ActualitésDOSSIERS :: Procès Thomas Sankara et douze autres : Justice enfin pour les familles (...)

Mariam Sankara, Auguste et Philippe Sankara, les autres veuves (invisibles dans les médias), les orphelins des douze autres victimes de la boucherie et les grandes familles de toutes les personnes abattues le 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente qui est entré tristement dans l’histoire comme le lieu du crime, pourront se reposer enfin. Ils pourront commencer leur deuil, car après 35 ans, la justice a entendu leurs cris, leurs détresses et leurs souffrances. Le pays officiel a enfin solidarisé avec eux en disant non à ces crimes et en punissant les coupables.

Le procès du siècle qui s’est ouvert à Ouagadougou en octobre 2021, a rendu son verdict ce 6 avril 2022 et a condamné à la prison à perpétuité Blaise Compaoré, l’ami infidèle qui a été reconnu coupable du crime d’attentat à la sûreté de l’État et de complicité d’assassinat, de concert avec le général Gilbert Diendéré. Le chef du commando des assassins, Hyacinthe Kafando, absent au procès comme le dictateur déchu, est condamné pour assassinat et écope de la même peine que ses deux supérieurs.

Un petit florilège de sentiments nous submergent après le verdict.
Notre joie serait plus grande, si le pays n’était pas encore victime d’un coup d’État. Mais il faut faire avec, en espérant que la leçon du procès sera apprise par tous, au Burkina, au Mali, en Guinée, en Afrique pour balayer à jamais de notre continent la violence en politique.

Ce petit bonheur de voir les crimes du 15 octobre 1987 jugés, nous le devons à beaucoup d’artisans anonymes qui ont œuvré sans rechercher la lumière, parmi lesquelles : les martyres de l’insurrection de 2014 et du coup d’État de 2015 du général Gilbert Diendéré. Il faut saluer tous ceux qui se sont battus contre la dictature de Blaise Compaoré, celui-là, à qui les crimes ont profité. On doit redire haut et fort ce que ce jugement doit aussi quelque chose à la vie et au sacrifice héroïque de Norbert Zongo. Car c’est le mouvement de révolte et d’insurrection qui a suivi sa mort qui a appris au peuple burkinabé la voie de l’insurrection qui a chassé Blaise Compaoré de son trône et du pays.

Mariam l’héroïne

Peut-on parler des combattants sans rendre hommage à cette dame qui a épousé un homme qui s’est donné à son pays totalement, sans lui demander quelque chose en retour, et est mort pour lui, pour les idées qu’il avait de sa transformation ? Mariam Sankara, l’épouse de Thomas est la première sankariste, puisqu’après la mort de son mari, elle, encore jeune, mère de deux petits garçons aurait pu refaire sa vie, vivre d’autres aventures, que de rester dans le noir et porter ce deuil qui n’en finissait pas pendant trente-cinq longues années.

Elle a supporté de vivre avec le fantôme, d’être l’épouse de l’absent, parti sans dire au revoir. Elle a accepté d’incarner et de jouer le rôle de la mère et du père et en plus d’être le modèle que les admirateurs du héros voulaient qu’elle soit, scrutant son comportement pour rechercher la tache qu’elle aurait jetée sur leur étoile défunte. Elle a choisi de vivre avec un mort, pour sa mémoire, pour que justice lui soit rendue, lui et ses collaborateurs assassinés.

Elle a donné 35 ans de sa vie à ce combat dont elle était l’égérie. Si Thomas est un héros, Marian n’en est pas moins une héroïne.
La principale leçon à la postérité, c’est que les différents politiques ne se règlent pas par les armes. L’argument de la force ne doit pas intervenir dans le débat politique qui reste le lieu de la raison et de la conviction.

Cette leçon est induite par le grand principe du respect du droit à la vie des autres. Le caractère sacré de la vie a été bafoué bien avant leur divorce dans un bain de sang, par les jeunes officiers qui ont pris le pouvoir en 1984. Les crimes de sang ont continué durant les 27 ans de règne de Blaise Compaoré. Quand on a quelque chose à reprocher au président, à son frère et ami, on n’envoie pas la troupe pour l’assassiner, si les fils du dialogue sont rompus entre vous, la justice est le lieu où se règlent les conflits.

Ce procès montre à la jeunesse et aux dirigeants actuels et futurs qu’ils n’ont pas droit de vie et de mort sur les autres citoyens. Le pouvoir sert à améliorer la vie de ses concitoyens, pas à la leur ôter. Le pouvoir sert à garantir à ses compatriotes un pays de sécurité et de paix. L’insécurité ne doit pas provenir de ceux qui sont aux affaires.

Les mouvements des droits de l’homme et tous ceux qui ont combattu l’impunité ces longues décennies n’ont pas vécu, n’ont pas lutté pour rien. La justice vient de parler, une partie de l’ombre s’est dissipée. Le Burkina est reconnaissant pour leur combat.
La vie humaine est sacrée.

Notre pays a perdu trop de ses fils par la violence en politique. Si nous arrivons à accepter que tous les citoyens ont le droit d’avoir leurs opinions et qu’ils ne devraient ni souffrir, ni mourir parce qu’ils pensent autrement, le procès aura fait œuvre utile en plus de la consolation pour les parents des victimes qui ont enfin la justice.

Ce procès ouvre une brèche dans le grand mur de l’impunité dans notre pays. Mais pour un procès emblématique comme celui de Thomas Sankara et des douze, combien d’autres crimes restent impunis ?

Sana Guy
Lefaso.net

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