"Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel, avec des jouets par milliers, n’oublie pas mon petit plat de benga…" Bon, je sais que ça ne rime pas, mais je pense que c’est comme ça que nombre d’enfants en Afrique, et plus précisément au Burkina, devraient chanter au fond de leur cœur. Mais encore faut-il qu’ils sachent l’existence de ce vieillard barbu et habillé en rouge. Les petits mendiants qui pullulent dans nos villes, villages et hameaux peuvent peut-être en rêver. Mais seulement en rêver. De toute façon, tout ce qui se rapporte à la culture occidentale n’est compréhensible et accessible qu’à une élite de la population, riche et dite "cultivée", qui sait ce que c’est que d’emballer des cadeaux pour les mettre dans une crèche pour qu’un enfant les retrouve le lendemain matin.
La beauté des crèches devant les concessions ou leur inexistence traduit bien cet état de fait. Cela m’amène à poser une question qui confirme mon statut de fou, mais qui ne manque pas d’intérêt : le père Noël est-il Africain ? Si on s’en tient à son chariot et ses rennes, ses bottes et sa face blanche noyée dans une immense barbe immaculée, j’en doute. Mais si on s’intéresse à sa symbolique, même s’il n’est pas Africain, il peut avoir un équivalent. Par exemple, Noël, c’est le jour où tous se partagent tout afin que tous vivent dans le bonheur, ne serait-ce que le temps d’une journée. C’est ce qu’on appelle "solidarité".
Vu sous cet angle, oui, la fête du père Noël est bien africaine. Mais est-elle effective ? Au Burkina, combien de foyers seront visités, cette année, par ce bonhomme ? Combien d’enfants souriront de joie à la vue d’un joli cadeau dans ce Burkina où la vie chère traîne ses pas arides dans les rues et les sentiers ? D’ailleurs, le meilleur des cadeaux qu’on puisse faire à un enfant, n’est-ce pas lui donner à manger ? Mais combien sont-ils à pouvoir satisfaire convenablement ce besoin vital minimal ? Et combien penseraient à leurs voisins dont la cour est silencieuse pendant qu’eux-mêmes surferont sur des vagues de joie, soulevées par la houle des décibels poussés à fond ? Notre solidarité prend de l’eau de toute part. La loi de l’individualisme exacerbé tend à être appliquée dans sa plus stricte définition. Que chacun se débrouille ! Et chacun se débrouille selon ses moyens. Pendant ce temps, des gens en profitent pour s’enrichir et cela, d’une vilaine manière.
J’ouvre cette parenthèse pour attirer l’attention des parents sur ces bonbons, biscuits et autres friandises, qu’adorent les enfants, mais qui sont en réalité de véritables poisons, avec leurs emballages souvent modifiés pour cacher les dates de péremption et leurs prix revus au plus bas. Ensuite, c’est vrai que je suis fou, mais chers parents, veillez à acheter des jouets responsables pour vos enfants. Ne leur apprenez pas à devenir violents en leur payant des fusils ou des kalachnikovs. Apprenez-leur que les dynamites et autres pétards peuvent faire du mal à autrui. Offrez-leur un ballon. Ils apprendront à devenir des Samuel Eto’o. Donnez-leur un bouquin amusant, et vous ferez d’eux des enfants studieux. Nous avons assez de problèmes comme ça pour que nos enfants en rajoutent quand ils seront grands. Je referme la parenthèse. Bonne fête de Noël à tous.
Le Fou
Le Pays
