Boanga ne pouvait plus parler. Le « Assalamalékoum » qu’il s’apprêtait à prononcer était resté coincé dans sa gorge. Ce qu’il voyait le dépassait tout simplement. Aujourd’hui encore Boanga a toujours du mal à expliquer pourquoi dès les premiers jours, il a développé pour Fanta son épouse un amour sans borne, un amour quasi-aveugle.
Non, ce n’était pas seulement une attirance physique, c’est bien plus, comme des liens invisibles le fixaient absolument à Fanta. Et pour parfaire son bonheur, il avait acquis la certitude que Fanta également nourrissait des sentiments égaux aux siens. Or, il se trompait.
Boanga n’était pas riche mais le peu de moyens qu’il a pourrait passer aux yeux de biens de Burkinabé pour une fortune. Et Fanta était du nombre. Aussi profitait-elle des largesses de son amoureux. Elle et sa famille en profitaient. Des membres de cette large famille, il y avait l’oncle, l’oncle que Fanta lui avait présenté avec empressement et chaleur. Un oncle qui arborait fièrement une belle barbe fournie en longs poils.
Peut-être, était-ce à cause de cette barbe-là que Boanga se lia d’amitié pour l’oncle. C’était à lui qu’il se confiait en cas de cas, si bien que l’oncle était parfaitement dans l’intimité du couple Boanga. Il donnait des conseils que Boanga trouvait judicieux ce qui faisait qu’en retour, il bouchait généreusement les petits trous des poches de l’oncle de son épouse. La confiance régnait dans le meilleur des mondes pour le malheur de Boanga.
En compagnie de son oncle, Fanta était rentrée au village. La date de son retour étant largement dépassée, Boanga qui ne tenait plus, décida d’aller la chercher. Sur place, il ne se rendit pas directement dans sa belle-famille, ayant décidé de se rendre chez l’oncle, qui l’accompagnerait ensuite chez les Fanta.
L’oncle, malgré sa belle barbe fournie était célibataire. Il habitait une maisonnette un peu à l’écart des cases du village, Boanga connaissait bien les lieux. La porte étant ouverte, il souleva le rideau en même temps qu’il lançait joyeusement son "Assalamalékoum".
C’est ce salut que ce qu’il vit l’empêcha de terminer. Fanta, un pagne noué autour de la poitrine était couchée sur les jambes de l’oncle et lui caressait la barbe. L’oncle aussi avait la main dans le pagne de Fanta. Des préliminaires fort avancés. Lorsqu’ils le virent, les deux qui s’apprêtaient à lui planter une énième corne, suspendirent leurs gestes le regardant avec des yeux qui pouvaient vouloir dire : "nous sommes mal morts aujourd’hui".
Mais Boanga ne les tua pas. Il le regardait du regard d’un âne à qui on retirerait son foin. Boanga n’a pas eu besoin d’une chronique pour savoir que l’oncle n’en était pas un. Il était le petit ami du village de Fanta, petit ami qui est devenu son amant. Sa douleur aujourd’hui c’est de savoir que ces filous-là l’avaient vraiment pris pour un baudet et le « boukifiaient » avec presque sa bénédiction.
Sur le coup, notre homme avait oublié que son prénom Boanga voulait signifier « âne »... comme une prémonition. Mais honni soit qui mal y pense, car n’importe qui peut se faire avoir de la sorte par ce genre de personnes pleines de fourberie et d’hypocrisie. Ah, tout de même, comme on a envie de dire « hin, han ! » à ce pauvre vieux Boanga !
Sakré C. OUEDRAOGO (seydou_2004@yahoo.fr)
Sidwaya
