Actualités :: Burkina/Religion : « Le meilleur croyant ne nuit pas aux autres », explique (…)

Le Dr Boukaré Gansonré, historien à l’université Joseph Ki-Zerbo (UJKZ), a présenté son exposé intitulé « La contextualisation en islam » lors du colloque ENDO-LAB. Ce colloque qui avait pour thématique principale « Le Culturel, le Spirituel et le Cultuel », s’est tenu le 13 juin 2024. L’intervention de Dr Boukaré Gansonré visait à explorer la problématique de la conciliation des identités culturelles africaines et la conversion à l’islam, en abordant les fondements de la foi islamique, les relations entre l’islam et les autres communautés, ainsi que les recommandations pour un meilleur vivre ensemble.

« La majorité des populations africaines, autrefois adeptes des cultes traditionnels, sont désormais principalement converties aux religions universalistes, notamment à l’islam », plante ainsi le décor de sa communication intitulée « La contextualisation en islam », le Dr Boukaré Gansonré. Ce qui suscite, affirme-t-il, des questions sur l’acculturation. Selon lui, malgré les promesses d’espoir et de salut véhiculées par les religions universalistes, l’Afrique semble aujourd’hui confrontée à de nombreux défis sociaux. Dr Gansonré souligne que le contact avec ces religions a bouleversé les sociétés traditionnelles africaines, poussant de nombreux Africains dans une « aventure humaine » sans repères clairs, tiraillés entre leur culture ancestrale et celle des autres. Face à cette situation, des voix panafricanistes réclament, poursuit-il, un retour aux cultes traditionnels pour une renaissance africaine authentique, soulevant des interrogations sur la responsabilité de l’islam dans la situation actuelle de l’Afrique.

Les fondements de la foi islamique

Dr Gansonré explique que la foi musulmane repose sur le tawhid, la croyance en un Dieu unique, Allah, et en Muhammad comme son messager. Les cinq piliers de l’islam, à savoir la profession de foi (shahada), les prières quotidiennes, le jeûne du mois de Ramadan, l’aumône légale (zakat) et le pèlerinage à la Mecque, ainsi que les six articles de la foi, constituent les bases de cette religion.

« La foi musulmane repose sur l’engagement à n’associer aucune autre divinité ou aucune autre force surnaturelle à ce dernier. Autrement dit, l’acceptation qu’aucune autre entité ne peut influencer positivement ou négativement notre existence en dehors de la volonté d’Allah et, en conséquence, la réprobation du recours à toute autre entité en dehors d’Allah », a-t-il commenté. L’historien de l’UJKZ rappelle également un hadith du prophète Muhammad, affirmant que la foi comporte plus de 70 degrés, le plus haut étant la proclamation qu’il n’y a de Dieu qu’Allah, et le plus bas étant le fait d’enlever un obstacle de la route.

« Le meilleur croyant ne nuit pas aux autres »

Dr Boukaré Gansonré souligne que la question de la collaboration avec les adeptes des autres religions est centrale en islam, comme en témoignent le Coran et la sunna. Il cite le verset 13 de la sourate 49 : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et nous avons fait de vous des nations et des tribus pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous auprès d’Allah est le plus pieux ». Ce passage, estime-t-il, incite à la connaissance mutuelle entre les nations et les tribus pour coexister pacifiquement. Afin d’étayer davantage ses propos, l’historien de l’UJKZ, fait intervenir aussi le verset 48 de la sourate 5 qui souligne la diversité voulue par Dieu : « Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté ».

Selon les interprétations de Dr Gansonré concernant ces passages du Coran évoqués, l’humanité est considérée comme une seule famille et un hadith relate que « tous les êtres humains constituent la famille de Dieu et le meilleur des hommes est celui qui est utile aux autres ».
Il rappelle également un hadith où le prophète Muhammad décrit le meilleur croyant comme celui qui ne nuit pas aux autres. Dr Gansonré insiste ainsi, sur le droit d’être et le devoir de présence des non-musulmans, soulignant que l’islam prône la cohabitation pacifique et la collaboration communautaire dans des domaines vitaux tels que l’éducation, la santé et la lutte contre les inégalités.

L’importance de dissocier l’islamisation de l’arabisation

Pour Dr Gansonré, la contextualisation en islam implique l’adaptation de la pratique de l’islam au contexte culturel et géographique spécifique. Il soutient que dès les premiers siècles de l’islam, les musulmans ont dû recourir à l’ijtihad, un effort de réflexion basé sur le Coran et la Sunna, pour répondre aux nouvelles situations rencontrées lors de l’expansion de l’islam. Il souligne l’importance de dissocier l’islamisation de l’arabisation, permettant aux convertis de préserver leur identité culturelle tout en pratiquant l’islam.

Dr Gansonré donne des exemples de contextualisation de l’islam en Afrique, tels que l’islamisation des funérailles traditionnelles avec les douas après les décès, l’intégration de certains aspects du mariage traditionnel et religieux, ainsi que l’adaptation des écoles coraniques aux réalités locales. Il précise que l’islam a une dimension statique, immuable dans ses dogmes, et une dimension évolutive, qui s’adapte aux conditions de vie et aux contextes culturels.

Suggestions et recommandations

Dr Gansonré propose plusieurs recommandations pour un meilleur vivre ensemble au Burkina Faso, adressées aux autorités musulmanes, à l’État et aux promoteurs des cultes ancestraux. Il appelle à une éducation des fidèles pour une utilisation saine des réseaux sociaux, à une meilleure compréhension de la laïcité, et à éviter l’instrumentalisation du fait religieux à des fins politiques. Il recommande également aux promoteurs des cultes ancestraux de dépasser les passions religieuses et de ne pas cultiver un esprit de victimisation ou de vengeance.

« Revoir le cas spécifique du décret du 6 mars 2024 portant institution de la Journée des coutumes et traditions, qui à notre sens ne contribue pas forcement à renforcer la laïcité, mais aussi n’est pas de nature à susciter l’adhésion de tous, au regard de certaines de ses dispositions », a-t-il interpelé.

En conclusion, Dr Gansonré affirme que la quête d’authenticité pour l’Afrique est louable mais doit être critique et sans complaisance. Il met en garde contre le repli identitaire et souligne que le développement de l’Afrique ne peut se faire en vase clos. Plutôt que de diaboliser les religions universalistes, il appelle les Africains à travailler à l’éradication de la corruption, des conflits ethniques et de la manipulation politique. La conciliation de la pratique de l’islam et la préservation des identités culturelles africaines est, selon lui, une opportunité à saisir pour un avenir harmonieux et prospère.

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Hamed Nanéma
Lefaso.net

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