Actualités :: Retenue d’eau en péril : Le lac Bam en danger de mort

Le Lac Bam, dans la région du Centre-Nord à Kongoussi à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, connaît actuellement d’énormes difficultés environnementales. Entre ensablement, réduction drastique de la faune aquacole et conflits d’intérêt, les 28 000 personnes vivant de cet important point d’eau voient de jour en jour leur source de subsistance menacée de disparition.

La plus grande retenue d’eau naturelle du Burkina Faso est menacée de disparition. « Si rien n’est fait, dans 30 ans, on ne parlera plus du Lac Bam ». Ce cri du cœur du vice-président du Comité local de l’eau du Bam, Oscar Sawadogo, témoin oculaire de la dégradation progressive de cette importante ressource hydraulique sonne une alerte rouge. Il assure qu’il y a trente ans, le lac était entouré d’arbres et d’herbes. Aujourd’hui, il ne reste plus rien de tout cela. La retenue d’eau naturelle est complètement nue et désarmée, face à l’érosion éolienne. Le volume d’eau du lac est estimé à 41 millions de mètres cube avec une longueur atteignant parfois 40 kilomètres au moment des grandes crues et une profondeur allant de 6 à 2 mètres.

La forte pression anthropique sur les ressources naturelles du lac est très visible. De chaque côté, maraîchers, éleveurs, pêcheurs, avec autres usagers se disputent le même point d’eau au mépris des règles minimales de protection de l’environnement. Les populations riveraines y déversent fréquemment les ordures ménagères, des plastiques et autres objets solides. Cette pollution est accentuée par l’exploitation agricole intensive des rives par les maraîchers qui utilisent de façon abusive les pesticides, les insecticides et les engrais chimiques sans contrôle. Et comme si cela ne suffisait pas, certains exploitants s’installent jusque dans le lit du lac et implantent de nouveaux périmètres lorsque l’eau se retire pendant la saison sèche.
Du coup, le Lac Bam est confronté à un ensablement accéléré. De jour en jour, des tonnes de boue se déposent sur cet appendice du bassin du Nakambé. Selon une étude effectuée par l’ex-direction générale du génie rural, le lac a perdu plus du tiers de sa profondeur entre 1963 et 2006, soit 43 ans.

Les poissons introuvables !

La dégradation causée par les matériaux arrachés à chaque kilomètre carré du bassin versant et déposés dans le lac, est estimée à une perte de 43 mètres cubes chaque année. Les 28 000 personnes vivant directement ou indirectement de cette retenue d’eau ne savent plus où mettre la tête.
En première ligne des victimes de cette dégradation du lac Bam, les pêcheurs. Depuis un certains temps, ils n’arrivent plus à vivre de leur métier. Beaucoup d’entre eux, notamment les bozos (pêcheurs maliens et nigériens) ont dû jeter l’éponge. Pour les quelques pêcheurs qui ne savent où aller, l’activité est devenue un simple rituel car il est pratiquement impossible de s’en sortir avec plus de 5 kilogrammes de poissons après toute une nuit de travail. Et ce n’est pas Roger Ouédraogo, pêcheur depuis une dizaine d’années qui dira le contraire. Agé d’une quarantaine d’années, il donne l’impression d’être un cinquantenaire, tant le poids de la pauvreté pèse sur lui. Comme gain du jour, il n’a eu que des alevins dont la vente ne peut même pas lui procurer plus de 500 F CFA. « Je suis toujours ici parce que je n’ai pas le choix. Dès que j’entendrai parler d’un site d’orpaillage, je m’en irai », confie-t-il.

Un autre pêcheur à l’allure plus jeune est très amer : "Je préfère tuer les « petits » du poisson que de laisser mes propres enfants mourir de faim". Son collègue, Roger Ouédraogo qui faisait semblant de débarrasser ses malheureux alevins de leurs écailles, tente de donner une explication irrationnelle sur la disparition des poissons. "Pour moi, cette situation n’est pas claire. Peut-être que les dieux du lac sont en colère. Dans ce cas, il y a lieu que les propriétaires terriens fassent des sacrifices", se convainc-t-il, oubliant que le filet de pêche qu’il utilise est formellement interdit et que cet outil qui lui permet de prendre même les alevins est pour beaucoup dans son malheur.

25 000 maraîchers menacés

Autour du lac, la maraîcherculture est sans conteste l’activité-phare. C’est d’ailleurs cette exploitation agricole intensive qui est le plus souvent pointée du doigt comme auteur de la dégradation accélérée du Bam. Plus de 200 motopompes sont installées au bord du lac pour le pompage de l’eau. Selon Oscar Sawadogo, environ 25 000 maraîchers se partagent plus de 1 089 hectares. Ils doivent leur survie à ce lac. Et cela sans compter les pêcheurs et les éleveurs. Les exploitants de ce point d’eau, toutes activités confondues, représentent 12% de la population de la province du Bam. Chaque année, d’autres maraîchers, venant de Ziniaré, Loumbila, et même de Djibo viennent grossir leur nombre. En 2005, le chiffre d’affaires de l’activité agricole autour du lac a été estimé a plus d’un milliard de FCA et croit d’année en année. Albert Kinda vit de la maraîcherculture au bord du lac depuis plus d’une décennie, et y travaille chaque jour de l’année sans repos. "Grâce à la maraîcherculture, j’arrive à vivre décemment et à payer la scolarité de mes enfants", a-t-il noté. Malheureusement a-t-il ajouté "je note d’année en année que le lac se rétrécit et cela par la faute à nous tous. Si les autorités n’interviennent pas pour mettre fin à l’indiscipline qui prévaut, nous courons vers une catastrophe.

Toutefois, il renchérit pour expliquer que les gens n’ont pas le choix car du fait de l’extrême pauvreté, ils sont obligés de se rabattre sur la nature pour survivre. Le chargé du "dossier Lac Bam", Ambroise Ouédraogo reconnaît en effet que la protection de l’environnement passe par la lutte contre la pauvreté. "Plus les gens ont le minimum vital, moins ils détruisent leur environnement", affirme-t-il. Oscar Sawadogo, pense que l’analphabétisme est l’une des raisons du manque de prise de conscience des usagers de l’eau du lac. Pour combler ce besoin, le Comité local de l’eau (CLE), tente de sensibiliser les maraîchers sur les bonnes pratiques telles que le préconise le concept Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), afin de sauver ce lac qui sans nul doute est le poumon économique de la province du Bam. C’est grâce à ce lac que le Burkina Faso doit sa réputation de gros producteur de haricot vert dans les années 1980.

Pour la mairie de Kongoussi, la question du lac Bam constitue une équation à résoudre. Outre les sensibilisation des usagers de l’eau, elle envisage de borner tout le long du lac afin de contraindre les exploitants à observer une limite à ne pas exploiter d’une distance d’au moins 100 mètres du lit du lac. Selon le maire de la ville, Daouda Zoromé, le conseil municipal a dégagé une somme importante pour effectuer des aménagements au niveau du lac, avant la fin de cette année 2009. Mais dit-il, les moyens sont très limités car seule l’implication de l’Etat peut permettre de résoudre le problème.

Des milliards à mobiliser pour sauver le lac Bam

Au regard des ressources importantes à mobiliser pour la restauration du lac, les populations, et surtout les associations de développement s’impatientent de voir des actions concrètes de la part du gouvernement. Le chargé du dossier Lac Bam, Ambroise Ouédraogo se veut rassurant. Le gouvernement serait en train de mobiliser les ressources nécessaires pour la restauration du lac. Une étude de faisabilité d’un coût estimé à une centaine de millions de F CFA a déjà été menée en 2006. Et à l’heure actuelle, le gouvernement serait en négociation avec la Banque Ouest africaine de Développement (BOAD) pour le financement de l’étude détaillée qui devrait durer 6 à 9 mois.

A l’issue de cette étude, toutes les composantes du projet seront précisées. Celle relative à l’aménagement hydroagricole pourrait être financée par la BOAD. D’autres bailleurs sont intéressés par le projet de restauration du Lac Bam et attendent la finalisation des études. La restauration du lac serait un projet inédit au Burkina Faso car le désenvasement avec des techniques modernes serait une première dans le pays. Dans le souci de protéger l’environnement immédiat du lac, l’encadrement technique constitue, selon Ambroise Ouédraogo, un volet important. "Il faut amener les producteurs à devenir maîtres de leur propre destin", a-t-il soutenu.
Si le projet aboutit, 1 000 hectares seront aménagés pour la production agricole. L’ensemble du Programme pourrait nécessiter la mobilisation de plus de 30 milliards F CFA. D’ici à fin 2010, si tout se passe comme prévu, l’on pourrait voir un début d’aménagement du lac. L’espoir est donc permis.

Fatouma Sophie OUATTARA (Sofifa2@yahoo.fr )

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