Actualités :: Tueries de Boulporé : Retour sur les lieux du drame

Comme Sapouy depuis peu plus de sept ans maintenant, son nom évoque désormais l’horreur, déclenche des frissons et soulève la controverse. Village situé à une soixantaine de kilomètres de Ouagadougou (sur la route Ouagadougou-Kongoussi), Boulporé vient de faire une irruption retentissante dans l’actualité nationale depuis la découverte en mi-décembre de quatre corps abandonnés pourrissant dans la nature

En attendant les résultats de l’enquête judiciaire, une équipe de L’Observateur paalga, qui a pu rencontrer les parents des victimes à Ouagadougou, s’est rendue sur les lieux de la tuerie.

Village de Malou (70 km de Ouaga sur la route Ouaga-Kongoussi) le jeudi 26 janvier 2006. Dans un fourré à quelque trois cents mètres de la route, une odeur pestilentielle flotte dans l’air. Deux tombes (contenant 4 corps) à peine plus grandes que des buttes d’igname se font face.

De la graisse humaine humecte toujours le sol latéritique. Des plumes de vautours éparpillées à terre rappellent le long festin qui a été celui de ces oiseaux avides de charogne. La vue est insoutenable. Notre jeune guide se blottit contre le véhicule. "Faisons vite et repartons, l’odeur pourrait nous rendre malades", conseille prudemment notre chauffeur.

La douille d’une balle traîne à côté. Les victimes ont-elles été exécutées et abandonnées sur place ? Malou, fin de voyage tragique pour Abdoul Aziz Ouédraogo (21 ans), Jean-Pierre Nacanabo (25 ans), Adama Sawadogo (28 ans), tous des employés de la société "Général-Eco", et une quatrième personne, dont l’identité n’avait pas encore été formellement établie.

Partis de Rollo (Kongoussi) le 6 décembre 2005 à bord d’un camion-benne à destination de Ouagadougou, les quatre jeunes gens tombent sous les balles d’une équipe de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) en patrouille sur la route.

Neuf jours après, les corps ou ce qui en reste sont retrouvés par les familles dans la nature. La police, par la voix de son directeur général, Thomas Dakouré, parle de tuerie au cours d’un échange de coups de feu avec les occupants du véhicule.

Concert d’indignations chez les parents des victimes. Du coup, voilà le petit village de Boulporé projeté au cœur de l’actualité.

La tuerie n’a pas eu lieu à Boulporé

En route pour Boulporé, un couac avec la police de Dapelogo. Un jeune agent en civil nous interpelle puis nous conduit auprès du commissaire après que nous eûmes photographié le camion-benne rangé sous un arbre.

Après un bref échange cordial avec le patron des lieux, on nous fit comprendre que toute prise de vue du véhicule est soumise à autorisation du procureur général.

45 mn après, nous voilà à Boulporé. Tout est paisible. De jeunes villageois devisent tranquillement sous l’ombre d’un hangar. La saison pluvieuse est passée, les travaux champêtres sont finis. Place à la longue et ennuyeuse période d’oisiveté.

Un adolescent, poussé par la curiosité, s’avance vers nous. "C’est bien ici Boulporé (et non Balpouré comme nous avions prononcé). Des tueries, nous n’en savons rien car elles ne se sont pas passées ici. Nous aussi on en a entendu parler", nous a-t-il répondu en promenant un regard suspicieux sur nos visages.

A coup d’astuces, la communication avec celui qui deviendra plus tard notre guide se poursuit. "Mais que signifie le nom Boulporé ?" lui avons-nous demandé. La méfiance s’évapore, et notre interlocuteur fait le fier : "Boulporé signifie derrière la marre. Le point d’eau est à côté et je peux vous y conduire".

Une fraîcheur provoquée par la petite étendue d’eau boueuse règne sur les lieux. Des badauds remplissent à longueur de journée des bidons noircis de moisissures. A côté, des ânes s’abreuvent tranquillement. "C’est cette eau que nous buvons en partage avec les animaux" , s’empresse de dire un vieux au regard de nos visages déconfits de dégoût.

La tuerie ? Il l’a simplement apprise à la radio, tout comme le chef de village, Noaga Ouédraogo. "C’est à la radio que nous avons appris que quatre bandits ont été tués dans la brousse" explique le chef entouré de quelques sujets. Le lieu de la tuerie relève du village de Yabou.

Mais à la radio, on raconte que c’est à Boulporé" , a-t-il expliqué plus loin, visiblement mécontent de la confusion sur les noms. Une certitude : la tuerie n’a pas eu lieu à Boulporé mais dans la brousse du village de Malou.

Si à Boulporé ou à Malou (c’est comme vous voulez), l’évocation du drame ne suscite aucun émoi, à Ouagadougou, parents, collègues, voisins et autres connaissances des victimes s’étranglent d’indignation et ne décolèrent pas contre les autorités de la police nationale qui œuvrent selon eux à masquer la vérité.

A peine le sang des "enfants" a-t-il séché que les parents apprennent avec effroi que la police accuse les victimes de braquage ou de complicité avec des coupeurs de route (cf. L’Observateur paalga du lundi 9 au mardi 10 janvier 2006).

A-t-on simplement éliminé des témoins gênants ?

"Les déclarations du directeur général de la police me fendent le cœur. C’est une injure à la mémoire des victimes", hurle à se briser les cordes vocales Amadé Sawadogo, frère d’Adama Sawadogo. Et d’ajouter : "Mon frère vivait avec moi.

Il n’a jamais eu de précédent judiciaire et je défie la police de prouver le contraire". "Je connais Abdoul Aziz depuis de longue date dans le quartier Nonsin. Il était taciturne et on le comparaît même à une femme. Jamais il n’était capable d’acte de banditisme" s’écrie F. T., voisine de quartier.

Psychologiquement terrassée et sujette à des troubles du comportement depuis la disparition tragique de son fils aîné, la mère d’Abdoul Aziz a été conduite au secteur 30 auprès de son frère. "Je ne crois pas à la mort de mon fils. Si tel est vraiment le cas, que ceux qui l’ont tué sachent qu’ils m’ont tuée aussi", bredouille-t-elle, la voix nouée de sanglots.

"Mon fils n’a jamais été un voleur. Tout le monde au quartier le sait. Quand il revenait du travail le soir, il partait me chercher de l’eau à la fontaine. Je vous en supplie, aidez-moi à connaître la vérité", a-t-elle ajouté, les larmes au bord des yeux.

A l’unisson, les parents parlent avec forte conviction, d’exécutions. Et ce ne sont pas les indices troublants qui leur manquent. "Quand nous nous sommes rendus sur les lieux de la tuerie, raconte Lassané Compaoré, oncle d’Abdoul Aziz, les trois corps étaient côte-à-côte, et le quatrième légèrement à l’écart.

Ils étaient torses nus. Les habits jetés au sol ne portaient aucune trace de sang. Une cinquantaine de douilles et des mégots de cigarettes étaient éparpillés à côté des cadavres. Le véhicule dans lequel se trouvaient les enfants ne portait aucun impact de balles. Ce sont autant de preuves qu’ils n’ont été tués ni au cours d’un échange de coups de feu ni au cours d’une fuite".

Le procureur général privilégie l’hypothèse du meurtre

"Le DG de la police dit que la patrouille de CRS a été informée de la présence de coupeurs de route aux environs de 23h. Mais sur les lieux du crime, nous avons retrouvé la montre cassée d’une des victimes. Elle indiquait toujours 21h.

C’est la preuve que les enfants ont subi des tortures avant d’être froidement exécutés", renchérit Amadé Sawadogo. Pour nombre de personnes rencontrées, les occupants du camion ont été exécutés pour avoir été témoins de quelque chose : "Je pense que les enfants ont été tués parce qu’ils ont surpris les CRS en train de commettre un forfait.

Pour éviter tout témoin gênant, la patrouille les a liquidés", conclut M. Compaoré. Même si par prudence, le PDG de la société "Général-ECO", Arouna Savadogo, n’émet aucune hypothèse, il ne suit pas la police sur toutes les pistes : "Ce n’était que des prolétaires qui cherchaient leur pain.

D’ailleurs, ils ne maîtrisaient pas la route. Ils ne l’ont empruntée que deux ou trois fois. Jusqu’à preuve du contraire, je ne crois pas au braquage dont la police accuse mes employés".

Il n’est pas jusqu’au Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) et dans une certaine mesure le parquet qui ne contestent la version des faits desservie par la police.

"Les éléments que nous avons actuellement nous permettent de penser que c’est un meurtre, eu égard à la configuration des lieux et eu égard aux circonstances. L’instruction du juge va nous fixer définitivement sur ce qui s’est réellement passé entre la police et ces gens-là", déclare le procureur général, Abdoulaye Barry, lors d’un entretien à la radio.

Contactée, la Direction générale de la police nous a d’abord renvoyé à sa déclaration à la presse (cf. L’Observateur paalga du lundi 9 au mardi 10 janvier 2006) avant de promettre de nous rappeler. Jusqu’au moment où nous bouclions le présent article, pas de rappel, pas de mots.

Pourtant le ministre de la Sécurité, Djibril Bassolet, s’était engagé à jouer à fond la carte de la transparence : "Nous allons jouer la carte de la transparence pour démontrer à nos détracteurs que nous ne pratiquons pas d’exécutions extrajudiciaires".

C’était le 27 décembre 2005 lors d’une rencontre avec des agents de sécurité. Avec le collectif d’avocats conduit par Me Halidou Ouédraogo, les parents des victimes espèrent que justice leur sera rendue.

"Mais nous ne voulons aucune indemnité", soutiennent-ils en chœur. Actuellement, ils ont le regard tourné vers le procureur Barry qui a promis le 21 décembre 2006 de boucler cette affaire dans deux mois.

Alain Saint Robespierre
L’Observateur Paalga

Burkina Faso : Le secrétaire général de la CGT-B, Moussa (...)
Burkina : « Nous demandons à notre ministre de tutelle de (...)
La Poste Burkina Faso : « Malgré la crise sécuritaire, les (...)
Bobo-Dioulasso : Incinération de produits prohibés d’une (...)
Burkina/ Mesures de réponses aux pandémies et crises (...)
Burkina/ Programme OKDD : Validation d’un plan de (...)
Association Beoog-Neeré du Ganzourgou : 320 caprins pour (...)
Burkina/ Rencontre inter-réseaux 2024 : L’élimination des (...)
Burkina : Le Réseau des caisses populaires du Burkina a (...)
Informatique : Rencontre avec Ezequiel Philippe NASSA, (...)
Ouagadougou : CIM METAL SA offre de meilleures (...)
Burkina/Aliments pour animaux : La société de nutrition (...)
Forum national de l’eau et de l’assainissement : Des (...)
Caisse nationale d’assurance maladie universelle : Un (...)
Utilisation du gaz butane : Les bouteilles de 1 à 12,5kg (...)
Burkina/Education : 549 établissements scolaires (...)
Burkina/32e AG de la fraternité sacerdotale : Les (...)
Burkina/Police nationale : 745 élèves sous-officiers ont (...)
Tour de la reconquête : Soumaïla Sorgho de l’AJCK (...)
Burkina : Certains quartiers de Ouagadougou (...)
Burkina/ SNC 2024 : Le ministre des transports alerte (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36498


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés