Actualités :: Baptême de rues à Ouagadougou : Un monstre incontrôlable

Depuis un certain temps, le maire de la capitale, Simon Compaoré, s’emploie activement à donner un visage, une âme, c’est-à-dire un nom à nos rues. Il baptise et débaptise les rues, les avenues et les boulevards de sa ville. Volonté d’africanisation, voire de "burkinabisation", tout un chacun est fier de voir son nom, celui de son père, de sa mère, ou de son oncle, etc., immortalisé par une rue, un monument ou autre.

Quoi de plus normal que de donner le nom des rues et autres monuments à des Burkinabè qui se sont fait remarquer sur le front de la construction nationale. En outre, il est logique et bon que les rues portent le nom de héros nationaux plutôt que celui d’illustres colonialistes et tortionnaires comme Voulet et Chanoine et autres capitaine Destenave.

Mais voilà, à l’allure où vont les choses, à la lumière des critiques que l’on entend par-ci, par-là, n’y a-t-il pas lieu pour le conseil municipal et le comité de toponymie d’oeuvrer à obtenir un plus grand consensus avant de procéder à un baptême ou à une débaptisation. C’est surtout vrai si la rue en question porte le nom de personnes encore vivantes parmi nous. Sinon, on risque à la longue de voir dans ces baptêmes, des actes de complaisance à l’image de certaines décorations dont on a pu dire qu’elles étaient attribuées à la pelle. On pourrait par exemple dire qu’après s’être partagés le pouvoir et le pays, l’heure est venue de se distribuer des honneurs.

Qu’on se comprenne bien. Nous ne mettons nullement en cause le mérite de ceux et de celles qui ont vu leur nom immortalisé par une rue de Ouagadougou.

Mais qu’on nous permette d’attirer l’attention du maire que, s’il n’y prend garde, il risque d’avoir affaire à un monstre incontrolable, tant les sollicitations seront multiples et nombreuses. Il faut avoir peur que ne s’installe une émulation malsaine pour voir le nom de X ou de Y attribué à une rue. Et puis, ne nous voilons pas la face, aujourd’hui Simon est un maire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). A ce titre, il débaptise, rebaptise et baptise. Supposons que par le jeu d’une alternance politique, Simon soit demain remplacé par un maire d’une autre sensibilité politique et idéologique qui, à son tour, se mettra à baptiser et à débaptiser tout comme l’actuel maire le fait en ce moment. On risque d’assister à un perpétuel recommencement. Ce serait vraiment malheureux.

C’est pourquoi, du point de vue de la morale et de l’éthique politique, une explication s’impose. Il faut motiver le choix, dire quel a été l’apport du distingué dans l’histoire de son pays. Faute de cela, il y a risque de jeter des hommes et des femmes en pâture. En outre, a-t-on fini d’honorer tous nos héros nationaux décédés ? Des hommes et des femmes en Afrique et dans le monde méritent que le Burkina les honorent. A ce propos, le maire de la capitale n’a pas donné une explication sur la débaptisation de la rue du président Agostino Neto, et sa réattribution au Pr. Joseph Ki-Zerbo. Ce que l’on peut affirmer sans peur de se tromper, c’est que Ki-Zerbo, le contemporain et camarade de lutte pour le panafricanisme, aurait, de son vivant, rejeté cette offre de l’édile Simon Compaoré qui déshabille St Pierre pour habiller St Paul.

Ce devoir de mémoire du maire est certes louable, mais il n’y a pas de doute qu’il va créer des frustrations nombreuses, ce qui doit être évité dans une entreprise de ce type destinée aux générations futures. L’ancien député Mahamadi Kouanda ne s’est pas gêné pour dire, à raison, que son père à lui mérite aussi que son nom soit immortalisé. Mais sera-t-il entendu, lui dont les relations avec le maire ne sont pas des plus exemplaires ? Le comité chargé de la toponymie de la ville de Ouagadougou et le conseil communal doivent davantage travailler pour enrayer tout subjectivisme et toute décision partisane.

Une décoration ou l’immortalisation de son nom par un endroit, une rue ou un monument est la traduction de la reconnaissance de la Nation tout entière aux mérites d’un homme ou d’une femme. C’est pourquoi elles doivent refléter le sérieux et la rigueur. Les personnes qui les reçoivent doivent être fières de les arborer, parce que c’est pour elles la reconnaissance d’une vie d’efforts et de travail. Comme on dit généralement, tout ce qui est rare est cher. On devrait faire en sorte que les distingués, les honorés soient, à défaut d’être rares, peu nombreux.

"Beaucoup d’appelés, peu d’élus" tel devrait être la règle si l’on veut préserver pour toujours, le caractère sacré de l’opération de baptême des rues.

"Le Fou"

Le Pays

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