Actualités :: ENFANT "DE" LA RUE : « Je n’ai jamais connu mon père, ni ma mère ! (...)

Inoussa Kaboré, 13 ans, était tellement choqué par l’attitude de ses parents qu’il n’a pu s’empêcher de pleurer. Notre reporter l’a rencontré dans une rue de Bobo. Entre deux sanglots, il a raconté son histoire, avec des mots souvent hachés et teintés d’une grande tristesse. Le petit Inoussa n’a jamais connu son père. Sa mère non plus. Il a voulu gravir les échelons de l’école pour devenir, lui-aussi, un jour, « grand quelqu’un » dans ce pays. Mais son rêve s’est brisé à vive allure. Inoussa s’est retrouvé dans la rue, à la recherche de sa pitance quotidienne.

Comme lui, de nombreux enfants ne savent plus à qui se confier. Chaque jour, ils ploient sous le lourd fardeau de la misère et de la maltraitance.
Dieu seul sait combien ils en souffrent. Et Dieu seul sait combien d’entre eux, rongés par le désespoir, finissent par s’éteindre dans un coin de la rue… loin de leurs parents. Pourtant, ils n’ont pas demandé à
venir au monde. Mais ceux qui les ont mis au monde les ont abandonnés. D’autres sont morts, laissant leurs progénitures au ban de la société. Et cette société, notre humanité, les observe sans souvent rien
faire pour les sortir de cette galère.

Comment aurions-nous pu rester silencieux face à ce drame silencieux ?
Le dossier que nous vous offrons dans ce numéro, est assez exceptionnel. Il ne comporte qu’un article principal. Mais il est plein de sens. Souvent, il n’est point besoin de beaucoup écrire pour tirer la sonnette d’alarme. Nous espérons avoir été compris. En décidant de crever l’abcès, nous espérons que la société, notre société humaine, se réveillera enfin ! Et qu’une lueur d’espoir jaillira dans les ténèbres où, bien souvent, la plupart des enfants « de » la rue finissent leur journée, souvent affamés, souvent malades,
souvent blessés dans leur amour propre, souvent plongés dans des souvenirs terrifiants… Où est passée la ministre de l’Action sociale et de la Solidarité nationale ? Ces enfants vous regardent, madame le
ministre ! Leurs yeux sont fixés sur vous depuis longtemps. Mais aussi sur les autres citoyens, trop souvent plongés dans un silence incompréhensible. Et si, enfin, on se résolvait à faire en sorte qu’aucun
enfant burkinabè ne se retrouve sans repère dans la rue ? Nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, responsable de cette situation. C’est pourquoi, depuis le 1er novembre 2009, nous avons décidé de
lancer cette campagne en faveur des droits des enfants. La première tranche durera six mois. Nous seront à leurs côtés. Espérant que, par notre action commune, nous contribuerons à redonner espoir à ces
tout-petits. Au nom du droit à la vie. Au nom des droits humains…

Hervé TAOKO


ENFANTS « DE » LA RUE : Ces parias des temps modernes

Ils ne sont pas nés dans la rue. Ce n’est pas non plus la rue qui les a propulsés au monde de ses entrailles. Mais on les appelle « enfants de la rue ». Ils arpentent à longueur de journée, sébile en bandoulière, rues, ruelles et autres couloirs des villes et de certains villages, à la recherche de leur pitance quotidienne. A Bobo-Dioulasso, le phénomène est réel. Les techniciens parlent même « d’amplification » au fil des ans… malgré toutes les stratégies déployées pour l’éradiquer ou, à tout le moins, freiner son élan. Comment tant d’enfants en viennent-ils à se retrouver dans les marges de leur société ? Comment meublent-ils leur nouvelle option de vie ? Où passent-ils leurs nuits dans la ville ? Nous avons suivi quelques uns dans leurs pérégrinations, diurnes comme nocturnes, dans
les artères de la cité de Sya. Reportage

La boîte rouge de tomate est devenue pratiquement leur identifiant. Ils sont présents dans tous les compartiments de la ville. Au marché, devant les banques, au restaurant, aux feux tricolores, aux kiosques, aux portes des domiciles privés, toujours promptes à tendre la sébile ou à réciter des versets coraniques pour espérer la générosité d’autrui. Ils sont de tous les âges ; ils viennent de partout ; les plus jeunes ont souvent entre 4 et 6 ans ; des filles en font partie, même si c’est dans des proportions très
marginales. Le plus souvent, elles sont dans des réseaux de prostitution. La problématique des enfants de la rue encore appelés « Garibouts », après avoir occupé la « une » de l’actualité à un moment donné, semble rangée aux oubliettes. Toutes sortes de stratégies ont été imaginées pour faire face à leur montée fulgurante sur la scène sociale. Puis, de plus en plus, c’est le silence radio ! On n’en parle plus ; le sujet ne paraît plus à la mode. Est-ce pour autant que le phénomène a disparu ? « Assurément non. Bien au contraire », répond, catégorique, un travailleur de l’Action sociale. A Bobo-Dioulasso, les techniciens sont unanimes pour dire que le phénomène est plus que jamais préoccupant. L’Action éducative en
milieu ouvert (AEMO) fait partie des acteurs intervenant dans le domaine. Selon les responsables de cette structure, on dénombre environ 1400 enfants de la rue dans la ville.

Et le phénomène va grandissant. Des équipes effectuent périodiquement des sorties dites de repérage sur des « sites dortoirs » où, la nuit tombée, ces « globe-trotters », après avoir parcouru la ville dans tous les sens la journée, se retrouvent pour dormir. La gare de SOGEBAF, le rond-point de la Femme, la gare de Sitarail, sont les plus célèbres de ces sites à Bobo. Sans oublier certains quartiers périphériques comme Lafiabougou et le
secteur 24. En arrivant sur ces lieux très tard dans la nuit, c’est avec beaucoup d’amertume que l’on peut observer le martyr de ces oubliés de la société moderne. Recroquevillés au pied d’un mur, grelotant de
froid en ce mois de décembre. Ousmane Drabo (18 ans) dit avoir été abandonné par son grand frère au niveau du rond-point de la Femme de Bobo-Dioulasso, voilà aujourd’hui 4 ans. Venu d’Abidjan, en
compagnie de son aîné, à destination de Ouagadougou, à l’étape de Bobo-Dioulasso, l’argent ne suffisait plus pour payer le transport des deux.

Son grand frère lui aurait demandé de rester en ce lieu pour
l’attendre, le temps qu’il aille s’inscrire à l’école de police à Ouagadougou et revenir le chercher dès que possible. Depuis lors, il n’a pas eu de nouvelles de ce dernier. C’est ainsi qu’il est resté en rade au
rond-point, devenu sa demeure. Et il se débrouille comme il peut pour survivre. Quant à Abdou, lui aussi âgé de 18 ans, il dit être venu de Nouna ; il était allé voir des parents dans le village de Wara, à quelques
encablures de Bobo-Dioulasso. C’est de retour de là que des voleurs l’auraient dépouillé de son argent ; il s’est retrouvé sans moyens pour poursuivre sa route. Cela a duré plusieurs mois ; aujourd’hui, son rêve,
c’est de partir au Mali où il y a un prêcheur musulman auprès de qui il compte aller se former.

Dur, dur de redonner de l’espoir !

Agé de 13 ans, Inoussa Kaboré, lui, a une histoire pathétique. Entre deux sanglots, il raconte son parcours de son Manga natal à la cité de Sya. Il dit n’avoir jamais vu ni son père ni sa mère. Les deux se seraient séparés suite à une dispute. Son père, lui aurait-on dit, serait en Côte d’Ivoire. Sa mère est, elle, portée disparue. Il a donc grandi chez sa tante paternelle à Manga. A l’âge de 7 ans, c’est suite à ses pleurs avec insistance qu’on accepte de l’inscrire à l’école comme son cousin ayant le même âge que lui. Une fois en classe de CM2, au moment où il préparait son examen de CEPE et d’entrée en 6e, on l’obligera à abandonner les classes pour s’occuper de travaux domestiques. Ses pleurs et ses supplications
pour qu’on lui permettre de poursuivre ses études n’y ont rien fait. On refusa de lui payer les droits d’examen et il fut contraint de quitter les classes. Révolté, il décide de quitter ses tuteurs pour se retrouver dans un premier temps à Ouagadougou.

Il se débrouille pour survivre en vendant des kleenex. Après quelques mois passés à Ouaga, il décide de mettre le cap sur Bobo-Dioulasso où serait un de ses oncles. Il débarque donc un matin à Sya, à bord d’un camion Benz. A son arrivée, il ne parviendra pas à retrouver son oncle. Ne connaissant personne d’autre, la rue sera son seul recours. C’est ainsi qu’il rencontrera d’autres enfants de son âge qui deviendront ses compagnons. Avec eux, il parcourt les rues de Bobo du lever au coucher du soleil pour avoir sa pitance. Aujourd’hui, Inoussa n’a qu’une seule
prière : pouvoir renouer avec le chemin de l’école et éventuellement retrouver un jour ses géniteurs dont il a trop souffert de l’absence.
La pauvreté généralisée qui fait que de nombreuses familles n’arrivent pas à prendre en charge véritablement leurs enfants, est présentée comme la principale cause du phénomène. L’école coranique en est une autre. Elle serait le premier pourvoyeur d’enfants dans la rue. Selon certaines statistiques, plus de 40% de ces enfants proviennent de ces écoles. La maltraitance des enfants, le « confiage » fait pour un parent de confier son enfant à un ami ou un membre de sa famille- les conflits conjugaux, sont autant de causes à la base des départs des enfants de leurs familles.

Dans certains cas, explique le premier responsable de l’AEMO, la surprotection, c’est-à-dire le fait de soumettre l’enfant à un régime de
surveillance trop rigoureux, peut le conduire à se révolter et décider de conquérir sa liberté en allant dans la rue. Dans leur combat pour redonner de l’espoir à ces enfants en difficulté, les responsables de l’AEMO se butent à diverses difficultés. Au nombre de celles-ci, l’incompréhension de leur démarche par les populations qui voient souvent en eux, des « complices de délinquants ». Il y a aussi un manque criard de moyens, notamment logistiques, pour mener à bien leur mission. A cela s’ajoute des difficultés d’ordre financier caractérisées par une rareté des subventions, condamnant la structure à végéter dans un
dénuement total. Toute chose qui ne peut permettre d’atteindre des résultats probants dans un domaine nécessitant un travail continu et de longue haleine pour avoir un impact véritable. Malheureusement,
« dans notre pays, le social n’est pas une priorité. On a tendance à le reléguer au second plan », déplore M. Sako de l’AEMO. Or, « le social est, dit-il, la base de toute chose. Le fondement de toute société,
c’est la sécurisation des groupes vulnérables. Sinon, le reste de la société ne peut prétendre à une tranquillité ni à une sérénité pour organiser son développement ».

Par Abraham TOURE

Le Reporter

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