Actualités :: INTERPELLATION D’UN MARABOUT A OUAHIGOUYA : Les populations marchent sur (...)

La matinée du vendredi 15 juin 2012 a été chaude à Ouahigouya. En effet, les populations ont envahi la Maison d’arrêt et de correction de Ouahigouya (MACO) pour exiger la libération d’un marabout arrêté la veille, en la personne de Moumouni Nacanabo, arrestation qu’elles jugent arbitraire. Comme motif de son arrestation, ce dernier aurait, suite à une affaire de famille, tenu des propos injurieux à l’endroit de l’appareil judiciaire. Sous la pression populaire donc, le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouahigouya, Arsène Sanou, a ordonné sa libération.

L’arrestation de Moumouni Nacanabo s’est répandue telle une traînée de poudre à Ouahigouya. L’ébruitement intensif de la nouvelle amène certains leaders d’opinion à intervenir. « Quand j’ai appris l’arrestation de You Mooré, je suis immédiatement entré en contact avec le procureur du Faso pour lui demander de surseoir à cette décision, car elle était porteuse de dangers pouvant provoquer des troubles de toutes sortes. » Ces propos de cet opérateur économique étaient partagés par un dignitaire religieux : « Lorsque j’ai été informé de son arrestation, la première des choses que j’ai faite était de me renseigner auprès du procureur. Certes, je ne connais rien de la Justice, mais j’ai estimé qu’il fallait le libérer plutôt que de le garder pour provoquer la violence ».

Une autre intervention viendra de Ouagadougou. Elle émane d’un homme politique bien introduit du palais de Kossyam. La chefferie coutumière n’était pas en reste. Bien au contraire, la cour royale du Yatenga s’est prononcée pour la stabilité de Ouahigouya, en demandant la libération de Moumouni Nacanabo. Mais selon certaines indiscrétions, le procureur du Faso, Arsène Sanou est resté de marbre face à ces interventions. Pour lui, force doit rester à la loi. Et la procédure judiciaire engagée doit aller jusqu’au bout. Mais c’était sans compter avec la pression de la rue.

Déterminés et bien organisés, les commerçants du grand marché, au cours d’une rencontre, lancent un ultimatum au procureur. « Si à la date du vendredi 15 juin 2012 à 13h, le leader religieux n’est pas libéré, les commerçants iront le libérer par la force de la MACO ». Mais dans la matinée du 15 juin, la tension est montée d’un cran et l’ultimatum de la veille est devenu caduc : si le marabout n’est pas relaxé entre 8h et 9h 00, la MACO subira la furie des contestataires. Tel était le message qui circulait dans la cité de Naaba Kango. L’on apprend également que des habitants de Titao s’apprêtaient à rejoindre Ouahigouya. Dès lors, le marché n’est pas officiellement fermé, mais tous les commerçants ont fermé boutiques pour rejoindre le seul lieu de convergence : la MACO.

7h 45 mn, une foule furieuse a pris position au niveau de ce bâtiment. Une levée de bouclier sur fond de vitupérations et de menaces d’incendie pur et simple du palais de Justice est à l’ordre du jour. Dans une ville estimée à plus de 90 % de musulmans, Ouahigouya abrite un nombre impressionnant de fidèles de la confrérie chère au Cheick Aboubacar Maïga II de Ramatoulaye, berceau de la Tidjania. Aux yeux de nombreux fidèles, cette arrestation sonne comme une provocation, voire une humiliation de la confrérie.

Le procureur, au regard de la tournure des évènements, a dû céder. Mais bien avant, il a vu son véhicule endommagé par des jeunes en colère. Aussitôt libéré, le marabout, considéré désormais comme un martyr, est escorté par ses idoles jusqu’à la grande mosquée de Ouahigouya où il a pris la parole pour remercier ceux qui ont manifesté pour obtenir sa libération. « Même si je mourrais aujourd’hui, je rendrais grâce à Dieu », a-t-il laissé entendre. Les manifestants ont promis de réparer à leurs frais le véhicule du procureur que les jeunes ont endommagé.

Au fait, l’origine de cette affaire est que Moumouni Nacanabo dit You Mooré, prêcheur influent sur les antennes de la radio Wend-Penga et membre de la communauté Tidjania, a tenté une médiation qui lui a été défavorable. En effet, un bras de fer est né entre un fils et son père lorsqu’une fille a été donnée en mariage. Le fils n’ayant pas pris soin d’informer son père, s’est retrouvé face à la colère de ce dernier qui voulait le bannir de la famille. Puis le fils estima que les fiançailles sont en déphasage avec la religion musulmane. Pour le prétendant, c’est You Mooré qui tente de faire échouer ce mariage. L’affaire est alors allée en Justice. Devant le substitut du procureur du Faso, le nommé Moumouni Nacanabo n’a pas voulu écouter les explications de son vis-à-vis. A entendre le procureur du Faso, Arsène Sanou, ce fut une incompréhension, un déficit de communication entre les deux hommes. Mais quant à You mooré, on lui a refusé de prendre la parole pour donner sa version des faits.

C’est ainsi que lors d’une émission sur une autre radio de la place, l’affaire a fait l’objet d’un débat au cours duquel les auditeurs ont appelé. Suite à cette émission, You mooré aurait été approché par de tierces personnes, question de mieux comprendre le fond du problème. Profitant de sa tribune hebdomadaire de prêche, le 8 juin 2012, il a tenu des propos jugés injurieux à l’endroit du substitut du procureur car il a soutenu que même devant Blaise Compaoré qui est le président du Faso, tout citoyen a le droit de s’expliquer… Les aléas du direct en radio obligent, le morceau déjà lâché est consommé. Les responsables de la radio Wend-Panga, notamment la directrice et le chef des programmes, ont estimé que l’homme religieux a franchi le Rubicon. Les deux responsables, mesurant la gravité des propos et pour une question d’éthique et de déontologie, ont voulu qu’à la prochaine émission (le vendredi 15 juin) le prêcheur revienne sur ses déclarations en présentant ses excuses à l’autorité judiciaire. Mais hélas !

Ceci n’aura pas lieu car le Mooré a été arrêté. Alors qu’il était absent de la région, le gouverneur du Nord, El Hadj Boukary Khalil Bara, est rentré vendredi matin à Ouahigouya. Contacté, il a déclaré ceci : « Je ne peux que déplorer cela. Je voudrais surtout demander à la population de garder son calme. Je vais rapidement entrer en contact avec les leaders religieux pour voir comment résoudre cette crise ». Cette situation a été prise au sérieux par les autorités, car Mme le ministre de la Justice, Garde des sceaux, Salamata Sawadogo, a effectué un déplacement à Ouahigouya le dimanche 17 juin 2012. Accompagnée d’une forte délégation, elle a été reçue par le gouverneur de la région du Nord. Après une brève entrevue au gouvernorat, Mme le ministre a tenu une rencontre au palais de Justice avec les autorités judiciaires. Au moment où nous tracions ces lignes, la délégation devrait recevoir un représentant de la communauté musulmane.

Il est prévu également une rencontre avec Sa Majesté Naaba Kiiba. Il faut signaler que la presse a été prise à partie lors de cette manifestation. Au fait, notre confrère du journal Libération, Idrissa Nacanabo, a été agressé et son sac contenant son ordinateur portable confisqué. Il a fallu une âpre discussion pour qu’il puisse entrer en possession de son matériel de travail.

Hamed Nabalma

Le Pays

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