkina : L’ALT examinera une proposition de loi pour (...)
Conseil des ministres : La SONABHY, le BUMIGEB et le (...)
Affaire “Me Guy Hervé Kam” : L’Etat à l’épreuve de sa (...)
Burkina/Situation nationale : Les propositions de Me (...)
Burkina : Me Ambroise Farama dément les accusations (...)
Situation sécuritaire au Centre-Sud : La gouverneure (...)
Burkina : Le leader politique, Amadou Tall, appelle à (...)
Burkina/Projet de loi portant statut de la magistrature (...)
Burkina Faso : « Il n’y aura pas d’élections tant que le (...)
Gestion du fret : Le CBC reçoit les orientations du Chef (...)
Burkina : Quand les pouvoirs peinent à assurer la (...)
Burkina : Colonel Boukaré Zoungrana désormais ambassadeur (...)
Burkina Faso/MPSR2 : L’échéance de la Transition nécessite (...)
Burkina : 500 millions fcfa pour "une communication de (...)
Burkina : Le Parti Panafricain pour le Salut exhorte (...)
Investiture du Président Bassirou Faye : Voici les (...)
Investiture de Bassirou Diomaye Faye : Le Capitaine (...)
Sénégal : Le CDP félicite le nouveau Président Bassirou (...)
Mobilisation générale et de la mise en garde : Le (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 12495


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés