Actualités :: SIGNATURE DES ATTESTATIONS DE NON-ENGAGEMENT : Le deal des démarcheurs

Devant la Société burkinabè d’équipements (SBE) et la société burkinabè de crédit automobile (SOBCA), ils sont toujours présents à leur "bureau", prêts à vous proposer leurs services. Une fois le marché conclu, ils effectuent le travail en un laps de temps. Eux, ce sont les intermédiaires entre les fonctionnaires et les institutions financières. Communément appelés à tort ou à raison les "margouillats", leur travail consiste à aider les fonctionnaires à avoir le plus rapidement possible la signature de leurs attestations de non-engagement. Comment travaillent-ils ? Les revenus qu’ils en tirent leur permettent-ils de subvenir aux besoins de leur famille ? Sont-ils reconnus par les institutions financières ? Quelques réponses dans les lignes qui suivent.

A notre arrivée dans la matinée du 1er février 2011 devant la Société burkinabè de crédit automobile (SOBCA), c’est une foule de personnes que nous avons trouvées. Assises sur des tables-bancs par groupe de cinq à 10 , ces personnes n’attendent que des clients pour commencer leur travail. Nous avons approché un des groupes composés en majorité de jeunes pour expliquer la raison de notre visite. "Allez-y voir le monsieur qui est arrêté un peu devant, c’est lui notre président", nous a répondu un d’entre eux. Un monsieur du nom de Mahamadi Ilboudo, nous indique un autre groupe de personnes un peu plus âgées. "Il faut les voir, ce sont eux qui nous ont envoyés ici, donc c’est à eux qu’il faut s’adresser". Ces derniers nous renvoient encore chez Mahamadi Ilboudo en disant que c’est lui leur responsable.

Apparemment, personne ne voulait se prêter à notre micro. Un des leurs nous explique la raison : " Nous ne voulons pas parler parce qu’on nous traite d’escrocs, de délinquants, de margouillats. Il y a un journal de la place qui est venu nous interroger ici. Ce jour-là, tout le monde a parlé. Mais dans sa parution, il nous a traité de tous les noms, délinquants, margouillats, escrocs et que sais-je encore ? Vous comprenez pourquoi les gens sont réticents maintenant ?" Ses explications nous ont laissés perplexes. Mais nous avons décidé de ne pas nous résigner. C’est ainsi que nous sommes repartis voir une fois de plus le responsable, Mahamadi Ilboudo.

La plupart des clients viennent des provinces

Après quelques minutes de tergiversation, il accepte enfin de répondre à nos questions. Il explique que leur tâche consiste à aider les fonctionnaires à avoir le plus rapidement possible la signature de leurs attestations dans les institutions financières. Avec ces attestations de non-engagement signées en bonne et due forme, ces fonctionnaires peuvent avoir des crédits à la Société burkinabè de crédit automobile ou à la Société burkinabè d’équipements (SBE) pour subvenir à leurs besoins, a-t-il dit. Les clients de ces "démarcheurs", généralement les fonctionnaires et particulièrement les enseignants confient leurs attestations pour signature et cela pour des raisons diverses. Selon Mahamadi Ilboudo, certains le font par manque de temps. Il explique en effet que la plupart de leurs clients viennent des provinces.

Et, ayant généralement plusieurs courses à faire en un laps de temps, ils n’ont d’autres choix que de leur confier leurs papiers pour signature. La seconde raison évoquée par le responsable des "démarcheurs" à la SOBCA est la célérité de leur travail. "Quand nous prenons un papier pour signature, le maximum de temps qu’on prendra serait une journée et le minimum, trois heures. Alors que si c’est le client lui-même, il peut faire 3 jours voire 4 avec son papier". Cette affirmation a été confirmée par Félix Koalga, enseignant à Yako, qui confie être venu donner une attestation de non-engagement pour signature à la BICIA. "Je suis venu leur remettre mon attestation afin d’éviter les nombreux rendez-vous au niveau des institutions financières. En plus, je n’ai pas assez de temps et j’ai d’autres courses à faire. Si je décide de faire signer moi-même mes papiers, je pourrai attendre 3 jours. Alors qu’avec eux, si cela a trop duré, c’est une journée".

1 000 ou 2 000 F CFA pour la signature d’un papier

La signature rapide de ces attestations est soumise à une contrepartie financière qui peut aller de 1 000 à 2 000 F CFA. Mais selon Athanase Yaogo, il arrive parfois que le client donne plus s’il est satisfait du travail. Ces revenus sont-ils suffisants pour entretenir une famille ? " Ce n’est pas suffisant mais je vis de cela ; je fais avec. Dans le mois, je peux avoir 15 à 20 attestations pour signature et si vous faites le calcul, 20 fois mille, vous trouverez que c’est une somme qui peut servir un tant soit peu à joindre les deux bouts ", a répondu Athanase Yaogo. Si ce dernier trouve un peu suffisant son revenu, ce n’est pas le cas chez Mahamadi Ilboudo qui affirme que ce qu’il fait ne peut en aucun cas lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille .

C’est pourquoi, il dit avoir "créé un atelier de soudure pour essayer de joindre les deux bouts". Les démarcheurs, dans leur boulot, rencontrent pas mal de difficultés dont la principale est leur nombre grandissant. Selon le président Mahamadi Ilboudo, ils sont plus de 80 devant la SOBCA. Toute chose qui n’est pas de nature à leur rapporter plus de gain, vu qu’il n’y a pas assez de fonctionnaires pour les satisfaire. Avant, la réception des clients se faisait de façon "sauvage", a expliqué Athanase Yaogo. En effet, selon lui, quand les démarcheurs voyaient un client, ils se ruaient sur lui, chacun voulant avoir le marché."

Cet état de fait suscite souvent de l’énervement chez le client et ne nous honore pas", a-t-il dit. Pour éviter cela, il a laissé entendre qu’ils se sont organisés en désignant un responsable qui se charge de les sensibiliser. "Actuellement, nous avons opté pour un principe. Si un client arrive, chacun reste sur place et c’est le client qui choisit la personne à confier son papier", a expliqué M. Yaogo.

La SBE ne collabore pas avec les démarcheurs

A la Société burkinabè d’équipement (SBE) non loin de la SOBCA, ce fut le même constat. Des groupes de personnes, assis sur des tables-bancs, attendent des clients. A notre arrivée, l’un d’entre eux nous accoste :" êtes-vous venus pour la signature de vos papiers ?" Après s’être imprégné de la raison de notre visite, celui-ci nous conduit vers Moumouni Soudré, leur patron. Assis sur un table-banc, bic et papiers en mains, Moumouni Soudré, patron des démarcheurs au niveau de la SBE, nous fait comprendre qu’il répondra à nos questions mais n’entrera pas dans les détails, de peur de dévoiler ses stratégies de job. Il explique que c’est ce qu’il fait depuis 15 ans, c’est-à-dire la signature des attestations avant de confier qu’il est maintenant à un stade supérieur qui est le paiement des bons . Il explique en effet que certains fonctionnaires reçoivent des bons de moto, de tôles ou de ciment. Leur volonté n’étant pas l’acquisition de ces biens d’équipements mais plutôt de l’argent, ils les lui revendent. Lui, à son tour, les revend avec bénéfice. " C’est comme cela que je travaille ici", a-t-il soutenu avant d’affirmer que ce travail seulement ne peut pas lui permettre de vivre parce qu’il peut faire un mois sans avoir de bon.

Isidore Taonsa, enseignant à Pouytenga, que nous avons trouvé sur place, confie qu’il est venu demander les services de Moumouni Soudré afin d’avoir du ciment. "Si j’arrive à avoir le ciment, je vais vendre la moitié pour résoudre des problèmes urgents et utiliser le reste pour construire ma maison", a-t-il laissé entendre. Il s’indigne, par la même occasion, contre la stratégie des démarcheurs qui "paient les articles à un prix trop bas" avant d’indiquer que face à l’urgence de leur situation, ils n’ont pas d’autres choix. L’urgence de la situation, c’est la raison avancée également par Débé Bastian, enseignant à Dédougou. "Ma femme est malade. Elle se trouve actuellement à l’hôpital. Comme je n’ai pas d’argent pour la faire soigner, je suis venu prendre un bon de moto que je vais revendre afin de pouvoir payer les ordonnances", a-t-il dit avant d’affirmer comme son prédécesseur qu’ils sont trop lésés par les démarcheurs mais ils n’ont pas le choix.

Les institutions financières connaissent-elles l’existence de ces démarcheurs ? Travaillent-ils en collaboration ? "Ma société n’est pas au courant de ces gens et nous ne collaborons pas", a répondu le Directeur général de la SBE, Grégoire Sawadogo. Il indique que le rôle de sa société qui est un établissement financier, spécialisé dans la vente à crédit et accessoirement au comptant des biens d’équipements, est de satisfaire les besoins des clients. Il affirme qu’ils ne sont pas contre le fait qu’un client, par manque de temps, envoie quelqu’un pour faire signer son attestation à sa place. Mais l’idéal, selon lui, serait que le client vienne lui-même faire signer ses papiers pour éviter les pertes de certaines données ou même des documents." Nous sommes toujours ouverts et nous sommes prêts à accompagner les clients, surtout ceux qui ne sont pas dans la capitale, à signer de façon rapide leurs documents. Pour qu’il en soit ainsi, il faut qu’ils se rendent eux-mêmes dans nos agences", a conclu le DG de la SBE.

Yannick SANKARA

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