Actualités :: Gestion des affaires publiques : Les régimes passent, passent ; chacun à (...)

Les principaux dirigeants du régime de Blaise Compaoré n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Le calvaire qu’ils sont nombreux à vivre actuellement prend son essence dans les crocs-en-jambe et les animosités qui ont longtemps couvé en leur sein. Comme après le 15-Octobre où des dossiers cachés ont été dépoussiérés pour compromettre certains fidèles de Noël Isidore Thomas Sankara. Comme sous la Révolution du 4-Août avec les fameux Tribunaux populaires de la Révolution (TPR) ont resurgi des malversations supposées pour accabler les autorités en charge du pays de 1960 à 1983. Après l’insurrection populaire, les « nouveaux maitres » ont, à juste titre, entrepris de donner une suite judiciaire aux documents tantôt jugés « top secrets » ou « très confidentiels », tantôt classés « sans suite ». Rien n’est donc nouveau sous l’actuel ciel sociopolitique burkinabè.

Autant reconnaître avec Lavoisier que même sous une Transition : « Rien ne se crée, rien ne se perd. Tout se transforme ». A la démocratie comme à la démocratie ! Aux premiers instants, les interpellations et les arrestations des ex-personnalités ont été frappées d’illégalité à cause de l’absence de la Haute Cour de Justice. Cette juridiction, prévue dans la Constitution, a jadis servi d’artifice démocratique avec un maître de gymnastique, en la personne de Mariam Marie Gisèle Guigma née Diasso, comme sa présidente à la dernière législature. Celle-ci est maintenant appelée à jouer pleinement son rôle pour la postérité.

La plupart des accusations portées contre les ex-dignitaires s’appuie sur un travail déjà abattu par eux-mêmes, envers ou contre. Il s’agit maintenant de les éclaircir pour retenir les plus sérieux et écarter les plus fantaisistes. L’opinion publique a régulièrement invité le gouvernement à aller au-delà des folklores annuels pour donner une suite judiciaire aux rapports de l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat (ASCE) et de la Cour des Comptes (CC) afin que les reproches à l’encontre des « Commis de l’Etat » soient « confirmés ou infirmés ». Ce cri de cœur est tombé dans l’oreille d’un sourd. Dès lors, les organes de contrôle de la gestion des finances publiques ne sont que des meubles de l’Etat de droit. La mise en place de la Chambre de jugement de la Cour des Comptes traine. Et tout se passe comme si « l’on enterrait un cadavre en laissant ses pieds dehors ».

Il est aussi arrivé que les initiatives et les actions des organes de contrôle soient orientées et biaisées dans l’intention de déstabiliser des camarades devenus trop gênants, en disgrâce et trop indépendants. Tous les grands « garibouts » de l’Etat répondant du grand sachem, le seul grand maître, éternel décideur de Kosyam, les résultats des investigations de l’ASCE et de la Cour des Comptes sont soigneusement rangés pour être brandis « en cas de cas ». Les crocs-en-jambe entre personnalités au sein du régime, les querelles de leadership, les bisbilles entre militants ont parfois mis sur la place publique ce que le commun des mortels ignore. La guéguerre entre le camp François Compaoré et celui de Salif Diallo, les luttes de clans et de positionnement au sein du CDP et des différents gouvernements ont exacerbé ces confrontations déguisées. Les uns sont animés de la volonté de plonger les autres. « Quand le sorcier de la maison commune n’attrape pas, celui de dehors ne peut pas avoir ». Cet adage burkinabè sied à la mise en accusation de Blaise Compaoré et de ses collaborateurs. « Il n’ose pas. On sait ce qu’il a commis comme gaffes quand il était le boss de telle ou telle boîte. S’il nous tourne le dos, on brandit çà contre lui et il est mort ». Ces menaces ont été constamment proférées en sourdine par des zélés du système dans les couloirs du siège de l’ex-parti majoritaire, CDP, sur Kwamé NKrumah et du palais présidentiel, à Ouaga-2000. Ils ont perpétuellement désarmé des Commis de l’Etat dans leur élan de changer de camp ou de s’affranchir des chaînes partisanes avilissantes. Les investigations des renseignements généraux et des organes de contrôle de l’Etat ont souvent servi à des stratégies personnelles et politiques. Elles présentent actuellement leur vrai revers. Il y a de quoi être effrayé ou s’affoler. Ce qui a été caché ou tenu secret se trouve dans l’autre camp.

L’on peut estimer, à tort ou à raison, que le CNT n’a pas mis la manière pour inciter la Haute Cour de Justice à voir clair dans des dossiers endormis ou dormants. D’autant que la mise en accusation intervient au lendemain de l’arrêt de la Cour de la CEDEAO et à la veille du dépôt des candidatures pour le scrutin du 11 octobre prochain. Toutefois, force est de reconnaître que cette institution et ses membres ne sont pas allés de leur imagination. Leur initiative a été, en grande partie, bâtie sur l’existant. Les chefs d’accusation résultent de fouilles antérieures dans les arcanes de l’administration Compaoré. A l’époque, certains dignitaires sont montés au créneau pour réfuter les conclusions sans en apporter des preuves. C’est le régime de Blaise Compaoré qui a tendu la perche de son accablement au CNT. Il a orchestré sa propre trappe. A force de vouloir régler des comptes entre eux, les ex-dignitaires ont offert les armes juridiques à leurs successeurs. Ce qui a été concocté, pour faire semblant dans le jeu démocratique ou pour mieux asservir les uns et les autres dans un même régime, se révèle un piège très sérieux. Ce sont des personnes non actrices du cirque ou de la tragi-comédie qui vont décider du sort des uns et des autres.

Même au cœur de Kosyam, des voix ne tarderont pas à s’élever un jour pour décrier les comportements de demi-dieux (Directeurs, Officiers, Protocoles) dans cette forteresse d’alors où tous les coups financiers fumants étaient permis en toute impunité. Certains tiennent encore les rênes du pouvoir. D’autres, tout en criant aux victimes, tentent de s’agripper politiquement. Les lois sur les marchés publics et la gestion des fonds de l’Etat ont beau exister, elles ont été foulées au pied. Des fournisseurs et des prestataires de service du Palais présidentiel sont toujours là à implorer le Tout Puissant qu’un bon Samaritain vienne à leur secours pour éclaircir les raisons du non-paiement de leurs factures depuis des années. Tout porte à croire que ce bastion du pouvoir, disposant d’un Directeur des affaires administratives et financières (DAF) et d’un Directeur des marchés publics (DMP), a toujours réglé ses commandes. Mais les représentants du ministère des Finances n’étaient que des épouvantails pour faire croire aux naïfs que « Même au sein de la Présidence du Faso, le ministère de l’Economie et des Finances garde un œil sur les dépenses ». Factures parallèles, surfacturations, détournements, refus délibérés d’honorer des factures payées sont légion. Si le contentieux du passif présidentiel avec les fournisseurs n’est pas vidé avec le Président du Faso à venir, son successeur démocratiquement élu devra s’en charger pour vider ce haut lieu de ses vautours avides d’argent.

Les prérogatives dévolues du DAF et du DMP de la Présidence étaient confinées entre les mains des bras droit du Président du Faso, qui pour les infrastructures, qui pour les commandes de véhicules, qui pour l’avion présidentiel, usaient de subterfuges pour s’offrir un matelas d’argent au grand dam du Trésor public et des activités des opérateurs économiques. Le partage du gombo entre « fidèles parmi les fidèles » a passé outre, au vu et au su de tout le monde, l’orthodoxie financière dans un Etat de droit. Que les polémistes s’avisent, il n’est point question ici ni de fonds secrets ni de dépenses de souveraineté. Il s’agit de la gestion courante de deniers publics traditionnels.

Dans sa fougue apparente de Premier ministre respectueux des principes en matière de dépenses publiques, Tertius Zongo a eu maille à partir avec le « tout puissant et Intouchable » Directeur des Infrastructures de la Présidence pendant la rénovation de l’ancien Palais pour y loger la Primature. Ses appels à suivre les procédures normales ont reçu des réponses sans formules de politesse. Cette dérive vaut aussi pour l’Assemblée nationale avec l’échappatoire aux normes classiques trouvée aux Questeurs, habilement choisis parmi des bras droits, les fidèles parmi les fidèles du Président de cette institution. Dieu seul sait comment cette complicité légale au sein du Parlement a permis de dealer l’argent du contribuable burkinabè dont une bonne partie disposée dans des cantines lors du vote du 30 octobre n’a pas été consumée dans les flammes contrairement à ce que l’on veut le faire croire mais elle a été emportée par ses premiers responsables qui se la coulent douce actuellement.

« Un pays, des mondes », tel pourrait être le titre d’un film sur l’utilisation des fonds publics au Burkina Faso. Quand il s’agit de promouvoir la démocratie, l’indépendance des pouvoirs se trouve engluée par l’Exécutif. Quand c’est l’heure de « bouffer », celle-ci s’exerce pleinement. Koulouba (siège du gouvernement) ne prête pas attention à Kosyam (siège de la Présidence du Faso). Koulouba et Kosyam n’ont rien à voir avec la manière dont le Boulevard de l’Indépendance (siège l’hémicycle) utilise les fonds alloués. Le pouvoir judiciaire est bien aveugle étant donné qu’il s’efface devant le Président du Faso qui est le grand patron du Conseil supérieur de la Magistrature.

Des hommes et des femmes se sont comportés comme si le pays était un héritage personnel que des parents leur ont légué. Il faut seulement avoir le courage de le reconnaitre. Dans l’élan d’une nouvelle insurrection contre les abus des ressources de l’Etat, il faut continuer à secouer le cocotier avec sincérité en instaurant des audits indépendants sur la gestion des Institutions, des Ministères, des Sociétés d’Etat, Etablissements publics de l’Etat (EPA), des Projets et programmes de développement. Au-delà de l’affolement et des cris de victimisation de certaines personnalités mises en accusation, la nécessité de rendre compte s’impose. A défaut, « Gardez le silence. Vous pouvez demander l’assistance d’un avocat. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous ». La sorte hâtive de Djibrill Yipènè Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères, dont les faits reprochés remontent à 2013 et résultent d’une conclusion de l’Inspection générale des Finances (IGF) sur la gestion de son département ministériel pour l’année 2012 est à regretter. Il donne l’impression qu’aux yeux de ceux qui dirigeaient le pays, les inspections et les contrôles relatifs à la bonne utilisation des ressources de l’Etat ne visaient qu’à amuser la galerie, à amadouer les bailleurs de fonds et à contenter l’opinion nationale.

Quoique les activités des organes de contrôle pèsent sur le Trésor public, elles sont accueillies tel « le chien aboie et la caravane passe ». Pourtant les personnes incriminées avaient la possibilité de fournir des preuves contraires. Mais elles n’y ont accordé, en son temps, ni de l’attention ni de l’importance. Ils ont dormi tranquilles jusqu’à ce que la Transition vienne troubler leur quiétude. Un jugement ne signifie certes pas à priori une condamnation mais il appartient à tout(e) citoyen(ne) incriminé pour sa gestion de la chose publique de se présenter dignement devant les Tribunaux pour répondre de ses actes afin d’être inculpé ou disculpé. Les mises en accusation pourraient offrir l’occasion de dissiper les suspicions et les doutes sur des personnes qui ont servi avec fidélité et loyauté mais dont les tenants d’un système ont voulu, à un moment, souiller l’image à dessein. En pareilles circonstances, une sensibilisation de l’opinion apparait nécessaire pour ne pas condamner hâtivement des personnes sur lesquelles pèsent pour le moment de simples présomptions.

Si elle est unanimement comprise et acceptée, l’interpellation des « Grands commis de l’Etat » vaut pour Hier, Aujourd’hui et Demain. Ce combat pour l’utilisation efficace et efficience des ressources de l’Etat doit être mené de façon inclusive et sans relâche. S’il est sincère, le réveil de la justice doit être capable de rattraper le passé, de dompter le présent et de rassurer sur l’avenir. « Tôt ou Tard », tel doit être le refrain des gestionnaires de deniers publics devant la justice. Les autorités de la Transition ne sont pas exemptes d’une telle obligation. Ni même les futures qui prendront le relai. Bluff, coup d’éclat ou légitimation d’un acte législatif et juridique sans précédent, les hauts co-comptables de l’ère Compaoré semblent avoir entendu le son de cloche sans précédent du CNT. « Le MPP n’est pas au-dessus de la loi et si la Haute Cour de Justice venait à vouloir entendre ses membres, le parti ne s’y dérobera pas », a publiquement soutenu le Président Roch Marc Christian Kaboré. Le Burkina Faso tirerait un grand profit de ses ressources s’il parvient à imposer franchement et équitablement à tous ses citoyens l’exigence de « rendre nécessairement compte » à la Nation. Il est vrai que sans être auréolé des privilèges d’un Etat-Providence, le régime de Blaise Compaoré s’est souvent livré à des dépenses de prestige réduisant les capacités de progrès du pays. Il est aussi avéré que dans ce vent actuel de l’austérité tous azimuts, soufflé à dessein et selon les directions sous cette Transition, les Burkinabè ne sont pas logés à la même enseigne. Des dérapages et des dérives liés à la gestion des fonds publics empestent l’atmosphère. Allons seulement ! Plus rien ne sera comme avant ! Il est à espérer que justice sera rendue tôt ou tard.

Filiga Anselme RAMDE
Filiga_ramde@yahoo.fr
Pour lefaso.net

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