Actualités :: Parcelles des « non loties » de Bogodogo : Le maire Henri s’est bien (...)

« La charité bien ordonnée commence par soi-même ». S’il y a des gens qui ont bien compris cette maxime, ce sont bel et bien les responsables de la commission d’attribution des parcelles de l’arrondissement de Bogodogo. Bien que ne résidant pas dans les zones à lotir, ils se sont bien servis. Le maire s’est particulièrement illustré dans cet accaparement des parcelles au détriment des résidents réels qui ne demandent pas la charité, mais le respect de leurs droits. Voici (enquête) comment on dépossède les pauvres pour s’enrichir.

Pendant que des milliers de résidents n’ont pas eu leurs parcelles, le maire et ses proches se sont allègrement servis. Au secteur 28, ses deux sœurs ont été attributaires alors qu’elles ne résidaient pas dans la zone. Une d’entre elles avait juste construit une maisonnette et quand la liste des attributaires est sortie (en 2006-2007), son nom n’y figurait pas. Son numéro de recensement S 2112 n’était nulle part sur la liste. A l’époque, son frère n’était pas devenu maire. Aujourd’hui, elle a sa parcelle. Un frère du maire a également reçu une parcelle.

Cette dernière se trouve dans la cour d’un vieux qui habite la zone depuis près de 20 ans. Ce frère est décédé à la suite d’un accident. Il revenait, dit-on, de la zone « non lotie ». Il serait allé demander au vieux de quitter la cour pour lui permettre de construire. Le vieux lui aurait simplement répondu que « Dieu ne dort pas. » Le maire lui-même est passé par son protocole (un certain Lazare) pour s’accaparer de deux parcelles dans la même zone. Ces parcelles ont défrayé entre temps la chronique parce qu’il y a érigées des maisons dont certaines servaient comme chambres de passe. Le maire et ses complices de la commission d’attribution ne se contentent pas de donner à leurs proches, ils en vendent aux plus offrants, aux riches.

Les techniques de fraude et de corruption

Le mode opératoire est le suivant : ils bloquent la sortie des numéros des résidents réels pour les vendre aux demandeurs, ceux qui ont les moyens de payer. Mme Zouré a fait les frais de cette magouille. Sur la liste qui est officiellement sortie et affichée sur les lieux publics, son numéro de maison (V 3600 au nom de son mari) se trouve dans la catégorie NCH (Nouvelle construction habitée), une catégorie non prioritaire appelée « numéro rouge ». Quand elle est allée faire un scandale à la mairie en août dernier, le président de la commission, le conseiller Alassane Tapsoba, lui a fait savoir que son numéro est dans la catégorie prioritaire « RR » ou résidents réels. Pour la convaincre, il a fait sortir un registre dans lequel figure effectivement le nom de son mari, Zouré Nabayouré Edouard. Il lui a fait des remontrances du genre : « pourquoi depuis là tu n’es pas venue payer les 50 000 FCFA alors que tu as le bon numéro ? » Comment pouvait-il savoir qu’elle a le bon numéro quand celui qui est sorti officiellement est « rouge » ? a-t-elle répondu.

Le président de la commission lui a dit de tout faire pour voir le maire. Elle a pris rendez-vous trois fois, mais le maire est toujours absent ou en réunion pour ne pas la recevoir. C’est parce que quelqu’un d’autre, une dame, est venue pour la déguerpir qu’elle est venue faire le scandale à la mairie. Cette dernière qui réside à Dassasgho avoue qu’elle a acheté la cour (celle de Mme Zouré) avec quelqu’un d’autre. Avant la mesure gouvernementale suspendant les opérations d’attribution, une parcelle se négociait autour de trois millions FCFA. La plupart des acheteurs viennent d’ailleurs et sont généralement des salariés.

Une autre technique, celle des résidents de la zone qui ont les moyens, consiste à payer leurs propres parcelles. Leurs noms ne figuraient pas sur les listes des personnes attributaires, mais ils sont allés « négocier » avec certains responsables au niveau de la mairie. Les propriétaires des numéros de recensement T 7704 et T 7712 sont dans ce cas. Il s’agit de deux commerçants qui ont payé des millions pour avoir leurs parcelles. Ils paient en réalité les parcelles qui leur reviennent de droit. Pour plus de discrétion, le maire et ses complices de la commission ont mis en place un système de camouflage. Les demandeurs traitent avec des démarcheurs bien ciblés. Ces intermédiaires sont bien connus.

Il y a le protocole du maire, un maitre coranique, Ablassé et bien d’autres. Ce sont les plus connus et les plus « efficaces ». Ils disposeraient des plans des lotissements, ce qui facilite leur travail de repérage. Ils savent quelles sont les parcelles à vendre. Comme par exemple celles qui ont été attribuées à des enfants probablement fictifs : Tenkodogo O. Félix, né le 27 mai 2003 avec le n° d’ordre 2566 D 096 sur la liste, catégorie PNR (propriétaire non résident) ; Kaboré Zakaria né le 25 octobre 2000 avec le n° d’ordre 2379 A 1186, catégorie PNR ; Zerbo Lassina, 1er jumeau, né le 17 février 2003, n° d’ordre 2243 E 5035, catégorie PNR. C’est la troisième technique, celle dite des numéros fictifs. Ces cas sont très nombreux sans parler des parcelles qui ne sont pas attribuées délibérément. Ces cas sont surnommés PKG (c’est leur nom de code).

Les intermédiaires proposent à ceux qui ont leurs cours sur la liste de ces PKG un deal. Ils t’aident à sortir ton numéro et en contre partie, tu acceptes qu’ils vendent la parcelle et vous vous partagez l’argent à part égale. Il y a aussi les nombreuses réserves (au moins 80), les zones dites commerciales et la voie de train qui ferait 50 ha. Des gens ont été déguerpis à cet effet, mais les limites n’ont pas été bornées entièrement, ce qui laisse la possibilité de morceler davantage pour vendre.
Le train de vie de certains démarcheurs ne laisse pas de doute sur leurs pratiques. Ils sont devenus immensément riches. Que dire de leur patron ? Le maire est passé d’une vieille yamaha à une mercedes. Il aurait acquis tout récemment deux camions remorques (les benz). Officiellement, c’est pour un de ses subordonnés. Mais personne n’est dupe. Tout le monde sait que c’est pour lui. Ce subordonné vend désormais des voitures de marque mercedes.

Pendant ce temps, des résidents réels depuis près de 20 ans n’ont pas eu de parcelles. Pire, la mairie leur demande de quitter pour céder leurs cours à d’autres personnes venues d’ailleurs pour la plupart. Le cas de ce jeune est atypique. Boureima Ouédraogo a acheté son terrain ou « non lotie » en 1996 avec un propriétaire terrien du village de Yamtenga quand il était toujours élève. Il a construit sa maison de 10 tôles. Il crée une association qui mène plusieurs activités communautaires (sensibilisation sur les maladies et les mutilations génitales féminines, encadrement scolaire des élèves etc.). En 2000, avec d’autres associations, il fait partie de la délégation qui est allée négocier avec le maire Simon Compaoré le lotissement de la zone.

Il faisait partie des guides qui ont accompagné la commission de la mairie lors du recensement de 2003. Dans son sous quartier, le matériel de travail de son équipe de recensement était gardé dans sa cour et les membres de la commission prenaient leur petit café dans son kiosque. A la surprise générale, quand la liste des attributaires est sortie, son nom n’y figurait pas. Pourtant, il est l’un des premiers sur le site. La commission a dégagé deux parcelles dans sa cour, une attribuée à une inconnue de la zone et l’autre non attribuée (les fameuses PKG : parcelles à vendre). Celle à qui ils ont attribué sa parcelle lui demande de partir parce qu’elle veut ériger une villa dans la parcelle. Boureima a une femme et des enfants et pour rien au monde, il ne va quitter sa cour, dit-il à la dame. A moins que la mairie lui trouve aussi une parcelle. Dans son sous quartier, il y a 1103 personnes dans son cas. On en trouve des cas pathétiques de vieilles femmes, veuves, que les nouveaux attributaires demandent de quitter leurs cours. Certains démolissent par force les maisons de ces veuves.

La détresse des veuves

Pour empêcher la propagation de ces pratiques, les résidents se sont organisés pour dissuader les « nouveaux venus ». C’est ce qui a sauvé Convolbo Bila Minata et ses enfants. Son fils aîné Soumaïla qui avait acheté le terrain en 1995 avec son argent d’héritage est lui-même décédé en 2006, laissant sa femme enceinte. Elle accouche d’un garçon en 2007. Dans la famille, ils sont six et ce sont les deux femmes veuves qui se débrouillent pour nourrir et scolariser les enfants. Après le décès de son mari et de son fils, Minata a fait les certificats de décès pour qu’elle ne rate pas l’attribution. Quand les listes sont sorties, on l’a classé dans la catégorie NCH (Nouvelles construction habitées), donc non prioritaire alors que son voisin, arrivé trois ans après elle, est dans la bonne catégorie RR (résident réel). Minata n’a pas eu de parcelle. Le terrain où elle vit avec ses deux garçons, sa fille, sa belle-fille et son petit fils a été vendu à un policier travaillant à Bobo-Dioulasso.

Le grand frère du policier qui, lui, réside à Ouagadougou, harcèle la famille de quitter. Au premier trimestre de 2011, il est venu démolir les toilettes de la veuve. Il a construit une maison de 30 tôles dans la partie sud de la parcelle. Mais il n’a pas réussi à terminer la maison. Les voisins et les jeunes du quartier se sont mobilisés pour la défendre. Minata a les larmes aux yeux quand elle évoque la souffrance de son fils qui a travaillé dur pour construire deux maisonnettes. « Finalement mon fils n’a pas jouit de son héritage et les responsables de la mairie veulent empêcher son fils d’en jouir aussi », dit-elle les larmes aux yeux. Guigma Ramata est, elle, arrivée en 1994. Elle vend l’eau et du bois qu’elle charge dans la charrette laissée par son mari décédé en Côte d’Ivoire. Elle a en charge quatre enfants qui ont tous abandonné l’école faute de moyens. On lui a attribué la dernière catégorie et prendre sa parcelle donner à quelqu’un d’autre. Ses deux voisins, agents des impôts, venus longtemps après elle, ont eu leurs parcelles alors qu’ils n’ont jamais dormi là-bas.

Abdoulaye Ly

MUTATIONS N. 5 de janvier 2012, Mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois (contact : Mutations.bf@gmail.com)

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