Actualités :: L’humeur de Pathé Barry : Je serai député

Il y a dans ce pays, des gens qui jouent des pieds et des mains pour faire échouer la transition. Ils font de la résistance, croyant, par leurs manigances, entraver la bonne marche de la révolution en cours. Fait partie de ces milieux réactionnaires, mon voisin de quartier, inspecteur de l’enseignement de son état. Jugez en vous-mêmes !

Depuis hier je sentais qu’il voulait me dire quelque chose. Mais, il ne savait pas par quel chemin passer pour me le dire, sans subir ma colère. Puis, ce matin, il s’arma de courage et m’apostropha, sur un ton empli de crainte : « Voisin, la rentrée des classes du 3è trimestre c’est pour le 1er Avril. Mais je constate que vous n’avez pas encore rejoint votre poste. Y a-t-il une raison particulière qui explique cela ? »

Il n’en fallait pas plus pour que ma potasse bouillonnât du fond de mon être pour surgir dans mes yeux qui devinrent tout rouges. Pour qui se prend-il celui-là ? Parce qu’on est inspecteur, on s’arroge maintenant le droit de régenter la vie des autres ? Je ne lui ai même pas laissé le temps de retrouver son souffle, après son discours insipide. Je lui ai répondu du tic au tac ! « Y a quoi ? Est-ce que je relève de ta circonscription ? C’est toi qui me paie à la fin du mois ? Fous le camp ! N’importe quoi ! »
Non, mais ! Il faut parfois dire la vérité à certains quoi ! Quel malappris !
Est-ce ma faute si le gouvernement a voulu nous faire un poisson d’avril en fixant le 1er avril comme date de retour en classe ? De surcroit un mercredi, veille de jeudi, avant-veille de vendredi lui-même veille de samedi qui annonce dimanche, jour du seigneur et de pâques. Jour de pâques dont le lendemain, lundi, est férié ?

De toute façon, pâques ou pas, nul ne viendra changer mon emploi du temps, immuable depuis de longues années maintenant. Le voici : Départ, le lundi à 7h30 pour l’école (située à 25 km de mon lieu de résidence), arrivée autour de 8h30, retour en ville le mercredi à 17h. Le jeudi n’est pas un jour de classe, le vendredi, lui, est carrément enjambé, le samedi n’est pas un jour de classe normal non plus et le dimanche, les guerriers se reposent. Et on reprend encore le même processus, le lundi.

Beaucoup de gens font ça et c’est moi seul que toi, tu veux sermonner ? Parce que nous sommes en transition ? Vas sermonner tes enfants ! C’est eux qui mangent chez toi.

Je n’ai pas utilisé le même ton que lui ! J’ai crié afin que sa femme, du fond de leur maison, sache que son mari, qu’elle croit respectable, est en fait un vaurien de la pire espèce. Un jaloux patenté. Et elle m’a entendu, je vous assure !
Coupé court dans son élan moralisateur, notre ami, « môssieur l’inspectaiiir », n’a pu que secouer la tête et enfourcher sa yamaha100, direction ses bureaux. Il passera une bien mauvaise journée, c’est sûr. Tant pis ! Quel casse-pieds !

Contrairement à cet emmerdeur, mon chef de circonscription sait que je suis un dur à cuir, un révolutionnaire. Il a osé un jour me proposer d’aller ouvrir une nouvelle école sous paillottes et d’en être le directeur.

PAILLOTTE ! Ce mot me révulse. J’ai passé tous mes cursus primaire et secondaire dans des écoles sous paillottes. Je n’accepterai, pour rien au monde, enseigner dans de si dégueulasses conditions. Pour que des mauviettes en sortent et peut être, deviennent un jour, eux aussi, des enseignants pour m’égaler et me narguer ? Jamais ! Lui ai-je répondu.

Pour m’appâter, il m’avait dit que dans la nouvelle école, il y avait un logement de grand standing pour chaque enseignant : 3 chambres-salon-douche-cuisine. Il avait prétendu que mes enfants s’y épanouiraient mieux, du fait du grand espace disponible, à l’opposé du « chambre- salon » dans lequel nous sommes confinés, en ville.

Mais, je ne suis pas bête là. Si j’acceptais, on me couperait mes indemnités de logement. Alors que c’est le quart seulement de ces indemnités qui servent à payer mon loyer en ville. Et je profite du reste à ma guise.

Conditions de vie meilleure, avait-il pensé ! Il y a vraiment des tarés dans notre milieu ! Je préfère encore « mon chambre-salon ». Même si certaines nuits, nous sommes obligés d’administrer des somnifères à bébé qui refuse d’aller rejoindre ses ainés au salon, alors que papa et maman veulent se voir « très très au sérieux ».

J’imagine déjà les ulcères d’estomac que mon voisin aura quand, dans quelques jours, il me verra plus souvent en ville, en train de mener tranquillement mes activités politiques. Les élections, c’est pour octobre et seuls ceux qui n’ont aucun esprit d’anticipation attendront ce mois pour tourner et faire connaitre leur parti. Il me faut donc être là afin que nos leaders me remarquent et surtout, remarquent mon engagement au service de notre idéal. C’est pourquoi, je serai de toutes les sorties afin que l’évocation de mon nom seul suffise pour que le président du parti m’inscrive sur la liste des députables.

Comme vous l’avez si bien deviné, je veux être député et cela nécessite des sacrifices. C’est pourquoi, j’ai dû quitter mon ancien parti. Par ces temps qui courent, il ne fait pas bon s’afficher sous la bannière des temps anciens. Surtout avec cette loi en gestation au CNT, visant à exclure des prochaines élections tous ceux qui ont, de façon ouverte, soutenu le projet de modification de l’A37. J’ai donc bien fait de bruler les T-Shirt qui me restaient et de migrer dans un autre parti, pour me faire oublier.

Bien que j’aie soutenu de façon plus que ouverte ladite modification, je sais qu’il sera très difficile de débusquer tous ceux qui l’ont fait. A moins de sanctionner un certain nombre de gens de façon symbolique. Et dans ce cas, pourquoi un blâme symbolique de la nation ne suffirait-il pas ? De toute façon, moi je suis sauvé. Mon nouveau parti se chargera de me protéger, afin de profiter de ma capacité de mobilisation.

Si je suis élu, et je le serai, finie cette corvée qu’on appelle enseignement. Je vais me tailler une belle villa à la hauteur de mes ambitions. Et je quitterai ce trou à rat que je partage avec cet aigri d’inspecteur. Je rejoindrai la haute classe. Et à nous la belle vie !

Député, j’aurai certainement aussi les moyens d’inscrire mon petit dans cette école huppée de la ville dont tout le monde vante l’amour du travail bien fait et l’esprit de sacrifice des enseignants. Là-bas, la ponctualité est une vertu et l’absentéisme y est vu comme un crime. Ca me coutera cher en frais de scolarité, il est vrai. Mais il n y a rien sans rien. Je ne regarderai pas à la dépense.
L’avenir de mon enfant est bien plus important que ce sacrifice.

BARRY Pathé
Enseignant à Kaya

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