Par la volonté des dirigeants et contre vents et marées, une proposition de loi portant régime de retraite des députés sera bientôt examinée et adoptée par l’Assemblée nationale. Les observateurs de la scène politique nationale ont pesé et soupesé cette décision dans tous les sens, sans percevoir le message que veut faire passer le gouvernement burkinabè. À quoi peut effectivement rimer l’octroi de pensions à des députés ? En attendant que le gouvernement développe ses arguments, on peut noter que cette pension de retraite est bien curieuse dans un pays où les habitants tirent le diable par la queue pour les plus heureux. Quand on analyse sous l’angle du droit l’exposé de motif présenté par le gouvernement, on est peu convaincu ou pas du tout.
En effet, le Conseil des ministres dit avoir introduit cette proposition de loi dans le circuit législatif pour permettre aux députés « de faire face aux obligations sociales et éthiques auxquelles ils ne peuvent se soustraire, même après le mandat ». À moins que l’exécutif et le législatif ne se soient concertés pour modifier la Constitution à l’insu du peuple, nulle part, dans la loi fondamentale, il n’est reconnu aux parlementaires de telles obligations. Le fondement du mandat des élus nationaux est l’article 84 de la Constitution qui dispose que « l’Assemblée nationale vote la loi, consent l’impôt et contrôle l’action du gouvernement ».
Justement, depuis la première législature, les députés eux-mêmes se sont battus pour ne pas être considérés comme “des caisses de sécurité sociale”. Une façon sans ambiguïté de dire qu’ils ne sont pas des faiseurs de baptêmes, de mariages et de funérailles. Ils avaient fait le tour du pays pour insister sur ce fait. La proposition de loi remet en cause cette perception des missions des parlementaires en ramenant leur rôle aux obligations sociales. Le soubassement de cette loi ignore complètement la perception que les populations ont de la gestion de leur social. Le député n’est sollicité que parce qu’il exerce précisément sa fonction de représentant du peuple. Une fois qu’il est remplacé, il n’est sollicité que si et seulement si les relations familiales le permettent.
Du reste, il ne lui est pas tenu rigueur de la nature et du volume de sa contribution. En somme, il devient un citoyen ordinaire vis-à-vis duquel il n’existe plus d’attente particulière.
En outre, le compte-rendu du Conseil des sinistres donne le sentiment d’une précipitation dans l’élaboration du texte, car la formulation officielle de la proposition est déjà hasardeuse puisqu’elle dit que la pension sera « allouée aux députés de 55 ans ». Quid de ceux qui ont moins ou plus de cinquante-cinq ans ?
On peut aussi regretter qu’au moment où la société dans son ensemble se bat pour réhabiliter notre intégrité qui bat de l’aile, le Conseil des ministres prenne un raccourci pour ramener les obligations éthiques à des considérations financières. Qui plus est, l’effet immédiat de la mise en œuvre de cette loi sera de créer une guerre de députés dans les provinces, les anciens se sentant suffisamment forts pour marcher sur les plates-bandes des élus en exercice.
On attend aussi que l’Etat communique des statistiques chiffrées car il est possible, voire inévitable, que les traitements des élus soient rehaussés pour prendre en compte les charges de la cotisation liée à la pension. Ce sont encore les caisses de l’Etat qui vont en prendre un coup, surtout avec l’augmentation du nombre de députés et la création d’un Sénat. C’est pourquoi, aux yeux de l’opinion, cette mesure sonne comme une ultime provocation.
Adam Igor
Journal du jeudi
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