Elle s’appelle Korotimi Traoré. Agée d’environ 65 ans, elle est depuis le 06 février dernier placée en garde à vue dans les locaux de la section de recherche de la gendarmerie de Bobo-Dioulasso. Exciseuse de profession, cette sexagénaire s’est encore rendue coupable d’ablation de clitoris dans la ville de Bobo.C’était le jeudi 29 janvier dans la matinée au secteur 11, Colma.
« Je crois que, maintenant, je vais arrêter. Je ne voudrais plus qu’on vienne à moi me demander d’exciser. Quiconque le fera, je n’hésiterai pas à le dénoncer à la police ou à la gendarmerie. J’en ai vraiment marre. Pour moi, c’est fini. Plus question d’exciser ». Ainsi s’exprimait Korotimi Traoré lorsque nous l’avons approchée pour en savoir davantage sur les motivations réelles de son acte.
Mais Korotimi Ouattara était loin de convaincre ses interlocuteurs du jour, eux qui disposaient déjà d’une pile d’informations sur cette exciseuse, qui n’est, en réalité, qu’une professionnelle en la matière, une récidiviste notoire qui a déjà séjourné, et à deux reprises, à la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso pour le même délit. Condamnée une première fois à un an de prison et une seconde fois en 2004 à trois ans quatre mois, Korotimi Traoré traîne derrière elle 30 années de « métier ». Ses victimes se comptent par dizaines, et rien ne semble la dissuader.
Ce qui est sûr, elle va encore retourner en prison pour s’être rendue coupable d’excision, une pratique néfaste qui fait l’objet, depuis des années, de toutes sortes de campagnes d’information et de sensibilisation afin d’amener ces vielles dames aux mains tâchées de sang à arrêter l’hémorragie. Mais Korotimi Traoré semble ne pas se sentir concernée par ces messages.
Le 29 janvier dernier à Colma, quatre fillettes, dont l’âge varie entre 2 mois et 5 ans, ont subi l’une des pires détresses de leur existence : l’ablation de leur clitoris dans des conditions inhumaines dont Dame Korotimi Traoré a le secret. Informée de la situation, la section de recherche de la gendarmerie s’est rendue sur les lieux. Les enquêtes menées à ce sujet ont d’abord permis de mettre la main sur des complices, c’est-à-dire les parents des victimes et les deux dames qui ont apporté leur appui à l’exciseuse, en immobilisant les fillettes pendant l’opération.
Le 1er février déjà, 5 personnes étaient déférées à Bolomakoté dans le cadre de cette affaire. Un sixième inculpé, qui n’est autre que le propriétaire de la cour où l’opération a été menée, en toute discrétion, sera déféré à son tour. Korotimi Traoré, qui était jusque-là introuvable, sera finalement appréhendée le 06 février dernier.
A la section de recherche, où elle est placée en garde à vue, cette exciseuse a déclaré avoir perçu 6000 F dans cette opération, soit 1500 F par enfant excisée. Même si elle semblait regretter son acte, cette vielle dame est encore loin de convaincre de sa volonté d’abandonner l’excision pour, dit-elle, « se consacrer au petit commerce dans son quartier ».
Jonas Apollinaire Kaboré
L’Observateur Paalga
