ActualitésDOSSIERS :: Reconquête du territoire : A Dassa, entre résilience et traumatisme, les FDS (...)

Epargnée pendant longtemps, Dassa, l’une des dix communes de la province du Sanguié, a enregistré sa première attaque terroriste le jeudi 15 décembre 2022. Des menaces se sont enchaînées et en dix jours, deux autres incidents sécuritaires se sont déroulés dans cette localité, qui est située à 34 kilomètres de Réo (chef-lieu de la province). A partir de janvier 2023, la population a décidé de fuir. Mais depuis l’installation du détachement militaire en mars 2023, Dassa reçoit à nouveau ses habitants. A la découverte de cette commune qui reprend vie !

Difficile de ne pas jeter des coups d’œil dans tous les sens à travers les vitres du véhicule. Nous arrivons à Bonyolo, un village situé à une vingtaine de kilomètres après la ville de Koudougou, chef-lieu de la région du Centre-Ouest. Nous sommes le mercredi 19 avril 2023, avec une équipe du détachement militaire de Dassa, commune située à environ 25 kilomètres de notre position.

L’effectif des militaires et surtout leur dispositif suscite la curiosité de plus d’un. Ils sont nombreux, ces habitants de Banyolo, à vouloir comprendre ce qui se passe… A notre passage, un motocycliste, sûrement suspect, est immobilisé par un groupe de militaires qui procède à la vérification de son identité. Notre convoi arrive à se frayer un chemin et la mission se poursuit sur la route nationale 21.

Une plaque indique « Dassa » à gauche. Finie la voie bitumée, place à la piste. Les militaires sur les motocyclistes commencent à encercler le convoi sur un grand périmètre. La progression s’effectue à leur rythme. A chacune des pauses, tout le monde se pose la question instinctivement : « Qu’est-ce qui se passe ? »

La commune de Dassa, qui compte sept villages, a plus de 22 000 habitants, selon le dernier recensement.

Au bout d’une vingtaine de minutes, nous voici à l’entrée de la commune de Dassa. Il est 10h04. Des VDP (Volontaires pour la défense de la patrie) de la localité veillent au grain. Ils sont postés à différents endroits.

« Ils sont venus quatre fois dans ce village »

Dès l’entrée de la commune, on perçoit un camion de type benne calciné. Ce sont les dégâts causés par les terroristes lors de leur passage en décembre 2022.

Lire aussi : Insécurité dans le Centre-ouest du Burkina : « Depuis le 25 décembre dernier, chaque jour est une menace pour les populations », alerte un ressortissant de Dassa

Des femmes sont en train de cueillir des mangues. Certains commerces sont ouverts, ainsi que des ateliers de mécanique. Des salons de coiffure sous des arbres ont repris service. Tous les regards sont fixés sur ce convoi qui passe sur la voie principale de cette commune. Certains n’hésitent pas à lever la main pour saluer les hommes de tenue.

Voici les débris de cette antenne après la visite des terroristes.{}

A côté de la mairie de Dassa, on voit une antenne d’une compagnie de téléphonie calcinée. Les dégâts sont toujours visibles à une certaine distance. Et lorsqu’on s’y approche, le constat nous laisse sans mot. Tout est parti en fumée.
Les Groupes armés terroristes (GAT) ont dicté leur loi dans cette localité. « Tout le village s’est vidé. Les GAT ont eu le temps de s’installer. Ils sont venus quatre fois dans ce village. A chacune des visites, ils ont brûlé des boutiques, des véhicules, etc. », relate le lieutenant Romuald, chef du détachement de Dassa.

« On a une très bonne collaboration »

La première étape de la visite s’achève à la base du détachement militaire de Dassa. C’est la maison d’un particulier, qui l’a cédée gracieusement aux militaires en guise de participation à l’effort de guerre. Selon le commandant du groupement de forces du secteur centre, c’est une preuve de la bonne collaboration entre les civils et les militaires dans la lutte contre l’hydre terroriste. « On a une très bonne collaboration. Il y a la communication entre la population et le détachement », confie le commandant.

Chaque entité a contribué pour l’installation de ce détachement depuis le 10 mars 2023. Le maire de la commune prend en charge la consommation de l’électricité. Certaines bonnes volontés ont donné du sable pour renforcer le dispositif sécuritaire. Et par-dessus tout, « les VDP ont été d’un grand appui » pour ce détachement, appuie le commandant.

« Le risque zéro n’existe pas »

La seconde étape de la mission est la visite des administrations publiques qui ont rouvert. Nous sommes à l’école primaire publique Dassa ‘‘A’’. Les élèves ont retrouvé le chemin de cette école après quatre mois de fermeture. Le lundi 17 avril 2023 a marqué officiellement la réouverture. « C’est la résilience. Tous les enseignants ne sont pas encore revenus », précise le directeur de la circonscription éducative de cette localité.

L’école primaire publique Dassa ‘‘A’’ a fermé ses portes le 16 décembre 2022, soit le lendemain de la première attaque terroriste.

Toutefois, il insiste sur le fait qu’ils n’ont pas utilisé la force de l’administration pour ramener les enseignants qui ne sont pas encore revenus. Il s’agit d’un cas exceptionnel, et les premiers responsables comprennent. « La crainte est toujours à l’esprit », rappelle-t-il. Mais le directeur et les éducateurs présents disent s’appuyer sur les consignes des militaires. « Le risque zéro n’existe pas, mais il revient à chacun d’être prudent », affirme le directeur.

La reprise des cours ne s’effectue pas au rythme voulu par les enseignants. Ces enfants qui ont fui la commune avec leurs familles ne retrouvent plus leurs automatismes. « Ils sont tous traumatisés. Ils ont quitté la Boucle du Mouhoun avant de revenir ici », explique l’enseignant de CM2, A.O., qui ajoute : « On essaie de les encourager, de les conseiller ».

Durant les quatre mois de fermeture, l’école a été délocalisée pour permettre aux élèves de CM2 de ne pas accuser un grand retard sur le programme scolaire.

Retour effectif de l’administration publique

Dans la cour de la mairie de Dassa, quelques mouvements de personnes témoignent de la reprise des activités. Olivier Bationo, le préfet et Président de la délégation spéciale (PDS) de la commune de Dassa, se souvient encore des évènements. De mi-décembre 2022 à fin février 2023, sa localité a enregistré plus d’une dizaine d’attaques, précise-t-il.

« Ce sont des attaques directes. Ça a impacté négativement les activités de développement de la commune. Il y a eu des pertes en vie humaine, des dégâts matériels », explique le préfet. Suite à ces incidents sécuritaires, plus de 80% de la population de cette commune s’est vidée, ajoute le PDS. Ces personnes sont parties se réfugier principalement à Réo, Kyon, Didyr, Koudougou et Tenado.

Retour de la population…

Si Olivier Bationo et ses collaborateurs ont repris leurs activités, ils le doivent à l’arrivée du détachement militaire avec l’accompagnement des VDP. « Depuis leur arrivée, nous n’avons plus eu un cas d’alerte au niveau de Dassa. La quiétude s’installe. Il y a vraiment une accalmie, les activités sont en train de reprendre », se réjouit le premier responsable administratif de la localité.

« L’administration de façon générale a repris », indique Olivier Bationo.

Cependant, il précise que ce retour se fait de façon progressive, parce qu’il y a eu cette psychose qui s’est installée. « Le risque zéro n’existe pas mais avec le détachement, nous sommes vraiment rassurés. Il n’y a pas de menace personnelle, on n’entend plus parler d’alerte. Chose qui était rare parce que pratiquement chaque jour, il y avait des alertes », ajoute M. Bationo.

« La nuit, on dort dehors comme on veut »

Au marché de Dassa, l’ambiance est plutôt calme. Pas trop de bruit. Installées sous des hangars, des femmes vendent des galettes et des gâteaux. Un commerçant à quelques mètres de ces femmes, quant à lui, se repose. Les ustensiles qu’il vend n’attiraient pas encore de clientèle à notre passage.

Il y a quatre mois de cela, cet endroit a été déserté. Catherine Bakoin se souvient encore de ce qui s’est passé : « On était au marché. On était en train de vendre et on a entendu des coups de fusil ». De son témoignage, c’était le sauve-qui-peut. Ça courait dans tous les sens.

« Tout le monde rentre maintenant. Je suis très contente pour cela », confie Cathérine Bakoin.

Désormais, la réalité est toute autre. « Je suis très contente quand les soldats sont venus pour nous garder. La nuit, on dort dehors comme on veut. On dort paisiblement comme on veut. On prie beaucoup pour les soldats », confie Catherine Bakoin, avec un large sourire aux lèvres.

Lire aussi : Insécurité dans le Centre-ouest du Burkina : « Si rien n’est fait, la commune de Dassa (Sanguié) va disparaitre », alerte l’ex maire François Bacyé

Quant à Éric Zongo, il n’a pas vécu la même expérience lorsque les GAT ont débarqué au marché. « Je ne les ai pas encore vus. C’est lorsque les gens se sont mis à fuir que moi aussi, j’ai emboîté le pas. J’ai entendu que quand ils sont entrés à Dassa, ils ont tué plusieurs personnes », expose ce vendeur de téléphones portables.
Il s’est réfugié à Koudougou, à 34 kilomètres de Dassa. Là-bas, il continuait son commerce. C’est lorsqu’il a appris que Dassa était reconquise par l’armée et que les gens y retournaient, qu’Éric Zongo a décidé de signer son retour au bercail.

Éric Zongo est originaire de Koudougou mais il exerce le commerce à Dassa.

Des offensives cumulées grâce à la collaboration des forces vives

Assis sous un hangar avec ses deux compagnons à l’entrée du maquis « Le Baobab », Jean Marie Badiel, tenancier de cet établissement, indique que le marché est morose. De retour à Dassa il y a plus 37 jours, il a du mal à retrouver sa clientèle d’antan, malgré que la bière qu’il vend est « bien fraîche ».
La vie a donc repris à Dassa, et le lieutenant Romuald rappelle que la population y a aussi joué un rôle important. « Nous avons cumulé des actions offensives en collaboration avec les forces vives sur place (la gendarmerie, les VDP). Avec la collaboration, surtout le renseignement, nous avons pu faire revenir la population », indique le chef militaire.

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« Pour le moment à Dassa, ça va. Les actions ont pu être menées et elles seront consolidées dans les jours à venir pour que la population puisse reprendre confiance. Ceux qui doutent vont certainement rejoindre », rassure le lieutenant Romuald.

« Actuellement, tout le monde n’est pas là mais progressivement, les gens sont en train de venir », confie le lieutenant Romuald.

A la fin de notre séjour dans cette commune, il était question de regagner Ouagadougou. Le même dispositif sécuritaire est mis en place. Des arrêts pour s’assurer de la sécurité avant de poursuivre la route ont encore marqué le chemin du retour.
A environ trois kilomètres de la sortie de Dassa, un triporteur (communément appelé ‘‘tricycle’’) avec des bagages marque un arrêt en laissant la voie pour le convoi militaire. Il s’agit d’un ménage qui regagne la commune de Dassa.

Au moment où le soleil qui était au zénith se dirige vers l’Ouest, la commune de Dassa nourrit toujours l’espoir d’accueillir toute sa population. Le retour de la vie d’avant les évènements de décembre 2022 est le souhait des autorités administratives et militaires.

Cryspin Laoundiki
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