Actualités :: Assassinat du jeune Daouda Ouédraogo : après l’affaire de la "Mercedes (...)

En ce début 2008, le ciel poussiéreux de Ouagadougou s’assombrit d’un nouveau crime : celui de Daouda Ouédraogo. Mais si la température est brusquement montée dans la capitale, ce n’est pas seulement en raison du caractère odieux de l’assassinat mais aussi à cause de la nationalité de celui qui est suspecté.

Abbas, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est d’origine libanaise, et quand on met en perspective l’affaire de la « Mercedes tueuse » (accident dont un Libanais serait l’auteur et qui a entraîné mort d’homme sans suites judiciaires grâce à des interventions grassement payées, à ce qu’on dit) et les préventions qui existent dans une certaine opinion contre les Syro-libanais, on comprend pourquoi depuis trois jours, les boutiques et autres commerces de ces derniers aient gardé portes closes.

Les autorités, qu’il faut féliciter pour leur célérité dans ce dossier, ont déjà saisi Interpol et appelé au calme par le biais d’une émission spéciale en plusieurs langues.

Face à des populations en butte aux incertitudes des lendemains, aux phénomènes de pauvreté et aux crimes inhumains qui se nourrissent notamment des dérives de la gouvernance, San Finna est allé à la rencontre de la compagne attristée du défunt, de ses propres parents et de ceux qui l’ont vu pour la dernière fois : ses collègues et amis. Assami Zongo, Drissa Zongo et Issa Ilboudo dit Naba (meilleurs amis de la victime) ont notamment accepté de se confier. Mais San Finna a aussi obtenu des réactions de Burkinabé, anonymes ou non. Voici donc toutes ces réactions.


CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS

San Finna : Comment les choses se sont passées ?

Assimi Zongo : C’était le 9 janvier vers 9 h. Daouda est arrivé très tôt ce jour. Ce n’était pas dans ses habitudes. Quand je lui ai posé la question, il m’a répondu qu’il est commerçant (NDLR : il était courtier) et qu’il doit travailler dur pour gagner sa vie. Vers 10 h, il nous a parlé de son client et c’est ainsi que nous avons rassemblé les montants soit 22.700 dollars et 11.750 euros. Et il est parti.

San Finna : Et après ?

Amissi Zongo : Vers 13 h 30, il est revenu avec un Libanais et ils sont repartis ensemble. Il n’est jamais revenu. Nous pensions qu’avec la fermeture des banques à cette heure, il n’a pas pu faire le change et qu’il est allé ailleurs.

San Finna : L’avez-vous entre-temps eu au téléphone ?

Amissi Zongo : C’est Drissa qui l’a appelé vers 16 h et il a dit qu’il arrive. Vers 18 h, j’ai tenté de l’appeler avec Drissa mais son téléphone sonnait et il ne répondait pas. Vers 19 h encore, ses deux numéros sonnaient mais il ne répondait toujours pas. J’ai masqué mon numéro mais ça ne décrochait toujours pas pendant près de trois heures de temps.

L’INTERVENTION D’UN OFFICIER DE POLICE

Amissi Zongo : Au même moment, un officier que je connais était de passage à l’aéroport où je me trouvai. Je lui ai expliqué le problème. Il m’a demandé si j’avais confiance en Daouda ; j’ai dit oui, et il a continué.

L’INQUIETUDE GAGNE EN FORCE

Amissi Zongo : Daouda ne revenait toujours pas. Naba et Drissa sont allés pour faire un communiqué de recherche dans les radios.

Nous avons été à Yalgado dès le 9 janvier et le 10 à la morgue pour fouiller les cadavres. Rien.
Le 11 janvier, j’ai eu la confirmation qu’il y a eu un meurtre à la Patte d’Oie. J’ai fait part de la nouvelle à Naba. Drissa a alors appelé le Commissaire de la¨Police Spéciale de l’aéroport pour l’informer.

Nous sommes allés au Commissariat de Bogodogo pour vérifier et tout le monde est venu nous trouver.

LA FUNESTE DECOUVERTE

Assimi Zongo : Nous avons recherché et trouvé le lieu où le meurtre s’est produit, dans un domicile près de la Patte d’Oie. Les gens ont commencé à se regrouper avec l’Oncle de Daouda. Nous avons parlé au Commissaire et quand ils ont fini, Naba et quelqu’un d’autre sont rentrés. Il m’a dit que c’est pas bon.

Nous avons eu en ce moment le nom du Libanais qui s’appellerait Abbas et est venu de Côte d’Ivoire ; son patron était d’ailleurs resté sans nouvelles de lui.

Par la suite, ils ont emmené le corps de Daouda pour faire l’autopsie. Et puis, j’ai demandé si je pouvais emmener mes gars au cimetière de Kaarpalla vers 15 heures et j’ai rejoint l’ oncle de Daouda à la morgue vers 17 heures.

Est-ce que l’enterrement a eu lieu ?

Naba : Hier vers 21h (l’entretien a eu lieu le dimanche 13 janvier)

San Finna : Y avait-il du monde ?

Oui, beaucoup de gens notamment des commerçants, des Commissaires de police, la Sûreté, des jeunes.

LES SUITES DE L’AFFAIRE

San Finna : Que comptez-vous faire maintenant ?

Assimi ZONGO : C’est attirer l’attention du public pour que cet acte ne reste pas impuni. Nous demandons aux autorités compétentes que la lumière soit au rendez-vous et aux jeunes en colère de garder un peu le calme. Ensuite on verra...
Nous demandons à la Justice de vraiment nous aider car on dit qu’il a quitté la frontière du Burkina vers minuit avec un chauffeur burkinabé.

Drissa Je veux saluer les chefs de la Police, de la Gendarmerie, de la Sécurité pour nous avoir aidé et être resté aussi à nos côtés. Je n’oublie pas les commerçants qui l’ont connu ou pas et qui sont venus au cimetière. Que Dieu leur rende au centuple.

Naba Ce que je demande à Dieu, c’est que les autorités puissent mettre la main sur le Libanais et qu’on le ramène au Burkina pour le juger et que l’affaire ne reste pas sans suite. Le défunt, vous savez, laisse derrière lui une femme et un garçonnet de 1 an et 4 mois. C’était quelqu’un de timide et de très pieux.

LE SERIEUX SUSPECT ABBAS AURAIT REGAGNE LE LIBAN

Aux dernières nouvelles, Abbas, qui n’a pas perdu de temps, aurait déjà regagné le Liban par Abidjan, et par un vol Royal Air Maroc. Il se trouverait donc actuellement terré dans son village.


LES REACTIONS DE BURKINABE, ANONYMES OU NON

Nous avons tendu notre micro pour obtenir des réactions de personnalités et de simples quidams notamment sur ce point.

Un Journaliste désireux de garder l’anonymat : Ce qui s’est passé est déplorable car il y a eu perte de vie humaine. Mais je note la rapidité avec laquelle on a retrouvé le meurtrier. Ce qui est intéressant aussi, c’est l’action de communication du gouvernement qui a permis de parer à d’éventuels mouvements de foule, comme lors des Kunde. J’aurais souhaité que la même rapidité soit exécutée comme pour les autres crimes passés parce que nous sommes dans un climat délétère avec la révolte passée des militaires.

Théodore Komwéogo, Commissaire de police : Je n’ai pas encore tous les éléments. Ce que je sais, le Libanais aurait invité le jeune à dîner dans un restaurant et il lui a fait collecter des devises de près de 16 millions de FCFA. La suite, c’est ce que nous avons entendu.
Je souhaite que le meurtrier soit condamné à la hauteur du forfait.
Les gens attendent la réaction du gouvernement suite aux mouvements qu’il y a eu hier et que nous avons tout fait pour calmer.

Me Hermann Yaméogo, président de l’UNDD : Il faut dénoncer ce crime de plus qui ne sert pas l’image du Burkina Faso.
S’il est vrai que la cabale du suspect a pris fin au Liban, il serait souhaitable, pour préserver les bonnes relations entre le Burkina et le Liban (et pour la sécurité de la communauté libanaise au Faso) que des négociations judiciaires et diplomatiques s’engagent au plus tôt pour obtenir l’extradition du suspect afin qu’il vienne répondre des faits dont s’agit au Burkina.
Avec de l’imagination, on
peut trouver des solutions pour vaincre d’éventuels obstacles qui empêcheraient cette extradition comme par exemple l’absence de textes relatifs à l’entraide judiciaire entre les deux pays.

En tout état de cause, compte tenu de la sensibilité du problème, Joseph Hage, Représentant des Libanais au Faso (dont on connaît l’attachement au pays des hommes intègres et le souci de la coexistence pacifique entre les communautés libanaise et burkinabé) pourrait se faire le porte-flambeau de cette extradition, quitte à effectuer un déplacement au Liban pour sensibiliser à cet effet. Il devrait aussi immédiatement demander que le suspect Abbas soit interdit de sortie du Liban.

Il va sans dire que des initiatives de même nature du Ministre des Affaires étrangères et du Ministre de la Justice du Faso seraient de mise.
Je ne saurais terminer sans présenter mes condoléances à la famille du défunt.

Natanaël Paré

San Finna

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