Actualités :: Mendicité : Un fléau à visage infantile

Le nombre élevé des mendiants dans les grandes villes et leur « agressivité » accrue constitue un fléau indéniable qui est pourtant entretenu par certaines pratiques sociales. Regard sur la situation dans la cité des silures sacrés du Burkina, Bobo-Dioulasso.

« Envoyer les enfants mendier n’est pas Culture ou Religion mais seulement Exploitation », selon Terra Patria. Cette pensée est lisible en gros caractère sur le mur d’un bâtiment au centre-ville de Bobo-Dioulasso, juste à un feu tricolore en face de l’hôtel Dioulasso-ba. Pour illustrer cette pensée de Terra Patria, une belle image d’une boîte de tomate (l’instrument utilisé par les mendiants) a été mise à la suite de l’écriteau. Ironie du sort ou poids d’une réalité ? Ce qui est certain, le 14 juin 2011 lorsque nous y avons fait un tour pour faire l’image de l’affiche murale, nous avons trouvé un garçonnet de 8 ans environs étalé à même le sol au pied du mur.

« I ti dioula kan miin ». Je ne comprends pas la langue malinké, nous a-t-il répondu quand nous avons voulu savoir son prénom. Nous avons dû marmonner dans une des langues nationales pour qu’il nous dise qu’il s’appelle Issa et qu’il se reposait avant de continuer sa route. Il tenait un morceau de pain croupi en main et en avait également dans sa boîte. A l’instar de ce garçonnet, des milliers d’enfants qui n’ont que la mendicité comme éducation de base faufilent devant cet écrit et partout ailleurs dans la ville de Bobo-Dioulasso. Ils font le tour de la cité et accostent tout le monde sans exception. Les feux tricolores, les lieux de culte, les gares, les débits de boissons, les marchés…sont leur chasse gardée. Pour ces enfants, mendier est un droit et par conséquent, les personnes sollicitées sont obligées de les satisfaire.

Si bien que, lorsque vous n’êtes pas en mesure de satisfaire à leur sollicitation, ils insistent, parfois en larmes. Le phénomène s’est amplifié ces temps ci, dans ce contexte dit vie chère. Il est même devenu un fléau don les causes sont culturelles, religieuses et économiques (pauvreté).

L’aspect culturel et religieux

Si Terra Patria a insisté sur la culture et la religion dans son propos, c’est parce qu’elle sait que beaucoup de gens qui encouragent la mendicité, le font sous le couvert de la culture et de la religion. Chez nous au pays, de nombreuses mères de jumeaux se retrouvent au bord de la rue avec leurs enfants en train de mendier. Elles expliquent leur acte par la culture. « Refuser de mendier quand on est parent de jumeaux, on s’expose à la colère de ces derniers dont la sanction peut être extrême. La mort d’un des parents, ou bien les enfants repartent de là où ils sont venus...par exemple. Dans la plupart des communautés de la population burkinabè, l’altruisme naturel a pris un caractère culturel. Ainsi, partager avec autrui est beaucoup plus obligatoire que volontaires.

Ainsi, malgré la révolution dans plusieurs domaines de la vie, des gens continuent de croire que mendier est chose normale. Certains religieux justifient la mendicité par l’effet retour de l’acte de donner. Ainsi, dans certains milieux religieux, on recommande à des citoyens de faire des sacrifices en donnant aux pauvres. « Le sacrifice peut faire éviter au donateur un quelconque malheur », nous a confié Issiaka Ramdé. Selon lui et cela à la lumière des saintes écritures, une dame aurait échappé à la morsure mortelle d’un serpent, pour avoir fait le sacrifice de galettes à des enfants. Le serpent qui devait mordre la femme en question est mort avant son arrivée sur les lieux. « Le serpent mort a été retrouvé avec un morceau de galette dans sa gueule », a-t-il conclu.

Au nom donc de pratiques culturelles et religieuses, la mendicité continue d’être pratiquée avec acuité et nonobstant ses conséquences. Si ailleurs le phénomène est condamné par le pouvoir législatif, c’est le cas au Sénégal, au pays des hommes intègres, de milliers d’enfants continuent d’être recrutés dans les rangs de la mendicité. La pauvreté aidant, toutes les couches sociales sont dans ces mêmes rangs. Plus que des fonctionnaires, certains parmi eux sont sur pied avant le premier appel du muezzin aux environ de 4 heures. D’autres ont même élu domicile dans des places stratégiques de la cité.

La pauvreté, sève nourricière d’un fléau

Classé un des pays les plus pauvres de la planète terre, le Burkina Faso a une population qui vit dans une extrême pauvreté. De nombreux citoyens, valides comme invalides n’ont plus que la rue pour espérer mettre de quoi sous la dent. S.A est une de ses burkinabè qui n’a que la rue pour vivre. Chaque matin, elle se lève très tôt avec ses jumelles de trois ans environ. Direction, la devanture de la pharmacie Wobi située au cœur de la ville de Bobo-Dioulasso. Elle y reste jusqu’à 8 heures avant de se rendre au feu tricolore de l’hôtel Auberge non loin de la direction régionale de la BIB. « C’est parce que je n’ai pas quelqu’un pour m’aider à élever mes enfants que je mendie. Sinon ce n’est pas une obligation pour moi », nous a confié S.A.

Ce dimanche 12 juin 2011, c’est devant la plus grande mosquée du quartier Diarradougou que nous l’avion trouvée avec ses jumelles. Au même endroit, nous avons trouvé plusieurs autres mendiants. Certains nous ont même confirmé qu’ils y mènent leur vie. De jour comme de nuit ils sont là-bas car ils ne savent plus où aller. Nous y avons également trouvé deux autres jumelles qui étaient seules sans leur mère. A quatre ans environ, ces enfants ne savent rien d’autre de la société que mendier. Elles nous ont d’ailleurs sollicité pour quelques pièces. « An bi Wari fè ka manworo San ». Nous voulons de l’argent pour payer des mangues ont-elles dit. Les alentours de ladite mosquée sont transformés en marché circonstanciel. De vieilles dames y vendent des articles divers.

Mangues, cauris, couteaux, colas, céréales, fils… « Je vends et je réceptionne les aumônes des bonnes volontés. Si on me donne un animal, une pintade ou une poule, je le vends pour m’acheter de quoi manger », a dit une des vendeuses sur cet espace. Pendant que nous étions en train d’échanger avec la vieille femme en question, un jeune est arrivé sur sa moto. « Vous êtes une vendeuse ou bien vous prenez les aumônes » ? « Je fais tout », a-t-elle répondu au jeune qui lui a remis des colas. Avant le départ de ce dernier, un autre est arrivé avec un plat de riz qu’il a remis à un groupe d’enfants qui se sont mis à vider le plat sans se laver les mains. La pauvreté est sans doute à la base, car ce n’est pas évident que ces enfants puissent avoir du riz là où ils résident. Une pauvreté dont le combat justifie l’existence de nombreuses ONG.

Malgré tout, des Burkinabé, surtout des enfants continuent d’être exploités. Parce que leur survie en dépend. Dans ces conditions, malgré le fait qu’elle soit un fléau, la mendicité continue d’être encouragée par la société elle-même. Et les enfants sont les premières victimes de ce mal entretenu par la société elle-même. C’est le lieu d’interpeller les décideurs à poser des actes concrets pour résoudre la question en cette 35ème journée commémorative du massacre des enfants à Soweto le 16 juin 1976.

Souro DAO

L’Express du Faso

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