Actualités :: Assassinat de Drissa Ouédraogo : Le patron de la victime relate le film du (...)

Idrissa Ouédraogo, jeune agent de change, précédemment en service à l’aéroport international de Ouaga, a été retrouvé mort le vendredi 11 janvier dernier, dans une maison au quartier Patte-d’Oie. Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ce drame dont le présumé coupable est un Libanais de passage à Ouagadougou, nous sommes allé à la rencontre de Assami Zongo, patron de la victime. Il était au coeur de l’affaire de change de monnaie qui a fini par l’assassinat de son employé.

Il était 14 h moins le quart lorsque nous arrivions, hier 14 janvier 2008, au parking de l’aéroport international de Ouagadougou. L’atmosphère était plutôt calme. Des jeunes, par petits groupes, dévisaient à l’ombre des arbres et kiosques jouxtant l’entrée de l’aéroport. Nous étions précisément au lieu de travail de Idrissa Ouédraogo, dit Daouda, le jeune de 28 ans dont le corps sans vie avait été découvert le vendredi 11 janvier dernier au domicile d’un expatrié libanais. Nous avons été accueilli par Issa Ilboudo qui, avec 6 autres jeunes, échangeait à la buvette "Le Voyageur". Notre hôte, qui travaille à l’aéroport depuis 1988, a, d’emblée, reconnu, très bien connaître l’infortuné Daouda. Son assassinat était encore au coeur des conversations à l’aéroport. Mais pour nous relater le film du drame, M. Ilboudo fit appeler Assami V. Zongo, l’employeur du regretté. Ce dernier, sorti quelques minutes plus tard de l’intérieur de l’aéroport, s’est volontiers prêté à nos questions. D’entrée de jeu, il a indiqué que les agents de change qu’ils sont, travaillent en parfaite harmonie à l’aéroport depuis de longues années. Leur travail consiste essentiellement à l’échange des monnaies "de tous les pays, même celles refusées par les banques de la place", au taux en cours, avec, bien entendu, une marge bénéficiaire. Ils font l’échange des monnaies étrangères en franc CFA, et vice-versa. Le jeune Idrissa Ouédraogo, selon son patron, est arrivé à l’aéroport en 2003-2004, d’abord en tant qu’agent de nettoyage et se serait vite converti, moins de 3 mois après, en agent de change. Et depuis le vendredi 4 janvier 2008, le jeune homme aurait fait part à son patron d’un marché juteux qu’il avait eu avec un Libanais : le client qui aurait dit préparer un voyage à l’étranger aurait demandé à Idrissa de lui trouver la somme de 40 000 dollars, en échange avec du franc CFA.

Depuis lors donc, le jeune homme s’est lancé à la recherche de cette somme que même Assami Zongo, son patron, n’était en mesure de réunir d’un coup. A la date butoir du mercredi 9 janvier, il avait, avec le concours de son patron, réussi à regrouper la somme de 11 100 dollars US. Il emprunta 4 000 dollars avec un certain Drissa Zongo, lui aussi agent de change ; 4 600 dollars avec un autre du nom de Aboubacar Zongo, et 3 000 autres dollars avec un certain François Konkobo. Soit un total de 22 700 dollars US. A cela, il faut ajouter la somme de 11 700 euros, également empruntée. C’est avec cette lourde somme cumulée que Idrissa Ouédraogo est allé à la conquête de son marché.

Il quitte l’aéroport (le mercredi 9 janvier) autour de 13 h et demie, avec le Libanais à bord d’un véhicule de marque Toyota. Jusqu’à 16 h, le patron de Idrissa, qui n’avait pas de nouvelles de son envoyé ni de la somme qu’il avait par-devers lui (près de 20 millions en francs CFA), tenta de le joindre au téléphone. Au bout du fil, Idrissa répondit que l’opération venait d’être effectuée et qu’il n’attendait plus que son client pour lui remettre l’équivalent en francs CFA, de la somme à échanger pour rebrousser chemin. Mais aucune nouvelle jusqu’à 18 h et le patron, qui avait commencé à s’inquiéter de nouveau, téléphona une deuxième fois à Idrissa qui a répondu être, cette fois-ci, au quartier Patte-d’Oie, toujours avec le Libanais qui devrait, d’un moment à l’autre, lui remettre l’argent. Après la prière de 19 h, toujours pas de nouvelles du jeune homme que tout le monde appelait Daouda.

Idrissa avait-il pris le large ?

L’inquiétude chez les agents de change de l’aéroport de Ouaga commença à grandir lorsque, après 19h, Daouda ne répondait plus aux multiples coups de fils de ses collègues. Le Libanais, selon le patron de Idrissa, était très peu connu des agents de change de l’aéroport. Notre interlocuteur précise aussi qu’à partir de ce moment-là, des gens avaient commencé à lui demander si son employé était digne de confiance. Certains auraient même déjà parié qu’il avait pris le large. Le patron qui avait entièrement confiance en son agent s’est néanmoins rendu à son domicile à Kalgondé et son épouse, elle non plus, n’avait pas de nouvelles de son mari, sorti depuis le matin.

Assami Zongo, le patron de Daouda, qui s’est senti le premier concerné dans cette affaire, s’est alors confié à un "colonel de gendarmerie" qui aurait, la même nuit, fait le déplacement de l’aéroport pour recueillir des informations sur le mystérieux disparu et repartir avec une photo de lui. Mais toujours pas de nouvelles jusqu’au-delà de 23 heures, heure à laquelle les autres cambistes s’étaient tous réunis à l’aéroport de Ouaga, troublés qu’ils étaient, pour espérer avoir les nouvelles de Daouda. Le patron dépose une plainte qui a permis l’ouverture d’une enquête. Les deux portables de Daouda avaient cessé de sonner lorsqu’on tentait de le joindre. Le patron explique cela par le fait que les batteries avaient fini par céder sous le coup des multiples tentatives d’appels. A partir de ce moment, certains du groupe, toujours selon le patron du disparu, avaient déjà commencé à souhaiter que le jeune homme se soit enfui et qu’il soit en vie quelque part dans le monde, plutôt que d’être gratuitement buté. Mais toujours rien de nouveau dans l’affaire jusqu’au lendemain jeudi.

Un corps sans vie en décomposition

De leur côté, les autres cambistes continuaient la recherche, essentiellement sur la piste du Libanais. Seuls de petits vendeurs de cartes téléphoniques aux abords de l’aéroport ont dit connaître le Libanais aux côtés de qui Daouda avait embarqué dans le véhicule. Avec eux, on parvint même à obtenir le numéro de téléphone du Libanais, mais toutes les tentatives de le joindre sont restées vaines. Et ce n’est que le vendredi 11 janvier que l’employeur de Daouda aurait eu vent de la découverte d’un corps sans vie par la police de Bogodogo, dans une maison à la Patte-d’Oie. Il se rendit aussitôt sur les lieux et reconnut, avec amertume, le corps en décomposition de son employé. C’était au domicile du Libanais qui avait, depuis mercredi, déserté les lieux. Le corps qui avait été transporté à la morgue a ensuite été enlevé par les amis de la victime, et inhumé au cimetière de Karpala. L’infortuné Daouda, selon des témoignages, avait probablement été surpris par un violent coup de machette sur la tête et dont les traces étaient clairement visibles.

On raconte aussi, dans le milieu de ceux qui avaient connu le présumé criminel, que son domicile était quasi inaccessible à toute personne étrangère à sa famille, même aux agents de la SONABEL et de l’ONEA qui y venaient pour les relevés de compteur. Et son crime, toujours selon des témoins, était prémédité puisque l’homme avait même fait creuser par sa bonne (femme de ménage), qui ne doutait de rien, un trou d’au moins 60 cm de profondeur derrière sa maison et qui, probablement, devrait faire office de tombeau pour sa victime, de sorte à brouiller les pistes de recherche.

Nos sources précisent aussi que le Libanais qui, faut-il le rappeler, a été appréhendé dimanche dernier à Beyrouth par Interpol, avait franchi le poste frontalier de Yendéré (Burkina-Côte d’Ivoire), dans la nuit du mercredi 9 au jeudi 10 janvier, précisément à 00 h 11 mn. Il s’enfuyait ainsi, après son crime, avec sa femme et son enfant, conduit par un chauffeur burkinabè, un certain Bagagnan, lui aussi pris par la police ivoirienne au bord de la Lagune Ebrié à Abidjan. Il semble qu’il était à la recherche de moyens pour regagner Ouagadougou, abandonné qu’il fut par celui-là qu’il venait de convoyer d’urgence à Abidjan. Un deuxième présumé complice, également de nationalité burkinabè, a également été mis aux arrêts en terre ivoirienne. C’est ce dernier qui aurait, quelques jours plus tôt, envoyé par train les bagages du Libanais jusqu’à Abidjan.

Par Paul-Miki ROAMBA

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