Actualités :: Serveuses de maquis à Bobo-Dioulasso : Les Ivoiriennes tiennent le haut du (...)

Depuis le déclenchement de la crise ivoirienne en 2002, de nombreuses Ivoiriennes ont trouvé refuge à Bobo-Dioulasso. Pour gagner leur vie, certaines s’adonnent au métier de serveuses de maquis. Souvent qualifiées de « prostituées » ou de « voleuses de maris », elles ont mauvaise réputation auprès de l’opinion publique. Nous leur avons rendu visite courant mars 2011, de même qu’aux gérants et clients de quelques maquis de la ville de Sya.

Le gérant du maquis "Ibiza", Béranger Dabiré ne sait pas si ses serveuses s’adonnent au plus vieux métier du monde

« Le travail, même s’il n’arrive pas à sortir l’homme de la misère, lui garantit sa dignité. », disait l’homme de lettres ivoirien Amadou Koné. Cependant on reste sceptique sur cette réflexion, au regard du peu de considération que l’opinion publique porte à certains métiers. C’est précisément le cas de celui de serveuse de maquis. Exercer ce métier amène certaines filles à être traitées de tous les noms : « prostituées », « voleuses de maris », entre autres. Les serveuses de maquis, elles justifient leur choix par le fait qu’elles sont très peu instruites ou analphabètes.

Il y a quelques années de cela, le métier de serveuse de maquis n’était pratiqué que par les expatriées venues des pays voisins comme le Ghana, le Togo, le Bénin, le Nigéria et plus tard par les Burkinabè. Mais de nos jours, les Ivoiriennes sont en passe de supplanter leurs consoeurs. OA, serveuse au maquis « Jack pot » à Accart-ville, confie qu’elle y travaille depuis quatre mois. Arrivée de Côte d’Ivoire, précisément de la zone d’Abidjan, elle dit s’être retrouvée au Burkina Faso grâce à des amies. Idem pour sa compatriote Filo, qui travaille dans la même boîte depuis huit mois. Elle dit être venue de Man (Ouest de la Côte d’Ivoire). « Des amies ayant déjà fait un tour au Burkina Faso, étaient revenues voir leurs parents.

A entendre le gérant du maquis "Le Versailles", Eric Baki, c’est le dialogue qui est privilégié en cas de bagarre entre serveuse et client

C’est ainsi qu’elles m’ont parlé du Faso et je les ai suivies », a-t- elle expliqué. Contrairement aux deux premières, Patricia qui travaille au complexe Ibiza, confie qu’un jeune qu’elle connait, est venu la voir à Bouaké, en lui disant que le propriétaire d’un maquis cherche des serveuses. C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée à Bobo-Dioulasso. Sally, une autre serveuse au maquis "Le Versailles", a quant à elle, foulé le sol burkinabè grâce à un homme qui travaille à la société ferroviaire Sitarail. En effet, ce dernier possède un maquis à Niankologo où il a conduit la jeune fille depuis Abidjan, pour qu’elle y travaille comme serveuse. Par la suite, elle dit être venue à Bobo-Dioulasso pour exercer le même boulot, d’où sa présence au maquis "Le Versailles", il y a deux mois. Orpheline de mère et rejetée par son père, Sally dit faire ce métier par contrainte.

Des conditions de travail difficiles

Selon certaines serveuses, il y a des clients qui offrent à boire, en espérant profiter d'ellesPour subvenir à leurs besoins, ces serveuses font face à de nombreuses difficultés. D’abord, le travail se fait de nuit et elles courent le risque de se faire agresser par des délinquants à la descente aux environs de 2 heures du matin, le lieu de travail étant souvent éloigné du domicile. Filo rémunérée à 22 500 FCFA par mois, n’arrive pas à joindre les deux bouts, si bien que son loyer est payé par son patron. Mère d’un enfant de dix-huit mois, elle explique que le père de celui-ci en Côte d’Ivoire n’a pas reconnu la grossesse. « Quand je viens au travail, je confie mon enfant à la femme du propriétaire de la cour où j’habite.

Quand il est malade, j’achète les médicaments et la bonne dame s’occupe de lui », ajoute-t-elle. OA habite une maison avec cinq autres filles, dont trois de ses compatriotes et deux Burkinabè. Avec 20 000 FCFA par mois, elle aussi trouve son salaire insuffisant pour couvrir ses besoins. Cependant, avec les pourboires de certains clients, elle arrive à s’en sortir. Mieux, quand ses économies le lui permettent, elle envoie parfois entre 50 000 et 75 000 FCFA à ses parents restés au pays.

« Depuis que je suis au Burkina, ma santé est fragile à cause du climat. Tantôt c’est le paludisme, tantôt ce sont des maux de ventre. Souvent, je demande à rentrer avant la fermeture, à cause de ma santé », affirme Nina. Selon elle, son salaire de 30 000 FCFA par mois est insuffisant. Elle habite avec d’autres filles aux frais du patron qui a également pris en charge l’eau, l’électricité et la nourriture. Au début, Nina dit n’avoir pas eu la totalité du salaire, parce que n’ayant pas travaillé tout le mois. Maintenant, la donne a changé : elle est payée chaque deux semaines à 15 000 F CFA.

« Prostituées » ou « voleuses de maris »

Pour Filo, dans un débit de boisson, beaucoup d’hommes font des "avances" aux serveuses. Elle affirme que cela est dû à l’état d’ivresse. « Ils viennent et te proposent de l’argent afin de coucher avec toi. C’est à la serveuse de faire comprendre à ces genres de clients que le maquis n’est pas un lieu de prostitution », revèle-t-elle. Filo dit ne pas accepter tout le monde car elle a déjà choisi celui qui subvient à ses besoins. Par ailleurs, elle donne raison à ceux qui les qualifient de prostituées parce que « quand tu travailles dans un débit de boisson, ton nom est déjà sale ».

Le chef du personnel du maquis "Jack pot", Isaïe Nacoulma estime que certaines serveuses n’aiment pas leur métier

« Quant aux femmes qui nous traitent de voleuses de maris, les serveuses n’ont jamais appelé ces derniers. Ce sont eux qui viennent nous rejoindre sur notre lieu de travail », déclare-t-elle. Nina, également, pense que certains clients viennent au maquis à la recherche de « fille de joie ». « Quand ils m’approchent, je leur dis d’aller voir ailleurs », martèle-t-elle. « Même si tu ne travailles pas dans un maquis, tu peux être une prostituée ou sortir avec un homme déjà marié », souligne-t-elle. A entendre Patricia, une collègue de Nina, travailler dans un maquis donne droit aux gens de te traiter de prostituée. Elle ajoute : « Si tu veux te vendre, tu vas le faire, si telle est ta vocation ». Dans l’ensemble, les gérants des maquis entretiennent de bonnes relations avec les filles venues de Côte d’Ivoire.

Béranger Dabiré, le gérant de "Ibiza" a confié que 15 serveuses dont 11 Ivoiriennes travaillent avec lui. Elles sont réparties en deux groupes. Le premier travaille le dimanche de 17 heures jusqu’au dernier client, et le second prend le relais le lundi, et ainsi de suite. Mais le samedi, toutes les serveuses travaillent. Le gérant précise que ses relations avec les serveuses sont celles du travail : il leur dit ce qu’elles doivent faire ou pas. Au maquis « Jack pot », le chef du personnel Isaïe Nacoulma, dit prodiguer des conseils chaque semaine à ses filles lors des réunions, qui portent notamment sur le respect et l’accueil des clients. Concernant ceux qui traitent les serveuses de maquis de « prostituées » ou « voleuses de maris », M. Nacoulma soutient que l’image de la serveuse est « gâtée » en Afrique, surtout au Burkina Faso. Il y a 13 serveuses dont 8 Ivoiriennes qui travaillent au maquis "Le Versailles " dont Eric Baki est le gérant. Ce dernier estime que les filles donnent le meilleur d’elles-mêmes, malgré certains écarts de comportements. « C’est aux filles de montrer le contraire à l’opinion publique ; que l’étiquette qui leur est attribuée, n’est pas la bonne », indique ce gérant. Par moments, il y a des bagarres qui éclatent entre les serveuses et certains clients. Dans une telle situation, le gérant dit que tout en respectant la serveuse, il donne raison au client, car sans ce dernier, le maquis n’a pas sa raison d’être. Il se base sur l’adage qui dit que « Le client est roi », pour justifier son acte.

Souaibou NOMBRE


Des clients s’expriment

- Amadou Deuh

- « Entre les filles et moi, c’est une relation de client à serveuse, rien de plus », affirme Amadou Deuh

J’apprécie beaucoup le travail des serveuses de maquis. C’est une façon pour elles de se prendre en charge financièrement. Elles ont choisi ce métier parce qu’elles n’ont pas eu mieux. Ceux qui disent qu’elles sont des « prostituées », sont certainement jaloux. Par ailleurs, certains font des avances aux serveuses et si celles-ci refusent, ils disent n’importe quoi sur elles. Mes relations avec ces filles est celle de client/ serveuse. Je viens au maquis, je passe ma commande, la serveuse me sert et c’est tout. Rien de plus.

- Augustin Paré

J’ai deux appréciations des serveuses de maquis. D’abord, il y a certaines dont le travail est correct, irréprochable. D’autres par contre, n’accueillent pas bien les clients, leur service laisse à désirer. Elles traitent les clients comme s’ils venaient mendier la boisson ou boire à crédit. Les serveuses de maquis ne sont pas des prostituées, elles sont comme toutes les autres filles. Seulement elles travaillent dans un domaine qui laisse croire qu’elles se prostituent. Il y a certains hommes qui ont pour petites amies, des serveuses de maquis.

- Valentin Ouédraogo

Il y a dix mois que je suis à Bobo-Dioulasso, et je fréquente beaucoup les maquis, question de passer le temps autour d’un pot. Les serveuses se débrouillent bien pour être indépendantes, et pour ça, je les félicite et les encourage. Je profite pour exhorter les filles qui sont encore au chômage de chercher à faire un boulot. Je n’apprécie pas les serveuses de Bobo, car elles ne sont pas accueillantes. Quand tu passes une commande, elles tardent à venir. En outre, elles n’ont pas de respect pour les clients. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui affirment que les serveuses de maquis sont des « prostituées ». Ils savent où les prostituées sont. Laissez-moi, vous dire que les filles des quartiers pratiquent plus « le plus vieux métier du monde » que les serveuses.

Propos recueillis par SN.

Sidwaya

Burkina/Journée scientifique : Maud Saint Larry examine (...)
Burkina : Un individu tentant de s’en prendre à une (...)
Burkina/Eau et assainissement : Démarrage officiel de (...)
Burkina/Enseignement supérieur : L’université Aube (...)
Plan d’action pour la stabilisation et le développement (...)
Université Joseph Ki-Zerbo : L’autonomisation des (...)
An 34 de l’assassinat de Dabo Boukary : L’UGEB annonce (...)
Affaire Lionel Kaboui : Le délibéré de l’audience de ce 16 (...)
Santé mentale : « Lorsqu’une personne développe une (...)
Région des Hauts-Bassins : Un directeur d’école relevé de (...)
Burkina Faso : Hermann Coulibaly/Gnoumou s’engage pour (...)
24e Journée nationale de lutte contre la pratique de (...)
Le Directeur général des douanes dans la région douanière (...)
Campagne cotonnière 2024-2025 : Une subvention de 10 (...)
Elaboration du rapport diagnostic de la sécurité (...)
Sahel : Lancement officiel du projet "YES-ENJEU" pour (...)
Burkina/Agriculture : Renforcement des capacités d’une (...)
Burkina/Loi sur la promotion immobilière : La Commission (...)
32e Convention de la communauté islamique Ahmadiyya : (...)
Burkina / Journée des traditions : « Ce n’est pas (...)
Burkina/Journée des coutumes et traditions : « La femme (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36708


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés