Actualités :: La fête dans les années 60

Demain, c’est Noël ! Les enfants trépignent déjà d’impatience. Les ménagères peaufinent leur liste de condiments et de victuailles pour le réveillon et le jour de la fête. Les parents sont plongés dans les ultimes calculs : va-t-on offrir à « l’enfant sage » le jouet qu’il désire tant, mais qui coûte si cher ? Plus qu’une fête chrétienne, Noël, surtout dans les grands centres, est désormais entré dans les mœurs comme la fête des enfants et, quelle que soit sa confession religieuse ou notre bourse, l’on s’attache ce jour-là à semer la joie dans le cœur des tout-petits. Cette année, la fête succède, de quelques jours seulement à la commémoration du cinquantenaire de notre indépendance, qui a eu lieu le 11 décembre dernier. Mais, au fait, comment fêtait-on déjà Noël dans les années 60 ? Eléments de réponse.

« En Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », disait l’écrivain Amadou Hampâté Bâ. Il ne croyait pas si bien dire, car nos « anciens », nos « doyens » ou nos « aînés », comme on les appelle, de par leur vécu, sont de véritables réserves, pour ne pas dire des gisements, pour la jeune génération. A la faveur du cinquantenaire de l’accession de notre pays à l’indépendance, le 11 décembre dernier, ceux qui n’étaient pas présents à cette période, dont l’auteur de ces lignes, n’ont pas manqué de puiser dans les souvenirs des anciens pour revivre les années 60. Et puisque quelques jours seulement après c’est Noël que nous sommes appelés à fêter, il y a lieu de se demander également comment le Burkina indépendant a fêté son premier Noël le 25 décembre 1960.

Qui, de mieux que quelqu’un qui l’a vécu, pour nous l’apprendre ? Dans le ‘‘petit’’ nombre de ces heureux, nous avons eu la chance de tomber sur Koudbi Robert Kaboré, né vers 1930. Ce chauffeur des « Eaux et Forêts » à l’époque, nous a reçu sur la terrasse de son domicile de Dapoya, le mercredi 22 décembre 2010. Salutations d’usage. Eau de l’étranger. Et nous en venons au sujet. Noël 1960 ? « Oh !

C’était très bien ! On a fait la fête ! On était tellement heureux d’être indépendants aussi que ce Noël là avait une saveur particulière », s’exclame ‘‘M. Robert’’, comme on le surnomme, dont les yeux pétillants traduisent le flot de souvenirs qui lui reviennent en mémoire. Mais comment est-ce qu’on passait Noël en ces temps-là ?

Eh bien, d’abord en allant à la messe de minuit à la Cathédrale, qui commençait effectivement à l’heure dite c’est-à-dire minuit, et qu’il n’était pas question de rater, répond M. Kaboré : « Ensuite, chacun a pris la ville en main. Il y avait des animations sur plusieurs places publiques cette nuit-là. Mes potes et moi sommes allés dans un troquet nommé ‘‘Chez Etienne’’ pour trinquer et nous distraire. Le jour de Noël, certaines familles se sont rassemblées pour fêter. Chez moi, les invités, amis et parents se sont succédé toute la journée. »

La bière de Noël était… le dolo !

Le menu ? Du riz gras, du poulet et de la pintade chez Robert et chez ceux qui le pouvaient bien d’autres choses en plus comme le porc. Mais aussi du « gouda », c’est-à-dire du sorgho blanc bouilli dont on fait des boules arrosées de sauce arachide assaisonnée au « wedga » (fleur d’oseille), car il ne faut pas oublier que le riz n’était pas encore ‘‘démocratisé’’ comme il l’est aujourd’hui. Le cours du poulet en décembre 1960 ? Entre 75, 100 et 125 F (de l’époque).

Les dindes de Noël étaient-elles déjà farcies aux marrons comme c’est le cas aujourd’hui ? Notre hôte n’en sait rien puisqu’il n’avait pas de dinde à sa table à cette occasion. Il faut dire que la dinde coûtait alors entre 1500 et 3000 F. Un luxe que ne pouvait décemment pas se permettre Robert avec son salaire de chauffeur qui faisait 9000 F tout rond. Mais quel goût pouvait bien avoir la bière de Noël dans les années 60 ?

Amateurs de houblon, accrochez-vous car elle avait le goût… du mil ! En effet, c’est le dolo, la bière de mil, qui coulait à flot, à en croire M. Robert : « La bière n’était pas courante bien que la Bravolta existât déjà. C’était surtout le dolo que l’on buvait. La jarre pleine faisait 600 F (NDLR : avec un brin de remord, il souligne qu’elle vaut 10 000 F de nos jours et que le dolo est loin d’avoir son goût naturel d’antan).

Il y avait également du vin, mais il n’était pas très répandu, car il venait de l’étranger et on ne pouvait le trouver que dans les débits fréquentés par les Européens et les hauts fonctionnaires et dans certains bistrots de quartier comme ‘‘Chez Eloi’’ ou ‘‘Chez Léon’’ (pavillon vert), tous deux dans le quartier de Dapoya. » Cotonnade, saharienne et pantalon « bas 40 » étaient les tenues de fête les plus prisées. Les costumes-cravates n’étant pas à la portée de tout le monde.

Le célèbre homme à la barbe blanche et au chariot volant tiré par des rennes, le Père Noël, passait-il déjà à l’époque offrir des cadeaux aux enfants sages ? Seulement à quelques-uns, notamment ceux des milieux nantis. Il faut savoir d’ailleurs que les sapins n’étaient pas alors très en vogue : « A Noël, les enfants s’appliquaient surtout à confectionner des crèches que tout le monde passait admirer. Les architectes des plus jolies crèches recevaient souvent de petites récompenses »

En gros, 5000 F suffisaient pour faire une très belle fête, nous explique notre hôte. La popote de Noël, elle, oscillait entre 750 et 1000 F. Pour mieux nous entretenir de ce point précis, M. Kaboré entreprend de faire appel à une spécialiste, sa moitié, qu’il a épousée en 1956. « Irène ! » crie-t-il. « Toumaa ! » (expression de politesse en langue mooré réservée aux filles et aux femmes) entend-on depuis la cuisine.

La bonne dame née en 1939 s’amène mais arrivée à quelques mètres de nous, elle s’accroupit, tête baissée, en signalant en mooré à son « Zaksoba » (chef de famille) qu’elle est là. « Waow ! » lâchai-je in petto, impressionné par cette marque de respect. « Comparaison n’est pas raison et puis qu’est-ce que tu en sais de toute façon puisque tu n’es pas encore marié » me soufflai-je aussitôt après pour ne pas me laisser aller à penser aux usages des épouses de nos jours. 750 F comme popote de Noël

Revenons à nos oignons ou plutôt à nos condiments. Quelle en était la liste en 60 ? (Avis aux ménagères contemporaines aux âmes sensibles : prière de s’abstenir de lire ce qui suit)
Viande : 25F.
Pâte d’arachide : 10 F.
Tomate : 5 F.
Choux : 5 F.
Soumbala : 5 F

Le tout pour une popote de 100 F les jours ordinaires que l’on était bien obligé de multiplier par 7, voire par 8, à Noël pour pouvoir faire à manger et partager avec les voisins. On se ravitaillait au grand marché, au marché de Zogona ou dans les « yaars » qui existaient déjà comme ‘‘Sankar-Yaar’’, ‘‘Larlé-Yaar’’, ‘‘Baskuy-Yaar’’, ‘‘Gounghin Yaar’’ ou ‘‘Naab-Raaga’’. Force est de reconnaître qu’à l’époque les vivres étaient relativement bon marché. Le sac de mil de 100 kg par exemple revenait à 1000 F. Un temps que regrette notre ménagère, Irène Kaboré : « Aujourd’hui, tout est devenu cher !

L’huile coûte excessivement cher ! Ne parlons pas de la viande ou du poulet ! Même le prix de la charretée de bois a triplé. » Quoi qu’il en soit, Koudbi Robert Kaboré trouve qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre le Noël 1960 et celui de 2010, même s’il reconnaît que l’on dispose maintenant d’une variété de boissons pour festoyer : « Cette année encore, s’il plaît à Dieu, nous allons préparer du riz et de la viande ou du poulet que nous allons partager avec les voisins. On fête toujours avec ce qu’on a.

L’essentiel est qu’on soit en bonne santé. » Ce père de 9 enfants, dont 3 ne sont plus de ce monde, ne manque pas de conseiller la jeune génération à l’approche des fêtes de fin d’année : « Il faut être très prudent et surtout consommer l’alcool avec modération. On n’est pas non plus obligé de faire de la vitesse sur la route. Il faut savoir que lorsqu’on dit qu’une fête a été belle, c’est d’abord qu’on est encore là pour en parler. Alors, faisons en sorte de préserver notre santé. » .

Hyacinthe Sanou

L’Observateur paalga

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