ActualitésDOSSIERS :: Burkina : L’insurrection populaire racontée par Dr Emile Paré

A l’occasion du lancement de l’écriture de ses mémoires, Dr Emile Paré est revenu sur sa participation à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. De l’Assemblée nationale à la télévision nationale, l’homme qui se réclame partisan de la violence défensive, a relaté les faits tels qu’il les a vécus.

« Je ne suis pas un pyromane […] Que celui qui m’a vu avec une boîte d’allumettes à l’Assemblée nationale, le dise. Ce n’est pas moi qui l’ai brûlée. Nous étions l’avant-garde. Bien au contraire, j’ai failli brûler puisque j’étais dans l’hémicycle pour dire aux jeunes de ne pas casser mais de s’asseoir pour qu’on délibère la nouvelle assemblée démocratique et populaire ». Une mise au point du Dr Emile Paré qui précède une question qu’il se pose « A qui appartient l’Assemblée nationale ? ».

Pour l’homme politique, il n’y a pas de quoi fouetter un chat car « le peuple brûle sa maison qu’il est prêt à reconstruire ». « Les gens disent que je suis indiscipliné. Non. J’ai des graines d’indiscipline, mais quand je mets mon indiscipline en branle, vous ne me reconnaissez plus. Grattez le chat et vous verrez une panthère […] Je suis rentré pacifiquement à l’Assemblée, j’ai chassé pacifiquement les députés, je me suis assis pacifiquement pour mettre fin au régime de Blaise Compaoré », a déclaré celui qui se réclame de l’aile gauche de la social-démocratie du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).

Une insurrection planifiée

Mardi, à l’annonce de la rédaction de ses mémoires, il a rappelé que l’actuel parti au pouvoir n’a jamais caché son intention de chasser Blaise Compaoré le 30 octobre 2014. « D’ailleurs, le 25 octobre, se souvient-il, lors d’une réunion du bureau politique national du parti au CENASA, le président Salif Diallo avait clairement dit que le mot d’ordre du retrait de la loi pour la modification de l’article 37 n’était plus d’actualité et que seul le mot d’ordre de départ de Blaise Compaoré comptait à présent. J’ai respecté le mot d’ordre à ma façon. Nous avons mis une stratégie en place pour renverser l’Assemblée. Je ne suis pas allé seul. Nous avons veillé pendant trois jours pour trouver la stratégie de prise de la Bastille, l’Assemblée nationale ».

« Une insurrection inédite »


Pour Emile Paré, les conditions d’une violence étaient déjà réunies à l’époque, du fait que le pouvoir a hébergé à l’hôtel des députés qu’il a grassement payés à coups de millions pour voter la loi. « J’ai l’habitude de dire que si tu ne donnes pas à manger à ton propre chien pendant quatre jours, il va te mordre. Vous n’avez pas appris que le lionceau de Blaise Compaoré a failli l’avaler à Ziniaré ? Mais, c’est son garde-du-corps qui a tiré sur l’animal. L’homme n’est pas loin de l’animal, scientifiquement parlant. S’il est acculé, s’il a faim et soif, alors il se défend par tous les moyens. Je suis un défenseur de la violence défensive quand la situation l’exige » , a persisté l’homme politique

A l’en croire, cette insurrection populaire est inédite dans le monde en ce sens que c’est « la première fois, qu’un peuple insurgé au niveau national n’a pas causé de pertes en vies humaines du côté de l’ancien pouvoir. Pendant les insurrections, on envoie au poteau l’ancien pouvoir mais nous, nous avons laissé Blaise ramasser tout pour se réfugier en Côte-d’Ivoire. Nous avons laissé tous les députés libres et Mélégué Maurice Traoré s’est permis de dire que mes insurgés se sont courbés pour qu’il monte escalader le mur. Les enfants se sont amusés avec les députés ».

Pourquoi les insurgés ont-ils mis le feu à l’Assemblée nationale ?

Selon Dr Emile Paré, peu de gens ignorent pourquoi les insurgés ont mis le feu à l’Assemblée. Alors que ceux-ci entraient dans l’enceinte du parlement, « un hélicoptère a décollé de Kosyam et était chargé de venir tirer sur nous. L’hélico est descendu jusqu’à un certain niveau où il pouvait attaquer. J’ai couru rentrer dans l’hémicycle. Et c’est à ce moment que les jeunes ont mis le feu. Le feu était obligatoire pour brouiller la visibilité de l’hélico. C’est ainsi qu’ils sont repartis », a raconté l’homme politique avant de murmurer qu’il y avait aussi des insurgés très proches du chef de l’Etat. « On ne mène pas une lutte sans infiltrer l’adversaire », souligne-t-il.

Altercation avec un responsable de la télévision

Après l’épisode de l’Assemblée nationale, Dr Emile et les insurgés mettent le cap sur la télévision nationale. « J’attends toujours des excuses du responsable de la télévision de l’époque. S’il ne le fait pas, je vais dire beaucoup de choses », a prévenu le chat noir du Nayala, avant de raconter. « Nous étions allés faire une déclaration sur la chute de Blaise Compaoré. Les journalistes ont disparu, ce qui est normal. Je n’ai trouvé que Adjima David Thiombiano, le rédacteur en chef. Il était en jean’s. Je l’ai salué et je suis rentré avec le camarade Jean-Baptiste Zoungrana, Marcel Tankoano du M21 et le camarade Diallo. Nous étions quatre. J’avais demandé aux insurgés de rester à la grande porte de la RTB. A la porte, il y avait mon ami, le journaliste Ali Compaoré. Il avait une veste bleu marine et une main dans la poche. Je lui ai dit ‘’Ton gars est tombé et je m’en vais déclarer sa chute’’ C’est mon parent à plaisanterie », explique-t-il.

Emile Paré en veut visiblement au journaliste Alfred Nikièma, aujourd’hui en poste au ministère de la Communication. « Un certain Nikièma a saboté la télé. Tankoano Marcel qui est un jeune virevoltant l’a pris par les colles et l’a projeté et lui a dit de remettre la télé en marche pour que je fasse ma déclaration. J’ai dit de ne plus le toucher. Il m’a dit que Douanio (Marguerite Douanio) est dans la salle et s’apprête à lire la déclaration de retrait de la loi envoyée par le gouvernement. Je suis allé dans la salle mais quand elle m’a senti venir, elle a eu peur et voulait sortir mais je l’ai repoussée. Je lui ai dit que je n’étais pas là pour la violenter mais pour lui demander d’arrêter la lecture du texte. Car je devais annoncer la chute du gouvernement. Nikièma m’a demandé du temps pour informer ses supérieurs hiérarchiques. Là a été mon erreur », a regretté Emile Paré.

De justesse

En effet, à l’en croire, les choses auraient pu tourner au vinaigre pour lui n’eût été l’intervention de deux commandos. « Je l’ai autorisé à appeler ses supérieurs. Il s’est éclipsé et a appelé quelqu’un qui lui a dit de me distraire, le temps qu’ils envoient un commando pour m’abattre. Nous étions dans la salle pour remettre la télé en marche lorsqu’un commando a débouché du côté de la porte qui fait face au Premier ministère. Il vociférait ‘’Où se trouve le nommé Paré ? Il ne va rien déclarer. Je vais l’abattre’’. Il ne me connaissait pas car il s’agissait d’un commando togolais. Eh bien, comme il ne me connaissait pas, mes amis Jean-Baptiste et Diallo l’ont distrait et envoyé balader du côté opposé. Diallo a demandé à Jean-Baptiste de venir me dire qu’on cherche à m’abattre. Il a demandé à Alfred Nikièma s’il existe une porte de sortie pour moi et ce dernier a répondu non mais que ça m’apprendra ».

En quête d’une échappatoire, « le chat noir » finit par se glisser dans un trou. « J’attendais que le commando vienne pour sauter sur lui et l’abattre au premier tour. Je suis un commando. J’ai fait le karaté, j’ai une ceinture rouge. J’ai également fait le service militaire à Dori sous la direction du général Lougué. J’ai été entrainé par le général Sadou Oumarou », a relaté, l’ancien responsable des comités de défense de la révolution. De quoi faire marrer le public.

« Le temps qu’ils arrivent, ce sont les commandos restés à la porte qui ont senti un mouvement insolite dans la cour et qui sont venus à mon secours. Ils ont demandé où je me trouvais et Nikièma a indiqué ma cachette. Ils m’ont saisi de part et d’autre et m’ont soufflé à l’oreille ceci ‘’Docteur, ne résistez pas car nous sommes venus pour vous défendre’’. Ils m’ont sorti et l’autre commando togolais est venu leur dire de le laisser m’abattre. Les autres lui ont répondu qu’ils contrôlaient la zone. Mais il a enlevé sa ceinture et m’a frappé. Je saignais à la bouche. Les commandos lui ont dit que s’il portait de nouveau la main sur moi, ils l’abattraient. C’est comme ça que j’ai été sauvé. Le peuple insurgé qui était à la porte ne savait pas que je souffrais. », relève le « miraculé ».

« Erreur stratégique »

« J’aurai dû rentrer avec le peuple, m’asseoir à la télé pour parler. C’est une erreur stratégique grave que j’ai faite et qui a failli me coûter la vie. Quand je suis sorti avec les deux commandos par la petite porte qui débouche au ministère de l’administration territoriale, le peuple insurgé à la porte a crié en disant que je venais d’être arrêté. C’est à ce moment qu’ils ont saccagé la télévision nationale. Une fois sorti, une chaine de télévision m’a interviewé et j’ai dit qu’aujourd’hui c’est le printemps noir africain qui démarre au Burkina contre tous les dictateurs africains ».

Après avoir manqué de faire sa déclaration à la télévision, Emile Paré envoie un commando à la radio. Pour lancer le message suivant : « 1. L’assemblée est dissoute 2. Le gouvernement est dissout 3. Blaise Compaoré est démis de ses fonctions de l’Etat 4. Il est instauré une assemblée démocratique et populaire sous la direction du Dr Pargui Emile Paré. 5. L’assemblée démocratique et populaire va délibérer sur les organes de la Transition. Mais pendant qu’il communiquait le message à son émissaire, ce dernier se fit renvoyer de la radio par des soldats. Fin.

En attendant de retrouver, plus en détails, dans ses mémoires, son rôle lors de l’insurrection populaire, Emile Paré a déjà annoncé qu’il mènera « une lutte ouverte contre un cercle de personnes qui sont en train d’entrainer le président du Faso sur le mauvais chemin » . Sans rentrer dans les détails, tout laisse croire que l’adversaire du « Chat noir du Nayala » a une étiquette : société civile.

Rassemblés par Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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