Actualités :: Autonomisation des femmes déplacées internes : Wendzaanda Sawadogo, l’étoile (…)

Arrivée dans la ville de Kaya, en février 2020, au lendemain d’une attaque qui a coûté la vie à un pasteur, promotionnaire de son époux, Wendzaanda Sawadogo tente aujourd’hui de se reconstruire avec les siens dans la cité des cuirs et peaux. Elle fait partie de ces milliers de personnes déplacées internes (PDI), accrochées à l’espoir d’une vie meilleure et qui tentent par tous les moyens de ne pas ployer le genou. Portrait d’une quinquagénaire que le travail n’épouvante guère et qui vit à présent de l’élevage de porcs.

Wendzaanda Sawadogo fait partie des Burkinabè qui ont abandonné tout derrière eux. Une maison, des affaires, des animaux, des voisins, mais aussi des souvenirs doux et amers. Sa vie forgée, dans le marbre de l’adversité, impose le respect. Ne dit-on d’ailleurs pas que « la résilience est cette lumière intérieure qui ne s’éteint jamais ».

Demander l’aumône ? Non. Se résigner ? Non. Wendzaanda Sawadogo aurait pu envisager toutes les excuses possibles pour justifier les souffrances endurées lors de son exode forcé de Pilga à Kaya, un soir de 15 février 2020. Mais, au lieu de geindre, cette étoile venue de la commune de Tougouri est restée digne. En Dieu, elle confie avoir placé son espoir. « Il a préservé ma vie et celle de ma famille comme l’évoque mon prénom Wendzaanda, en langue mooré », a-t-elle annoncé, lors de notre rencontre, ce lundi 29 juillet 2024.

A l’image des rayons du soleil qui transpercent les nuages, Wendzaanda Sawadogo a travaillé pour sortir de l’ornière

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La peur des regards

A son arrivée à Kaya, la quinquagénaire est accueillie par son oncle maternel. Hantée par les souvenirs de l’épreuve qu’elle traversait, Wendzaanda Sawadogo avoue avoir souffert de céphalées pendant deux semaines. « La maison de mon oncle ne comptait qu’une seule pièce, où nous étions 21 personnes à dormir : les enfants à l’intérieur et les adultes à l’extérieur. », raconte-t-elle avant de pousser un long soupir.

La quinquagénaire a toujours eu peur des regards des autres

La traversée du désert

Après plus de trois mois, Wendzaanda Sawadogo et sa famille prennent congés de leur hôte pour voler de leurs propres ailes. Ils s’installent au secteur 2 de Kaya sur une parcelle achetée par l’un de ses fils, ancien orpailleur devenu militaire. Sur ce terrain non clôturé, ils construisent une maison en banco recouverte de 22 tôles. Mais, trois mois plus tard, le 15 août 2020, une partie du nouveau refuge s’effondre. « Mon oncle m’a proposé de revenir chez lui le temps de reconstruire une autre maison, mais j’ai refusé. Je n’allais pas fuir une seconde fois. Louer une maison n’était pas une option, car nous n’en avions pas les moyens », avance-t-elle.

Dans la tourmente, la famille reçoit l’aide d’une personne qui met à sa disposition une maison de 10 tôles pour entreposer ses affaires. Quant à la famille, elle reste vivre dans une partie de la maison qui a résisté aux intempéries. « Nous avions trois enfants avec nous. Ils dormaient à l’intérieur de la maison et nous passions les nuits sous un hangar à la belle étoile. Cela a duré à peu près neuf mois. Nous avons ensuite bénéficié de trois tentes, dont une a été donnée à mon oncle. Lorsque notre fils a abandonné l’orpaillage pour rejoindre les forces armées nationales, il nous a construit une maison beaucoup plus solide », raconte Wendzaanda Sawadogo.

Wendzaanda Sawadogo entourée de Yaabré Sawadogo, l’épouse de son oncle (à gauche), et de sa fille Florence

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Le déclic

A Kaya, les « arrivants » - terme pour désigner les PDI en langue mooré - étaient toujours à l’affût de toute information concernant les personnes déplacées internes. Wendzaanda aussi. Mais selon ses propres mots, une peur l’envahissait chaque fois qu’elle se rendait à l’action sociale : le regard des autres. Avec le temps, elle s’est fait la promesse de changer la perception qu’avaient les gens des PDI, non pas par honte de son nouveau statut, mais elle tenait à se prouver qu’une autre vie est possible, malgré les vicissitudes de la vie.

Elle décide donc de se lancer dans l’élevage de porcs, l’une des multiples activités qu’elle menait dans son village. « J’ai tout abandonné dans mon village sauf mes connaissances », soutient-elle. Pour débuter, elle achète un porcelet à 15 000 FCFA chez son oncle.

L’élevage porcin est une activité que menait Wendzaanda Sawadogo dans son village, Pilga

Le début d’une nouvelle aventure

À la faveur du Fonds de relance économique (FRE COVID), lancé par le gouvernement burkinabè pour soutenir la résilience des entreprises face à la pandémie, le Fonds d’appui aux activités rémunératrices des femmes (FAARF) organise une rencontre d’informations dans plusieurs villes, dont Kaya.

« Nous nous sommes rendus à l’action sociale à deux heures du matin pour prendre le rang. Le matin, après les explications du FAARF, nous avons compris qu’il ne s’agirait pas d’une aide gratuite, mais d’un financement d’activités via des micro-crédits. Beaucoup n’étaient pas intéressées. J’ai voulu m’associer à une dame pour postuler, mais ça ne l’intéressait pas. J’en ai parlé à la famille de mon tuteur », se souvient Wendzaanda.

Elle s’associe finalement à Yaabré Sawadogo, l’épouse de son oncle, et Florence Sawadogo, sa fille. Leur dossier pour la mise en place d’une ferme porcine est validé par le FAARF, qui leur octroie un prêt de 900 000 FCFA en 2021, remboursable sur une période de deux ans.

La ferme a été frappée par la grippe porcine début 2023 réduisant le cheptel de moitié

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Une activité « rentable »

Grâce à ce crédit, Wendzaanda achète quatre porcelets et les deux autres femmes, cinq porcelets au total. Elles construisent une porcherie sur un terrain adjacent à la concession de la native de Pilga. A cette mise de départ, s’ajoute le premier porc de Wendzaanda Sawadogo, qui aura plus tard une première portée de huit porcelets.

« Cet élevage est rentable. Cela m’a permis de prendre en charge ma famille et de scolariser mes enfants qui avaient décroché de l’école à cause de l’insécurité. J’ai aussi acheté une moto grâce à cette activité », explique la quinquagénaire, visiblement épanouie.

Selon Justine Zoungrana du FAARF (à l’extrême droite), Wendzaanda Sawadogo est un modèle d’engagement féminin

Selon Justine Zoungrana, gestionnaire de crédits du FAARF à Kaya, Wendzaanda Sawadogo et son groupe sont à féliciter, car grâce au premier crédit remboursé en un an au lieu de deux, le FAARF leur a octroyé un autre crédit d’un million de francs CFA. « Ce second prêt a été également remboursé dans les délais », foi de Mme Zoungrana.

L’épreuve

Tout allait bien pour le trio. Mais après deux années d’activités, la grippe porcine s’installe et décime la moitié du cheptel, estimé à l’époque à une quarantaine de têtes. Les dames, qui avaient pourtant contracté un troisième prêt de 1 500 000 FCFA, se retrouvent aujourd’hui en difficulté pour le remboursement. L’échéance fixée au mois de juillet 2024 n’a pas été respecté et le FAARF doit recouvrer environ un million quarante-cinq mille francs CFA.

Dans ces moments difficiles, Wendzaanda peut compter sur le soutien de son époux, Pasteur Jean Baptiste Ouédraogo, aujourd’hui maroquinier. Malgré la morosité économique, il arrive à écouler petit à petit ses sacs, sandales et ceintures en cuir. « Je m’en sort par la grâce de Dieu même si de nombreux clients achètent mes articles à crédit. Ce n’est pas simple. J’aimerais développer mon activité, mais en tant que pasteur, il est difficile d’emprunter de l’argent », regrette Pasteur Jean-Baptiste Ouédraogo, fier du chemin parcouru par sa tendre épouse.

Pasteur Jean-Baptiste Ouédraogo soutient son épouse grâce à son métier de maroquinier

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Le rêve

Malgré les nuits blanches passées à se creuser les méninges pour trouver comment rembourser le crédit, Wendzaanda Sawadogo trouve toujours la force de rêver. Elle refuse de s’éteindre. Son souhait est de construire une porcherie plus spacieuse, car une partie de la cour abritant l’habitat des porcs a été réaménagée pour accueillir un ménage de déplacés internes.

« La porcherie actuelle est vieille et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les porcs n’aiment pas la saleté », précise-t-elle. Une autre idée la taraude : produire du soumbala. C’est d’ailleurs avec ferveur qu’elle en parle.

Toutefois, malgré ses difficultés, Wendzaanda Sawadogo s’estime chanceuse. Chanceuse d’avoir survécu malgré un parcours semé de ronces ; des ronces qui couvrent encore les sentiers de Pilga et de plusieurs villages d’un Burkina en quête de paix pour plus de 20 millions d’âmes.

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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