Actualités :: Paiement de la TDC : Entre civisme et crainte de contravention

Aujourd’hui, 31 mars 2010, marque en principe le deadline du paiement de la Taxe de développement communal (TDC) à la veille de son entrée en vigueur. C’est aussi ce jour que la Coordination nationale de lutte contre la vie chère a choisi pour organiser une marche-meeting ainsi que 48 heures de grève pour protester contre cette taxe qu’elle juge comme étant une taxation « double et injuste ». Pendant ce temps, l’affluence est telle au niveau des guichets de paiement de la TDC à Ouagadougou que de nouveaux points ont été ouverts pour fluidifier l’opération. Si les uns payent par civisme (pour accomplir leur devoir de citoyen), les autres le font surtout par crainte de contrôles policiers et d’éventuelles contraventions. Round up de ces guichets que nous avons visités les 29 et 30 mars derniers.

Rien qu’à voir au sourire large affiché, pour ne pas dire scotché, sur le visage de Dramane Guem, le lundi 29 mars 2010, on se doutait bien que les affaires de ce “plastifieur”, posté devant la Trésorerie régionale du Centre sise en face du rond-point des Cinéastes, marchaient bien. Bien qu’il soit 16h et que le soleil darde dur, ce dernier est, en effet, au four et au moulin, ou à démarcher un client, ou à plastifier une vignette de Taxe de développement communal (TDC).

Dramane nous confie qu’il est d’ordinaire vendeur de cartes téléphoniques aux feux tricolores de la place de la Nation et que c’est avec le début de l’opération de paiement de la TDC qu’il a endossé la tunique de « plastifieur » comme on surnomme familièrement ceux qui plastifient les documents et autres actes d’état civil pour les protéger du temps et de l’usure.

« Franchement, ça marche ! Nous prenons 200 F CFA quand c’est une seule vignette mais quand il y en a plusieurs, on rabaisse », révèle Dramane Guem, qui avoue, volontiers, qu’il est difficile pour lui de compter ses clients. Quoi qu’il en soit, à 16h30 ce lundi 19 mars 2010, il enregistrait entre 30 et 40 clients.

Sur la porte à côté de laquelle il a installé son arsenal, sont affichés les lieux de paiement de la Taxe de développement communal dans la ville ainsi que les horaires d’ouverture et de fermeture. A l’intérieur de la Trésorerie, le rang est si long devant le guichet qu’il a été plié en deux. Ceux qui sont venus le matin ont eu la surprise de tomber sur un agent quelque peu insolite, le maire Simon Compaoré, himself, délivrant les quittances.

Parmi les personnes alignées, Joseph Sirima, qui dit être venu payer par civisme : « Honnêtement, je suis pour la TDC mais s’il y a une lutte à faire ce doit être pour savoir comment l’argent sera employé. Le développement ne doit pas venir d’ailleurs. La majeure partie des réalisations dont nous jouissons a été faite sur la base de financements de partenaires dont l’Agence française de développement (AFD).

Ces financements qu’ils nous donnent proviennent de leurs impôts ; alors, comment ceux-ci pourront-ils comprendre que nous, nous refusons de payer nos impôts pour toujours compter sur leur aide ? Alors, qu’on paye d’abord, et ensuite qu’on exige des mécanismes de contrôle de l’utilisation de l’argent utilisée. » L’heure de la descente approchant, les agents accélèrent l’opération : ils récupèrent les cartes grises de tous ceux qui sont dans les rangs, établissent les quittances et les leur remet après avoir encaissé la somme due.

Comme annoncé par le bourgmestre de la capitale lors de l’entretien qu’il nous a accordé lundi en fin d’après-midi (voir encadré), de nouveaux guichets ont été effectivement ouverts, ce mardi 30 mars 2010, sur plusieurs sites afin de fluidifier l’opération. A 10h à la Maison du peuple, au total 7 guichets étaient établis, les files étant moins importantes.

Des étiquettes collées sur les murs désignent ceux des véhicules et ceux des engins à deux roues. Un guichet désigne un carnet ouvert pour les quittances ou l’agent chargé de les délivrer, nous a précisé le directeur régional des Impôts, Béma Badoua Bani, que nous avons rencontré sur place coordonnant le dispositif avec le commandant de la Police municipale, Clément Ouango. A l’en croire, ils font la ronde des divisions fiscales pour informer les usagers que d’autres sites ont été ouverts dont 12 à la mairie de Bogodogo, 6 à la trésorerie municipale… :

« Nous faisons passer l’information. Notre but est qu’il n’y ait pas plus de 10 personnes dans un rang. » Selon le directeur régional des Impôts, à la date du 29 mars, environ 35 000 personnes avaient payé leurs cotisations et autour de 135 millions de F CFA avaient été ainsi perçus à Ouagadougou. Le pas pressé, une jeune fille fait rapidement le tour des rangs pour savoir lequel est le plus court.

Elodie Napon, c’est son nom, nous explique qu’elle est hôtesse pour un nouveau jeu de pari par sms, et qu’elle profite du fait que leur « porte-char » de publicité est stationné pour quelques instants devant la Maison du peuple pour payer sa TDC : « Ah ! Moi, j’ai peur dèh ! On a dit que le dernier délai c’est demain, si tu ne payes pas, on va prendre ta moto cadeau et tu vas souffrir deux jours pour rien.

Je préfère payer pour ne pas avoir des problèmes », lâche-t-elle avant de s’aligner. Même son de cloche chez notre confrère, Daniel Zoungrana, journaliste à Sidwaya, qui est venu payer la TDC pour sa femme et son enfant afin de se prévenir de tout désagrément en cas de contrôles de police : « Si les policiers sortent pour les contrôles et qu’ils prennent les engins, cela va créer des désagréments surtout avec les enfants qui reprennent le chemin de l’école le 06 avril prochain ».

Vincent Sanogo, lui, a une préoccupation : ayant payé sa moto il y a seulement quelques jours, il n’a pas encore de carte grise alors il est venu se renseigner si le reçu seul suffisait à se faire délivrer un reçu. Ouf de soulagement pour ce dernier quand l’agent lui confirme que les reçus sont acceptés. 10h15, coupure de courant. « Encore ! » entend-on dans les rangs. Les guichets de l’intérieur sont obligés de déménager dehors pour profiter de la lumière du jour. Pendant que l’on se bouscule dans les divisions fiscales de la capitale, à 11h le 30 mars, c’était la veillée d’armes à la Bourse du travail en attendant le débrayage d’aujourd’hui.

Tandis que des militants s’affrontent à des jeux de société où discutent à l’ombre des arbres, les responsables de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude l’impunité et pour les libertés (CCVC) entrent en réunion. Un briefing en quelque sorte avant le débrayage prévu les 31 mars et 1er avril.

« Nous avons le nécessaire pour que nos militants, les citoyens, les populations de diverses secteurs d’activités puissent avoir les éléments en vue de préparer cette manifestation qui est en fait une marche-meeting de protestation sur toute l’étendue du territoire appuyée par une grève générale de 48 heures », souligne le président de la CCVC, Tolé Sagnon, qui ne manque de revenir sur les griefs qu’ils relèvent contre la TDC : « Nous voulons démontrer aux autorités que nous ne sommes pas d’accord avec l’institution de cette taxe injuste, que nous tenons à protester contre le fait qu’il s’agit de taxe dont la valeur est déjà perçue, payée par le consommateur lorsqu’il achète du carburant notamment jusqu’à 38% du prix de l’essence Super 91.

Nous voulons également leur dire qu’il y a comme un mépris de la position du citoyen par rapport à une question donnée puisque quand même la mobilisation qui a été enregistrée le 24 février devrait amener le gouvernement à nous revoir pour qu’on en discute, mais cela n’a pas été fait. Personne n’est contre le développement de nos communes et nous savons que les taxes que les uns et les autres payent, servent beaucoup à l’Etat mais dès lors que l’Etat lui-même a reconnu que les vignettes ont été supprimées et que pour compenser cette suppression, ils ont instituer la TPP, il y a lieu que cette TPP soit mieux repartie entre l’Etat et les collectivités.

Il y a 352 communes alors il faut revoir la clé de répartition. Il est aussi possible de faire payer davantage ceux qui ont les plus gros revenus parce que nous avons constaté que ces derniers ont vu que leur part contributive de taxes a diminué et parfois jusqu’à 50% de réduction, cela veut dire que ceux qui ont les plus gros revenus payent moins que ceux qui luttent pour survivre.

Nos conditions ne se sont pas améliorées depuis la suspension de son application. La vie chère perdure. Alors, nous ne voyons pas de raison de réinstituer une taxe qu’ils avaient supprimée pour alléger les charges des Burkinabè. C’est pourquoi nous disons que c’est une taxe injuste et que ce n’est pas normal. » Foi de M. Sagnon, ses collaborateurs vont aviser de la suite qui sera donnée à leur mouvement.

Hyacinthe Sanou
Simon Compaoré, maire de Ouagadougou :


« Le peuple a compris, le peuple paye »

C’est un bourgmestre visiblement très occupé qui nous a reçu le lundi 29 mars entre deux réunions, dans son cabinet.

D’emblée, il apprécie la forte affluence de ces derniers jours : « On est très heureux. Ça montre que le peuple a compris ; le peuple paye, si bien qu’on est débordé. Heureusement qu’on a prévu que l’affluence allait être multipliée par N les derniers jours, et qu’il fallait ouvrir de nouveaux points, notamment à la maison du Peuple, pour que ça aille plus vite.

Ce qui me réjouit, c’est que les gens ont compris. Un citoyen qui comprend et qui arrive à faire des sacrifices, on peut aller loin avec lui ». Cette affluence peut laisser croire à une prolongation du deadline fixé au 31 mars ? Réponse de Simon Compaoré : « Ce n’est pas une taxe communale modifiable à souhait par les maires, c’est l’Assemblée nationale qui a voté cette loi et elle seule est compétente pour le faire. Elle a été instituée avec les dispositions précises qui prévoient la date du 31 mars comme dernier délai. Ce que nous allons simplement faire, c’est que ceux qui vont venir après puissent être servis avec diligence et courtoisie. »

Le maire s’enflamme quelque peu lorsqu’on relève les appréhensions de certains contempteurs de la TDC quant à une bonne gestion des sommes collectées : « Ecoutez, nous ne sommes pas de petits bandits là ! Sinon nos partenaires n’allaient pas continuer à nous aider comme ils le font ! Les routes bitumées, la reconstruction de Rood-Woko, l’assainissement, etc., vous croyez qu’ils ont de l’argent là-bas, qu’ils savent qu’on est des pillards, des rapaces mais qu’ils viennent quand même nous le donner ?

Non, ils ne se contentent pas de nos rapports, ils viennent faire leurs inspections et ils nous félicitent. Il y a des gens qui n’ont jamais donné un franc et qui disent qu’ils ne savent pas où l’argent va aller. Tranquillisez-vous, en ce qui nous concerne, le montant qui nous sera affecté sera communiqué avant le 31 décembre. Il en sera de même pour son utilisation. De plus, nous faisons nos journées portes ouvertes chaque année. Il y a des gens qui ne viennent pas s’informer sur ce que nous réalisons mais qui causent au hasard. »
« Nous ne sommes pas des pillards »

Bien que les contrôles soient prévus pour débuter demain 1er avril, l’édile de la capitale affirme ne pas vouloir mettre en avant l’aspect coercitif : « On va contrôler, à notre corps défendant. De toutes façons les gens payent. Que tu sois un fervent protestataire contre la TDC ou un journaliste acerbe, si tu grilles un feu tout de suite et qu’on t’arrête, tu payes l’infraction et aussi la Taxe si tu ne l’as pas. J’ai parlé du 1er avril juste pour signifier qu’à partir de cette date, les gens savent que le temps qu’on leur avait donné est écoulé et que l’on peut commencer les contrôles. L’année a beaucoup de jours, ce n’est pas seulement le 1er avril que l’on peut contrôler, on peut le faire jusqu’en décembre.

On va demander aux policiers d’être courtois, cool, mais fermes. » Au dire de M. Compaoré, qui nous a présenté sa quittance à lui, la sensibilisation continue dans les marchés et yaars, les milieux de jeunes, les services et même à l’église où ils invitent les citoyens à aller payer la TDC. Comme pour joindre l’acte à la parole, il n’hésite pas à demander à ses deux collaborateurs (le directeur de l’Habitat et de l’Urbanisme et celui de la Propreté), qui s’apprêtent à rentrer en réunion avec lui à la fin de notre entretien, s’ils ont payé la Taxe de développement communal. « Bien sûr que oui » assurent-ils. « Il faut le faire hein ! » enchaîne Simon. Ambiance.

L’Observateur Paalga

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