Actualités :: Enseignement de base au Burkina Faso : Une vocation en perte de (...)

Plus de 30 000 enseignants se sont engagés à dispenser le savoir aux enfants burkinabè et à participer de ce fait, à la formation de l’élite de demain. Chercheurs d’emploi ou “personnes infectées par le virus du sacerdoce” ? Là-dessus, les avis sont partagés.

Le petit a juste 10 ans, Elève à Tanghin-Dassouri, souhaite devenir “maître”. De témoignages d’enseignants, il ressort que cette réponse n’est plus très fréquente à la traditionnelle question de rédaction qu’est la suivante : “Quelle profession souhaitez-vous exercer plus tard ? “. Est-ce à dire que la vocation d’enseignant se meurt au Faso ? “Je suis d’accord qu’il y a problème aujourd’hui en ce qui concerne la vocation”, a indiqué la directrice des innovations pédagogiques, Bernadette Sanou. Pour elle, les jeunes sont à la recherche d’emploi sans forcément avoir des préférences. “On le prend où il se trouve pourvu qu’il assure un gagne-pain”. Mais Mme Sanou se veut être conciliante.

“Je ne pense pas qu’il manque la vocation, car une fois en classe, les enseignants font de leur mieux”. Elle reconnaît que d’aucuns ne font aucun effort particulier, ne serait-ce que pour leur propre promotion. Ils perdent de vue leur autosatisfaction. Ils s’accrochent au subterfuge et oublient leur personne, leur carrière. Or, la vocation, selon Mme Sanou, est un élan personnel à accomplir une tâche, un désir qui va au-delà du devoir. Et “dans les métiers, c’est en forgeant qu’on devient forgeron”, on entreprend quelque chose, on y prend goût et on a un intérêt particulier pour la chose”.

M. Nacoulma, inspecteur de l’enseignement primaire, totalise 38 ans de service dont 12 en classe. “Je ne suis pas sûr que j’avais la vocation au début de ma carrière. Mais deux ans dans l’enseignement après, j’ai fini par me convaincre que c’est là que j’allais faire ma vie”, a-t-il indiqué. Pour lui, les jeudis et dimanches (jours sans classe) paraissaient très longs, tant les enfants lui manquaient. M. Nacoulma affirme qu’avec le temps et la pratique, la vocation finit par s’imposer. “C’est scientifiquement prouvé”, soutient-il.

A son sens, tant qu’on est au stade de l’obligation, on n’a pas encore la vocation. Il faut accepter la profession avec ses avantages et ses inconvénients, s’y attacher et s’épanouir. L’octogénaire Kuiliga Richard Compaoré est, sans doute, un exemple de cette démonstration scientifique. Ayant perdu son père alors qu’il était en classe de seconde, le jeune lycéen a dû interrompre ses études pour se prendre en charge. Sans hésiter, il “embrasse” une carrière d’enseignant. Cependant, il dit avoir épousé ce métier dès lors qu’il a compris que l’enseignement valait son pesant d’or. “J’ai cherché à mieux comprendre ce que renferme mon rôle d’éducateur”, a-t-il indiqué, avant d’ajouter : “Dès que j’ai découvert que c’était un sacerdoce, je m’y consacrais entièrement bien que j’eusse un salaire mensuel de 24 000 F CFA”.

La vie étant devenue dure, les besoins multiples et l’homme lui-même instable, il n’est pas étonnant, selon M. Compaoré, de voir des enseignants fouler au pied la vocation.
L’inspecteur-chef de la circonscription d’éducation de base de Dapelogo, embouche la même trompette. Devenu enseignant par la force des choses, il avoue être fier aujourd’hui de son “boulot”. Ce sentiment n’est pas partagé par ceux qui affirment exercer à défaut de mieux. C’est le cas de Léopold Tougma, instituteur.

Une question de génération ?

Combien sont-ils, comme M. Tougma, à s’engager chaque année, dans l’enseignement par dépit ? Le secrétaire général du Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SNEA-B), Jean Kafando, confirme : “Beaucoup viennent parce que durement frappés par le chômage”. En témoigne selon lui, le nombre impressionnant de diplômés du supérieur qui se rabattent sur les concours niveau BEPC comme celui des instituteurs. Dans ces conditions, “on peut dire que la vocation n’est plus le premier souci du chercheur d’emploi”.

La plupart des intervenants déclarent que les premiers enseignants étaient mus par la vocation. Ils exécutaient leur tâche avec conscience et amour. Des acteurs du domaine pensent que la génération actuelle ne fait pas de l’enseignement, un sacerdoce. Le chef de la circonscription de Dapelogo, Blaise Nacoulma, relève d’ailleurs, que le petit monde qui y vient par vocation finit par la perdre, surtout quand les enseignants se comparent aux travailleurs d’autres secteurs, socialement et matériellement mieux pourvus : “Ils se découragent et baissent les bras”.

Nous avons connu des maîtres qui ne font rien en classe et des encadreurs à l’image des enseignants, a indiqué l’inspecteur Nacoulma chef du service (...)
N’ayant pas la capacité de les encadrer, il les rudoie. Ainsi, le travail en prend un coup.

Les enfants désapprennent et ce sont des promotions perdues. M. l’inspecteur trouve qu’avec cette race d’enseignants “on n’y peut rien ; même les données de la science risquent d’être faussées car ils ne font rien pour s’adapter”.
Cependant, l’inspecteur reconnaît que l’abus peut faire perdre la vocation. “Si tout est fait pour brimer un individu, pour rendre négatifs les actes qu’il accomplit de bonne foi, il finit par baisser les bras”, avertit-il.

Pour Mme la directrice des innovations pédagogiques, Bernadette Sanou, il faut replacer les choses dans leur contexte. Jadis, il n’y avait pas autant d’emplois valorisés qu’aujourd’hui. “La personne qui dispensait le savoir était très bien vue dans le contexte socioculturel de l’époque”, a-t-elle signifié. Cette marque de considération, selon Mme Sanou, était source de motivation. Ces enseignants avaient donc le cœur à l’ouvrage et le rendement s’en ressentait. En plus, a-t-elle précisé, les conditions socioculturelles et matérielles diffèrent des réalités d’aujourd’hui.

Et Mme Sanou d’ajouter que l’école n’est plus la seule référence aujourd’hui et les élèves ne sont pas toujours très motivés. “Je ne souhaite pas qu’on incrimine les enseignants, il faut juger en fonction de l’environnement”. Les enseignants eux, ne se sentent pas les seuls responsables de la baisse de la qualité s’il y en a. Ils accusent la formation, les effectifs pléthoriques, le matériel pédagogique, les méthodes d’enseignement…
L’argumentaire de certains parents se fonde sur les comportements déviants des enseignants : vols, viols, tricherie....
Selon Mme Sanou, la loi du silence a prévalu pendant longtemps dans ce milieu ; ce qui n’exclut pas que ces déviances existaient. “Aujourd’hui, on a le droit et le devoir de tout dire, la bouche s’est ouverte et les langues se sont déliées. Mais, “les brebis galeuses” ne sauraient servir de modèles pour juger toute une corporation.

Assétou BADOH

Sidwaya

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