Actualités :: Laya Sawadogo, MESSRS : "La gestion des bourses est transparente"
Laya Sawadogo

Le ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique est considéré, à tort ou à raison, comme l’un des plus difficiles à gérer.

Le Professeur Laya Sawadogo a-t-il trouvé le remède miracle qui lui permet de diriger sans trop de vagues, ce département ?

Dans l’entretien qui suit, son mode opératoire transparaît, fait de dialogue et d’ouverture d’espprit.

Le Pays : Il est question d’ouvrir une nouvelle université à Koudougou. A quoi répond cette décentralisation et à quel stade des préparatifs êtes-vous ?

Laya Sawadogo : L’ouverture de l’université de Koudougou fait partie du processus de décentralisation. Même si au niveau du ministère chargé de l’administration du territoire on est à revoir les TOD pour les réadapter correctement, l’idée de base demeure : c’est qu’il faut décentraliser. Pour nous, cela procède, dans un premier temps, d’une évidence. Ouagadougou commence à avoir des difficultés à abriter tous ces jeunes qui veulent légitimement aller à l’enseignement supérieur. Les infrastructures ne sont pas toujours adaptées ou suffisantes pour accueillir les étudiants. La décentralisation, c’est aussi le fait d’approcher l’instrument de formation des populations.

Mais décentraliser a un coût. Pour l’instant, nous commençons par le plus simple, à savoir Koudougou, où existe déjà un embryon d’enseignement supérieur, l’ENSK. A l’heure actuelle, les équipes de réflexion s’attellent à faire des propositions au gouvernement dans le cadre de cette ouverture qui peut avoir lieu cette année ou à la rentrée 2005. Car je ne peux pas vous dire quels sont les arguments financiers qui pourront éventuellement bloquer la rentrée cette année. Dans notre perspective, en tout cas, nous pensons que l’ouverture devrait être possible cette année.

Pour le cas de Ouahigouya, comment se présente la situation ?

En réalité les gens aiment bien faire des réductions. Il n’est pas question de Ouahigouya et de Koudougou, mais de décentraliser. Ce qui signifie que toutes les 13 régions sont concernées. Il n’est pas utopique de vouloir une université dans chaque région. Par exemple, nous comptons transférer à Ziniaré, dans le Plateau central, l’Institut burkinabè des arts et des métiers (IBAM). A Fada, nous envisageons la création d’un centre d’enseignement supérieur en agriculture et en production animale, à Ouahigouya, un centre d’enseignement supérieur en commerce international et économie. Nous envisageons l’élargissement du pôle Ouest avec la création d’autres types d’UFR au niveau de l’Université polytechnique de Bobo-Dioulasso. Autant de projets qui sont dans notre tableau de bord et dont on apprécie la faisabilité.

L’idée est-elle de créer des filières de spécialisation par région ou alors de procéder à une décentralisation globale de l’université de Ouaga ?

La décentralisation de toutes les filières est tout à fait faisable. Pour l’instant, il est évident qu’on ne peut pas créer une université entière clés en main. On commence toujours par un embryon qui a vocation à croître.

A long terme, comment voyez-vous la concrétisation du processus de décentralisation de l’enseignement supérieur ?

A long terme, il faut doter le Burkina d’autant d’outils performants pour former la jeunesse à la qualité et à l’excellence.

Les partenaires de l’éducation sont-ils associés au processus en cours ?

A quel moment les gens sont -ils associés ou pas à ceci ou cela ? En république, des organes de consultation existent. Dans le cas précis de l’éducation, l’Assemblée nationale est partie prenante de cette décentralisation. Ensuite, le gouvernement prend les décisions exécutoires et les met en oeuvre. Parmi les organes intérieurs de consultations du ministère, il y a le Conseil supérieur de l’éducation qui n’a jamais pu fonctionner à la satisfaction ni du législateur ni du gouvernement .

A l’heure actuelle, les seuls organes de concertation dans le cas précis, c’est d’abord les professionnels de l’éducation, à savoir les universitaires. Le premier niveau de la concertation consiste à réunir les universitaires de tous les horizons. D’ailleurs, je vous rappelle qu’une grande réunion s’est tenue à Koudougou avec les députés, les opérateurs économiques et la société civile pour examiner la perspective de la création de l’université.

Quelles sont les mesures prises pour assurer une transparence dans la gestion des bourses ?

La question de la gestion des bourses, on n’en parlera jamais assez tout comme il le sera de toute gestion financière. A ce que je sache, la gestion des bourses ne pose pas de problème quant à la transparence. La commission nationale de bourse a été redimensionnée. Le gouvernement a pris la décision , deuxièmement, d’enlever la gestion des bourses au ministère sectoriel qu’est le METSS pour la placer sous régie au niveau du ministère des Finances. A partir de ce moment, je ne pense pas qu’il y ait des arguments sérieux qui pourraient évoquer des malversations ou une gestion fumeuse de ces bourses. La commission se réunit avec les gestionnaires de la régie des bourses. Et lorsque la commission délibère et que la liste intégrale des attributaires de bourses est arrêtée, c’est en leur présence. Les régisseurs des bourses repartent au Trésor public avec ces listes.

En plus, les étudiants sont membres de la commission dont ils suivent de bout en bout l’ensemble des mécanismes d’attribution. A partir de ce moment, continuer à parler de gestion opaque des bourses, c’est faire des procès d’intention et pas autre chose. Le ministère des Enseignements ne gère pas. Il délibère ; ceux qui gèrent et qui sont présents emportent les listes, la Régie paie les bourses. Ce régisseur dépend du ministère des Finances et non de celui des Enseignements. Depuis les trois, quatre ans, l’effort maximum que j’ai déployé, c’est d’arriver à confier cette gestion au comptable des sous de l’Etat, c’est-à-dire au ministère des Finances.

A votre avis, le système fonctionne-t-il comme il se doit ?

Jusqu’à présent, je n’ai pas vu de défaillance même si certains arrêtés, pour des raisons de lenteur administrative, ne nous ont pas été encore retransmis par le ministère des Finances. Mais en aucun cas ces lenteurs ne traduisent une opacité. Je mets au défi quiconque de me dire que tel aspect du système des bourses est défaillant. Si on me le dit, je suis prêt à réagir.

D’autres mécanismes d’aide aux étudiants existent à travers le FONER. Qu’en est-il à ce niveau ?

C’est vrai que le mécanisme principal d’accompagnement des étudiants, en dehors de l’attribution de la bourse c’est, depuis quelques années, l’aide ou le prêt. Il faut savoir ce que c’est que le FONER. Le Fonds national pour l’éducation et la recherche n’est pas un organe uniquement à vocation de prêt ou d’aide. Il ne s’agit qu’une dimension de l’activité de ce fonds. Il faut que cela soit clair. Il n’est pas possible de ramener le FONER à la seule fonction de donner l’aide et le prêt. L’aide est attribuée chaque année. Le Comité exécutif se réunit, reprend l’ensemble des dossiers de demande, les examine un à un, en établit la liste des bénéficiaires, en présence du ministère des Finances. Celui-ci emporte les listes et les transfère au Trésor qui donne l’aide ou le prêt.

La question de la transparence ne se pose donc pas. Mais j’estime que l’aide ne peut pas continuer indéfiniment. Elle apparaît plutôt comme une dimension de la bourse. J’envisage, de ce fait, de demander une révision de cette aide pour la réaligner sur la bourse. A ce moment, un étudiant peut bénéficier de partie ou de la totalité de la bourse selon des critères à définir.

Ceci dit, ce volet aide et prêt n’est qu’une activité du FONER. Sinon le Fonds, par vocation, appuie le système éducatif en accordant des subventions, des prêts et des appuis à des personnes physiques et morales. Le FONER intervient aussi dans la réfection urgente de certaines infrastructures détériorées en cours d’année, c’est-à-dire hors budget de l’Etat. Quand un chercheur se trouve face à des difficultés dans le cadre de ses recherches, il se tourne vers le FONER. Toutes ces requêtes sont soumises au comité exécutif qui examine et donne son avis au ministère de tutelle qui décide. Voilà en fait la vocation du FONER. Ramener le FONER au seul guichet de l’aide et du prêt est très réducteur.

Votre département va bientôt procéder au recrutement de 200 élèves-professeurs de matières scientifiques. N’est-ce pas une goutte d’eau dans la mer ?

Vous êtes sévère parce que vous avez besoin d’enseignants tout de suite. Vous êtes à l’image de tous les Burkinabè moyens. En matière d’enseignement, on ne peut pas avoir tout et tout de suite. Il faut du temps. Le déficit ne date pas d’aujourd’hui. Pour l’endiguer, il faut des moyens stables qui fonctionnent dans la durée. Cette année, nous ouvrons un cycle de formation des professeurs de CEG. Que nous prenions dans un premier temps 200 élèves, c’est seulement une question d’objectivité de l’encadrement. Ce déficit touche aussi l’enseignement supérieur. A supposer que l’Etat recrute plus d’élèves-professeurs ; comment les encadrer sans un nombre suffisant d’enseignants ? Nous allons voir, dans la formation qui dure deux ans, quelles sont les contraintes qui limitent l’élargissement de l’effectif.

Le déficit actuel est d’environ 1150 professeurs. Mais aucun pays dans le monde n’a 100% de ses enseignants. Au niveau de notre département, je crois que partir de 200 élèves-professeurs est très raisonnable, sans oublier que l’ENSK continue à former. Normalement, à ce rythme de 200, nous aurons comblé le déficit en cinq promotions.

Ce type de formation ne va-t-il pas contribuer à baisser davantage la qualité de l’enseignement ?

Dans quel pays du monde a-t-on formé un professeur de CEG au delà de Bac +2 ? Seul au Burkina cela a été fait, sans que je ne critique d’ailleurs ceux qui l’ont proposé. Mais quand j’observe l’ensemble des écoles normales supérieures du système francophone, le professeur de CEG est formé Bac+ 2 ans . Je le dis d’autant plus aisément que j’ai moi-même fait ce CAP CEG. La qualité et la compétitivité seront au standard international. Au plan académique, la formation sera de qualité, compétitive et performante.

Ce cycle de formation a-t-il une vocation sous-régionale ?

La notion de l’intégration commande que nos formations soient ouvertes à des ressortissants d’autres pays.

Sur le plan national, des inscriptions privées seront-elles autorisées ?

Pour l’instant, cette disposition n’a pas été prise en compte au motif que nous sommes d’abord préoccupés à endiguer le déficit de l’Etat. Nous ne sommes pas opposés à recevoir des privés. Il faut cependant savoir que lorsque les promotions sortiront, les professeurs ne seront pas automatiquement des fonctionnaires . Le statut de fonctionnaire est acquis à partir de postes ouverts par l’Etat qui fixe les conditions de recrutement.

Votre département a-t-il la capacité de suivre convenablement l’ouverture et la gestion des établissements privés ?

C’est vrai, il y a comme une sorte d’obscurité dans la gestion de l’enseignement secondaire et supérieur privé. Ce sont des problèmes que l’Etat doit résoudre en prenant des dispositions fiables de contrôle. Il n’est pas rare, malheureusement, de trouver des établissements ouverts sans autorisation.

Voulez-vous dire des écoles pirates ?

Tout à fait. Dans ce cas là nous procédons à la fermeture s’il n’ y a pas de difficulté particulière. Parce que le drame, c’est que ceux qui ouvrent sans autorisation, prennent tout le monde en otage. Une sanction négative pénalise, au-delà de l’auteur du délit, les élèves, les parents et tout le système. Souvent, lorsque nous constatons que le mal est fait, nous mettons la pression pour que le fondateur se mette en règle . C’est la seule solution qui permet de ne pas pénaliser les enfants. Evidemment, ce n’est pas une solution de choix. Souhaitons que tout le monde s’aligne au cahier des charges et que chacun accepte civiquement de le respecter. A l’heure actuelle, le cahier des charges existe. Mais j’ai demandé qu’une convention claire à l’instar de celle signée avec l’épiscopat soit prise avec le secteur privé.

En ce qui concerne la qualité de l’enseignement dans les établissements privés, les normes sont-elles respectées ?

L’Etat lui-même a un déficit important dans ses propres établissements. De quoi me traiterez-vous si je ferme un établissement au motif qu’il n’a pas les enseignants en nombre suffisant ? On ne peut pas être plus royaliste que le roi. L’Etat doit donc s’empêcher d’interdire totalement l’activité du privé. Je suppose que si le privé n’a pas assez d’enseignants, c’est que le pays n’en dispose pas en nombre et en qualité suffisants. J’essaie d’allier la nécessité de l’intervention du privé dans le système éducatif et celle du contrôle du système d’enseignement. Cela va de la conscience professionnelle de l’enseignant à celle du fondateur. C’est vrai que certains établissements apparaissent plus comme des officines commerciales que des structures vouées à l’éducation. Nous en sommes conscients et nous cherchons la médication qui convient.

Les résultats obtenus cette année dans l’enseignement secondaire et supérieur sont-ils à la hauteur de vos attentes ?

Les résultats dans le secondaire sont croissants depuis trois ans d’environ 1% par an. On pourrait dire que c’est peu. Cette année, le taux de succès au BEPC était de l’ordre de 46,64% et de 32% au Bac.

Des résultats insuffisants ...

Très insuffisants. Mais cela est une conséquence du déficit en infrastructures et en enseignants. Dans les classes de seconde, par exemple, nous avons rarement moins de 80 élèves. Un enseignant ne peut pas suivre autant d’élèves avec la même qualité.

Quel est votre état d’esprit à quelques semaines de la rentrée des classes ?

Ce n’est pas un orgueil de le dire. Au ministère des Enseignements, il n’ y a pas de vacances. La logique est que l’on ne s’arrête pas. Dès la fin du mois de juillet, quand le baccalauréat est terminé, nous sommes à pied d’oeuvre pour préparer la rentrée. Il faut que la commission des bourses se réunisse, que les élèves et étudiants soient orientés, que les professeurs soient affectés, etc. Toute cette machine est mise en branle dès août pour que dès le mois de septembre, l’ensemble des éléments nécessaires au bon fonctionnement de l’école soit en place. A l’heure actuelle, je suis satisfait de la préparation. J’ai un seul souci, c’est le recrutement des 200 élèves-professeurs à former dont le concours risque de se situer dans la première quinzaine de septembre.

Depuis quelques années, le système d’enseignement secondaire et universitaire connaît une accalmie. Etes-vous à ce titre un ministre heureux ?

On ne peut évoquer un bonheur que lorsqu’on arrive à un résultat final. Tant que je serai à ce poste, pour moi, le travail continue. Même le bien doit s’améliorer. Je suis heureux d’être là pour mettre en oeuvre le programme du chef du gouvernement axé sur le combat. C’est un programme long à affiner et nous nous attelons, chaque jour que Dieu crée, à pouvoir dire : "On a fait mieux qu’hier". Je pense que dire à ce moment qu’on est heureux est une dimension du bonheur accessible.

De ce côté, je suis relativement satisfait parce que l’année n’a pas été perturbée au-delà de ce qu’elle peut être. Les examens ont pu se dérouler même s’il y a eu des fraudes au BEPC. Je pense que tout cela participe à cette notion de bonheur. Je suis un ministre serein. La paix sociale n’est jamais définitivement acquise comme toute chose dans la vie. Je souhaite que le gouvernement puisse continuer à entretenir assez soigneusement cette paix sociale pour qu’elle soit acquise dans la durée.

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE
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