Actualités :: CONFLIT FONCIER A SAPOUY : Un drame humain en perspective

Ce qui se prépare dans la brousse de Sapô, à quelques encablures de Sapouy, chef-lieu de la province du Ziro, risque d’être très dramatique, si rien n’est fait, à temps, pour éviter le pire. Un différend foncier y oppose deux camps. La tension monte de plus en plus. Et la situation, comme un rouleau compresseur, pourrait dégénérer en affrontements sanglants…

Un climat social très malsain règne à Sapouy, du moins entre certains résidents de cette ville. Deux groupes rivaux sont à couteaux tirés et risquent de s’affronter mortellement. Il s’agit, d’un côté, de résidents du secteur 3 de Sapouy et, de l’autre, de ceux du village de Nébrou, coalisés avec des allogènes de l’ethnie (…), installés au secteur 4 de Sapouy. Nébrou est un village situé à une dizaine de kilomètres de la capitale du Ziro. Au coeur de cette tension, la brousse de Sapô, une vaste étendue de terres cultivables située entre Sapouy et Nébrou. Voici la petite histoire : depuis des décennies, habitants de Nébrou, ceux du secteur 3 de Sapouy et allogènes, cultivent les terres fertiles de la brousse en question. Selon les ressortissants de Nébrou, cette brousse est leur propriété. Les allogènes, arrivés dans la zone, se seraient adressés aux responsables coutumiers dudit village, présentés comme les propriétaires terriens des lieux, afin de solliciter des espaces pour cultiver.

Nébrou aurait également octroyé à certains ressortissants du secteur 3 de Sapouy, des terres qu’ils exploitent dans la zone. Aujourd’hui, cette propriété de la brousse est contestée par ces ressortissants du secteur 3. Selon eux, ils sont propriétaires au même titre que Nébrou et il n’est plus question que ce village continue d’octroyer unilatéralement les terres à des personnes venues d’ailleurs. Ainsi, depuis quelques temps, les allogènes disent être persécutés dans cette brousse par des habitants du secteur 3 de Sapouy. Ces derniers leur auraient intimé l’ordre de quitter les lieux sans délais, sous peine d’être tous tués. La raison invoquée serait qu’ils envahissent leurs terres. La situation s’est dégradée ces dernières semaines, avec des menaces de mort et autres actes de défiances. La cote d’alerte a été atteinte lorsque, début février 2011, se rendant dans leurs champs, certains allogènes ont fait des découvertes macabres.

Une chèvre noire pendue à un arbre…

Des cases démolies et incendiées, des hangars incendiés, le tout couronné par un sacrifice des plus immondes : une chèvre noire pendue à un arbre dans un champ, avec, en plus, du sang et des plumes de volailles égorgées. De même que des débris de calebasse et des œufs… D’un point de vue de la coutume, cela s’interprèterait comme les prémisses d’événements mortuaires. Bien que n’ayant pas vu les auteurs de ces actes apparemment perpétrés la nuit, les victimes disent deviner aisément d’où cela peut provenir. Ils ne se laissent toutefois pas ébranler outre mesure. Ils se disent prêts à se défendre et à s’assumer pleinement en cas d’attaque éventuelle. Pas question, disent-ils, d’abandonner leurs champs.

Selon eux, ceux qui veulent qu’ils s’en aillent ne sont pas les propriétaires des lieux. Ils auraient « sollicité des terres au même titre qu’eux », affirment-ils. Les seuls propriétaires qu’ils reconnaissent sont les responsables coutumiers de Nébrou. Ces derniers leur ont octroyé, disent-ils, des terrains à leur arrivée. Au total, 111 personnes disent avoir été menacées de quitter la zone sans délai, au risque de perdre leur vie. L’année dernière déjà, 6 personnes auraient été chassées et leurs champs retirés et vendus.

Complaisance de l’autorité ?

Selon un fonctionnaire rencontré à Sapouy, la situation est critique. Et il importe qu’une solution soit trouvée urgemment. Sinon la situation pourrait très mal tourner dans les prochaines semaines. Chacun des camps refuse d’infléchir sa position. Ordre a été intimé aux allogènes de ne plus mettre pieds dans les champs. Or, la saison des pluies avance à grands pas. Bientôt, ce sera le temps des préparations des champs avant les premières pluies. Ici, l’on redoute des affrontements. Ceux qui ont été sommés de quitter les lieux affirment mordicus qu’ils se rendront dans leurs champs. Au secteur 3, les personnes accusées d’être les instigateurs de cette fronde s’en défendent. Il n’est pas question, disent-elles, de chasser qui que ce soit. « Nous voulons prendre des précautions pour éviter que la pression démographique en croissance exponentielle dans la région ne soit préjudiciable à l’environnement », affirme-t-on.

Le chef coutumier du secteur 3, Drissa Nama, lui, est catégorique. Il dit être totalement étranger à ces agissements et refuse de cautionner de tels actes. Pour lui, la brousse en question appartient, selon les principes coutumiers, à Nébrou et personne ne peut, dit-il, le nier. « Cela est connu de tous et il en est ainsi depuis les arrières grands-parents. Il faut que les gens reviennent à la raison et mettent fin à leurs velléités d’occupation de cet espace qui ne leur appartient pas. C’est la seule solution à cette crise », affirme-t-il. L’affaire a été portée devant les autorités locales. Mais du côté de Nébrou et des allogènes, on est formel : ces autorités ne veulent pas s’impliquer franchement dans la recherche de solutions rapides. La mairie de Sapouy est même accusée de soutenir l’une des parties.

Le maire, après avoir tenté, en vain, une conciliation, a été finalement accusé de traîner les pas, dans l’optique de transférer le dossier à la Justice. Les procès-verbaux des auditions des parties, effectuées depuis belle lurette par le bourgmestre, tardent à être finalisés. Et cela bloque le dossier. Pourtant, à la mairie, on dit prendre l’affaire au sérieux. Aux dires du premier adjoint au maire, Sidiki Nama, le dossier a même été examiné lors d’une session du conseil municipal. Le haut-commissaire a également été saisi. Une lettre lui a été adressée afin qu’il s’implique dans la résolution du problème. Mais là aussi, on se perd en louvoiements inutiles. Après avoir déclaré qu’il avait saisi le Procureur de Léo pour connaître de l’affaire, il s’est débiné par la suite. Motif invoqué : il est à son poste il y a un mois et ne maîtrise pas encore le dossier…

Pourtant, sur le terrain, la situation évolue de mal en pis. Et il faut que les autorités compétentes interviennent, avant qu’il ne soit trop tard.

Par Y. Ladji BAMA, envoyé spécial


« Ayez pitié, je ne sais plus où aller ! »

Cri de détresse de Issaka Kaboré. Nous l’avons rencontré à Sapouy, le 9 mars dernier. Arrivé la veille, dans la nuit, avec sa femme et ses sept enfants de la Côte d’Ivoire, du fait de la crise qui y sévit, il était très loin de s’imaginer ce qui lui arriverrait dans son propre pays. Il n’en revenait pas. En arrivant au domicile de son frère cadet à Sapouy, après avoir abandonné champs et biens divers à Issia, ville située à l’ouest de la Côte d’Ivoire, il n’a pas eu le temps de pousser un ouf de soulagement, quand ce dernier lui a annoncé que, lui aussi, était menacé de quitter la localité. « Où allons nous partir à présent ? Etrangers dans notre propre pays ? Ils n’ont qu’à faire pardon et nous laisser souffler un peu. Nous avons trop souffert », supplie le vieil homme, manifestement désemparé. Sera-t-il entendu ? Mystère et boule de gomme.

BYL


Attention à la dérive xénophobe !

Certains propos entendus à Sapouy, dans le sillage de cette affaire de terre, laissent songeur. Des propos très dangereux à forte charge de xénophobie. « Des envahisseurs », « Ils veulent prendre toutes nos terres », « Si on les laisse faire, que va-t-on laisser à nos enfants ? », « On n’en a assez de ces étrangers débordants… », « Qu’ils aillent chez eux », etc. Autant de propos malveillants que l’on n’hésite plus à proférer ouvertement. Au regard des conséquences que ce genre de considérations a pu produire ailleurs, il y a lieu de s’inquiéter. Le ministre de l’Administration territoriale et celui de la Sécurité doivent voir de près cette affaire. C’est urgent.

BYL

Le Reporter

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