Actualités :: Crimes économiques : Ousmane Guiro condamné à deux ans de prison avec (...)

La Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou a finalement rendu sa décision sur l’affaire Guiro. Il en est ainsi, du moins avec le verdict rendu au cours de la nuit du 20 au 21 juin 2015 dans la salle qui sert de cadre aux assises criminelles ouvertes le 15 juin dernier. Un verdict qui prononce la condamnation de M. Guiro dont la culpabilité a été établie relativement à certains des chefs d’accusation qui pesaient sur lui.

Il était 23h30, lorsque le jury criminel présidé par Jean Emile Somda, 1er président de la Cour d’appel, regagnait la salle d’audience pour la énième fois depuis l’ouverture – deux jours plus tôt - de ce procès. Ce jury venait ainsi de passer plus de cinq heures de recueillement au cours duquel recueillement chacun de ses membres devrait faire parler ‘’son intime conviction’’. Et ce, après avoir écouté avec la plus grande attention, tous les intervenants dans ce procès. Mais surtout après une claire compréhension des questions de droit formulées et rendues publiques par le président Somda, et dont les réponses précises devraient au mieux, orienter la décision à prononcer.
La première de ces questions a été formulée en ces termes : « Guiro Ousmane est-il coupable d’avoir à Ouagadougou, courant année 2011, en tout cas depuis moins de trois ans, étant fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire, militaire ou assimilé, agent ou préposé de l’administration ou personne investie d’un mandat électif, en l’espèce directeur général des douanes du Burkina Faso, agréé des offres, reçu des dons ou présents, en l’espèce des sommes d’argent ? ». A cette question, le jury constitué de trois magistrats professionnels et de quatre jurés, a majoritairement répondu ‘’Oui’’. Une question subsidiaire en a découlé : « Les choses ou valeurs reçues sont-elles d’une valeur de 1 906 190 604 FCFA ? ». A cette dernière, la réponse a été « ‘’non’’ à la majorité ». Cette somme étant celle trouvée dans les cantines saisies en fin décembre 2011. Des cantines (vides) apportées sous escorte de gendarmerie, à l’audience de ce 20 juin 2015.
A la deuxième de ces questions, celle selon laquelle « Guiro Ousmane est-il coupable de s’être à Ouagadougou courant 2011, en tout cas depuis moins de dix ans, enrichi illicitement en se servant de la fonction de directeur général des douanes du Burkina Faso, pour acquérir personnellement la somme de 1 906 190 604 FCFA par acceptation d’offres, réception de dons ou présents pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir des actes de sa fonction, ou de son emploi non-sujets à salaire ? », le « jury a répondu ‘’non’’ à la majorité ».
Et à la troisième, « Guiro Ousmane est-il coupable d’avoir à Ouagadougou, courant année 2011, en tout cas depuis moins de trois ans, contrevenu à la législation relative au contrôle des changes, en n’observant point les procédures prescrites ou les formalités exigées, en l’espèce, en n’accomplissant pas le devoir de céder à un intermédiaire habilité dans un délai de huit jours à compter de la date d’entrée sur le territoire national de billets étrangers et autres moyens de paiement libellés en devises, leur contre-valeur excédant 500 000 FCFA ? », la réponse est « ’’oui’’ à la majorité ». « Existe-il des circonstances atténuantes ? ». La réponse est « ‘’oui’’ à la majorité ».

La corruption porte sur la somme de 900 000 000 FCFA

Tirant, à la lumière des termes des articles 156 du Code pénal et 37 du Code des douanes, les conséquences de ces réponses, la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou a déclaré « Guiro Ousmane coupable des faits de corruption, mais dit que la corruption porte sur la somme de 900 000 000 FCFA ». D’où sa condamnation non seulement à « une peine d’emprisonnement de deux ans assortis du sursis », mais aussi au paiement de « la somme de 10 000 000 FCFA à titre d’amende ».
Et ce n’est pas tout. La Chambre criminelle « ordonne la confiscation des objets saisis, à hauteur de 900 000 000 FCFA, outre les devises étrangères », et « condamne Guiro Ousmane aux dépens ».

La Cour déboute l’AJT dans sa réclamation de 500 000 000 FCFA

Répondant spécifiquement à la réclamation de dommages-intérêts, une réclamation émise par l’Agence judiciaire du trésor (AJT), Jean Emile Somda dira que « Sur les intérêts civils, la Chambre, après en avoir délibéré hors la présence des jurés, reçoit la constitution de partie civile de l’Agence judiciaire du trésor en la forme. Au fond, l’en déboute comme étant mal fondée ». Autrement dit, la Chambre criminelle a reconnu que l’AJT était fondée à se constituer partie civile dans ce procès, mais que, ce qu’elle réclame de l’accusé au titre de dommages qu’aurait subis l’Etat, ne se justifie pas.
Au terme de sa plaidoirie en effet, l’AJT a demandé au jury de condamner l’accusé au versement de 500 000 000 FCFA et de prononcer au profit de l’Etat burkinabé, la confiscation des sommes et valeurs scellées. Pour elle (l’AJT), M. Guiro a commis l’infraction de corruption passive en acceptant dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, des fonds de la part de divers acteurs (directeurs régionaux des douanes, de commerçants, de transitaires). Il a également, selon l’AJT, commis l’infraction d’enrichissement illicite pour avoir accumulé, par usage des moyens de l’Etat, de la richesse injustifiable.
A en croire l’AJT, le cumul des salaires et avantages légaux de M. Guiro durant toute sa carrière professionnelle, se chiffrent à un peu plus de 483 millions de FCFA. Or, les seuls fonds scellés et dont il est propriétaire se chiffrent à près de deux milliards. Ousmane Guiro doit donc être condamné. En sus, il aurait violé la règlementation des changes, en arguant du fait qu’il n’en avait pas connaissance. Etant donné que « nul n’est censé ignorer la loi », M. Guiro doit, de l’avis de l’AJT, être condamné.

Le parquet, très peu suivi

Pour les mêmes chefs d’accusation et inspiré par les mêmes raisonnements, le parquet a demandé à la Cour de condamner fermement M. Guiro. Pour le parquet en effet, sur la base des seuls fonds saisis dans des cantines, et au regard de ce que Guiro devrait légitimement avoir comme rémunération en tant qu’agent public de l’Etat, flotte la somme de plus d’un milliard qu’il ne peut justifier. Et à en croire le procureur général Laurent Poda, cette somme injustifiable acquise sur la base de « contrats occultes » peut, à elle seule, financer la construction de 19 CSPS (Centres de santé et de promotion sociale), ou de 33 écoles, ou encore de 361 forages.
Du reste, le parquet a invité la Cour « à déclarer Guiro coupable de ces trois chefs d’accusation ». Et de le condamner en conséquence, à dix ans d’emprisonnement ferme, au paiement de dix millions à titre d’amende, à l’interdiction de ses droits civiques durant cinq ans. La Cour a également été invitée par le parquet, à décerner - séance tenante - un mandat de dépôt à M. Guiro, à ordonner la restitution à l’Etat, des armes trouvées chez lui mais ne lui appartenant pas, à ordonner la confiscation non seulement des cantines d’argent, mais aussi de ses biens immobiliers exceptée sa maison d’habitation, ainsi que des motos qu’il a achetées entre 2007 et 2011 (du temps où il était DG des douanes).
Mais il n’aura été suivi par la Cour qu’en ce qui concerne la condamnation au paiement d’amende de dix millions. Et le procureur général, précisant que « ça arrive qu’on ne soit pas suivi », confie n’être pas tout de même déçu. Néanmoins, il n’exclut pas l’option de pourvoi en cassation. Pour ce faire, dit-il, « Je vais prendre le temps d’analyser la décision, pour voir si j’ai la chance de réussir devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation ».
En tout cas, le parquet dispose de quinze jours pour attaquer la décision ainsi rendue, devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Et cette dernière aurait à vérifier si au regard des problèmes de droit que soulève le dossier Guiro, le ‘’juste droit’’ a été dit ou non, sans rentrer dans l’examen des faits de cette affaire.

La corruption met en relation un corrupteur et un corrompu

Mais devant la Cour d’appel déjà, la défense de l’accusé a reproché au parquet d’avoir manqué à apporter « la moindre preuve » de la culpabilité de M. Guiro. Pour le collectif d’avocats commis par l’accusé, s’il y a des problèmes à solutionner dans le présent dossier, ils ne sont pas d’ordre juridique. Car, précise Me Pierre Yanogo, « on n’a pas besoin d’aller à l’école de droit pour savoir que la corruption met en relation un corrupteur et un corrompu ». Or, le procureur n’a pu identifier et amener aucun de ceux qui seraient les corrupteurs de l’ex-DG des douanes qui a laissé entendre à la barre ce 20 juin 2015, « j’ai eu son argent honnêtement ».
Et un autre de ses avocats, Me Paulin Salambéré de lui demander : « M. Guiro, savez-vous pourquoi vous êtes devant la Cour ? ». Et d’ajouter, « Je vais vous le dire. M. Guiro, vous êtes à la barre parce que vous êtes honnête, parce que vous avez travaillé ». A en croire Me Salambéré, l’ex-DG des douanes a travaillé au point que les caisses de l’Etat ont été renflouées à hauteur de 1 000 milliards de FCFA durant les quatre ans qu’il a passés à la tête de la direction générale des douanes.

Une décision à la satisfaction de la défense

Cela, M. Guiro le confirmera dans sa dernière intervention à la barre avec la précision, « Durant toute ma carrière, j’ai travaillé honnêtement et cela m’a valu des reconnaissances ». Et d’ajouter, « Depuis ma nomination, j’ai toujours œuvré pour le recouvrement des recettes. J’ai lutté sans relâche contre la corruption et la fraude douanière. J’ai même sanctionné certains de mes collaborateurs. Les faits de corruption qu’on me reproche, sont tout le contraire de ma politique ». Aux membres du jury, M. Guiro a fini par dire, « Je m’en tiens à votre décision ». Une décision qui sera prononcée quelques heures plus tard, mettant fin à sa vie en milieu carcéral, à la satisfaction de ses avocats.
En tout cas, dira Me Salambéré, « En grande partie, nous sommes satisfaits du verdict. Déjà, le fait que M. Guiro ne retourne pas en prison, c’est un soulagement notamment pour sa famille et ses amis ». Mais pour la défense, même en partie, l’infraction de corruption ne devrait pas être retenue contre M. Guiro. Et les échanges avec ce dernier lui (la défense) permettront, confie Me Salambéré, de dégager la suite à donner à cette décision. Une décision contre laquelle M. Guiro et sa défense ont a cinq jours (conformément à l’article 116 du Code de procédure pénale) pour saisir la Chambre criminelle de la Cour de cassation.

« Cette juridiction a statué en toute liberté »

En attendant, Me Salambéré s’associant ses confrères, dira « nous estimons que cette juridiction a statué en toute liberté ». Et d’ajouter, « Nous sommes tous émus, parce que depuis le 1er janvier 2012, M. Guiro était coupable de tous les crimes de la terre. Aujourd’hui, il a eu l’occasion de s’exprimer. La justice l’a écouté, la justice a rendu la décision qu’elle a trouvée bonne pour lui. »
Poursuivant, Me Salambéré dira à l’endroit des journalistes lui recueillant des propos, « Vous-mêmes présents, vous vous attendiez certainement à ce que M. Guiro retourne en prison. On ne peut pas priver un homme de sa liberté. La liberté, c’est un droit fondamental pour l’homme. Je pense que la juridiction l’a reconnue ».
Et son confrère Me Pierre Yanogo d’opiner, « Je pense que les gens devraient apprendre à apprécier ce que la justice dit ». Et avec ce que vient de dire la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou ce 20 juin 2015, l’affaire Guiro est en principe close. Mais celle de son co-accusé, Zongo Eric (absent), sera examinée le mercredi 24 juin 2015 devant la même Cour.

Fulbert Paré
Lefaso.net

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