Actualités :: Structures associatives de Ouahigouya : Quand les OSC flirtent avec l’argent (...)

En quelques années, les associations sont devenues le maillon fort du développement local au Pays des Hommes intègres. Aujourd’hui, la variété des causes défendues par ces associations font d’elles des acteurs de développement de premier plan. Le travail de fourmi abattu sur le terrain par ces structures ou groupements est salué par tous. L’État est le premier à se frotter les mains devant cette éclosion d’associations. Leur objectif et leur impact au niveau local ayant fini par suppléer l’action étatique. Ouahigouya, capitale de la région du Nord illustre bien cette réalité décrite plus haut. Cependant dans la cité de Naaba Kaongo si certains groupements continuent d’évoluer dans ce processus salvateur pour le bien-être des populations, d’autres par contre semblent flirter avec le politique et le dieu Mammon.

Selon le dernier recensement, Ouahigouya, chef-lieu de la région du Nord, a une population estimée à environ 140 000 âmes. « A quelque chose malheur est bon », dit l’adage. L’adversité de la nature, hostile à l’agriculture, a poussé très tôt les Ouahigoulais (du moins pour la plupart d’entre eux) à se tourner vers une autre solution pour assurer leur survie.
C’est ainsi qu’au lendemain des indépendances, des Organisations de la société civile (OSC) tels des champignons vont voir le jour dans la province du Yatenga. Parmi ces associations, la Fédération nationale des groupements naam (FNGN) née du Koombi naam, une coopérative qui fait de la morale, l’éducation et le civisme son cheval de bataille.

Selon le secrétaire général de cette association, Hamidou Ganamé, Bernard Lédia Ouédraogo, l’actuel président de la fédération, avait dans un élan de discernement diagnostiqué les maux qui minaient sa région. C’était dans la première décennie des indépendances. Comme pour gagner le pari du développement, Bernard Lédia Ouédraogo misa sur le cheval de l’agriculture ; « raison pour laquelle il a créé des associations et des groupements et il pensait enseigner les paysans à partir de leur philosophie et de leur méthode », explique Halidou Ganamé.

« A Ouahigouya, les arbres appartiennent aux associations ! »

Dans la cité de Naaba Yadéga, les associations poussent comme des champignons. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil au spectacle qui s’offre à tout visiteur qui foule pour la première fois le sol ouahigoulais. Le visiteur est accueilli par une forêt de panneaux grâce aux nombreuses associations qui ont fait de Ouahigouya leur quartier général. Autre présence visible de ces structures associatives, les arbres (plantés évidemment à l’occasion des nombreuses campagnes de reboisement) qui longent la RN2. Ils sont la propriété d’associations.

Mais comment expliquer cette floraison d’associations à Ouahigouya ? Pour Moussa Bologo, président de l’association « Être comme les autres » (ECLA), la résolution de cette équation est toute simple. En effet, selon ce dernier, Bernard Lédia Ouédraogo, le président de la Fédération nationale des groupements naam (FNGN) est l’élément déclencheur de cette éclosion d’associations. « Nous avons eu une très grande chance d’avoir une personnalité comme Bernard Lédia Ouédraogo qui, dès les premières heures, a été le vecteur.

Très jeunes, nous l’avons vu comme un bâtisseur », se souvient-il. Mais tous ne partagent pas cette version de l’histoire de la naissance des associations à Ouahigouya. Pour le directeur exécutif de l’Association formation, développement, ruralité (AFDR), Hamidou Ouattara, ce sont plutôt les nombreuses sécheresses qui ont sévi au Pays des Hommes intègres, particulièrement dans la région du Nord, qui ont conduit les populations du Yatenga à se regrouper en mouvements associatifs. Cette seconde version de l’histoire semble être la plus répandue.Tasséré Sawadogo dit Tas-tas, coordonnateur régional des organisations de la société civile, affirme en effet que c’est le rendement insuffisant de l’agriculture qui a contraint les braves populations à mettre en place des structures de développement. « C’est le dynamisme des acteurs individuels qui se reflète au niveau des associations », a- t-il justifié.

Une autre explication plausible selon Hamidou Ouattara est la période post- révolutionnaire. « Je me rappelle que c’est en 1991 avec la promulgation de la Zatu concernant les groupements coopératifs, que l’on a senti un réel engouement dans le Yatenga. C’était d’ailleurs l’une des toutes premières provinces où ces mouvements associatifs voyaient le jour », confie-t-il.Aujourd’hui, chacune des structures associatives de Ouahigouya évolue dans des domaines variés comme l’agriculture, l’éducation, la santé, la protection de l’environnement ou encore la promotion de la femme. Selon Salif Sodré, coordonnateur de la structure Développement sans frontière (DSF), cet état de fait a son côté positif. « Toutes les associations qui se sont créées ici ont, chacune à sa façon, apporté un plus au développement de la région », dit-il.

Toutefois, il n’est pas rare de voir certaines associations lutter sur plusieurs fronts, d’où la nécessité de faire parfois preuve de réalisme. « Nous avons la volonté de faire beaucoup de choses mais nous n’arrivons pas à tout faire à cause des maigres moyens dont nous disposons », reconnaît Cécile Beloum, présidente de l’association Appui moral, matériel et intellectuel à l’enfant (AMMIE).

« L’argent n’a pas d’odeur ! »

De façon générale, les organisations de la société civile sont dites apolitiques, à but non lucratif et opèrent hors du cadre de l’administration publique. Cependant, l’association peut coordonner ses programmes avec ceux des services de l’État.

A Ouahigouya, l’exception confirme la règle. De par son histoire, la cité de Naaba Kango est aujourd’hui la chasse gardée des deux grands "dinosaures" de la faune politique burkinabè, en l’occurrence le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et l’Alliance pour la démocratie et la fédération-Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA). Dans leur course folle vers la conquête massive d’électeurs, ces deux formations politiques ne se privent pas, à l’occasion, de lorgner du côté des structures associatives. De cela naissent des unions contre-nature.

Des relations coupables qui ont tôt fait de susciter l’affairisme et la politisation des causes au sein des états-majors des différentes associations de la place. C’est ainsi que certaines associations, qui ont pignon sur rue à Ouahigouya, ont aujourd’hui relégué aux calendes grecques leurs premières amours. Sans doute pour se donner bonne conscience, on essaie autant que faire se peut de justifier l’injustifiable, lorsque la question est abordée. « Que voulez-vous ? L’argent n’a ni odeur ni couleur ! », nous a lancé à la figure un membre actif d’une association de la place qui a préféré garder l’anonymat.

De l’avis de Hamidou Ganamé, secrétaire général de la FNGN, les associations apolitiques ça n’existe (peut-être) qu’en Afrique. « En Europe, vous ne verrez pas une association qui dit qu’elle est apolitique », se défend-il vivement. Dans la « cour d’en face », c’est parfois en des termes à peine voilés que l’on évoque le grand amour entre parti politique et association. « Effectivement, il y a des associations qui viennent généralement nous voir pour parrainer leurs activités. Mais je crois qu’il n’y a pas matière à fouetter un chat. C’est de bonne guerre. Ce d’autant plus que le bien-être des populations est le but final. La fin justifie les moyens. Connaissez-vous un parti politique qui serait contre le bonheur des populations ? », s’interroge Etienne Ouédraogo, un député de l’ADF RDA.

Au CDP, on joue sensiblement le même air de musique. « Le parti politique tout comme l’association agit dans le sens d’une amélioration des conditions de vie des populations. Personnellement, je crois qu’il est très difficile (Ndlr : aujourd’hui) de délimiter le champ d’action du politique de celui de l’association et vice-versa », estime Boubacar Ouédraogo, un parlementaire CDP. Qu’à cela ne tienne, pour la présidente de l’Association Koom pour l’autopromotion des femmes du Burkina Faso (AKAFEM/BF), Madeleine N.H. Ouédraogo, il ne faut pas totalement vouer ce comportement aux gémonies. Et pour cause, « l’association peut être apolitique mais se retrouver dans le projet de société d’un homme politique donné. Dès cet instant, la structure associative peut s’engager aux côtés de ce candidat avec le ferme espoir de voir ses préoccupations être prises en compte », explique-t-elle.

Pour Emmanuel Rouamba, coordonnateur de l’Association pour l’aménagement et l’entretien des sites historiques (AAESH), il est aujourd’hui très difficile pour une association donnée d’éviter lacoquinement avec un parti politique. « Une organisation est appelée à vivre. Et avec la crise économique qui sévit actuellement, on ne peut pas fonder ses espoirs sur les maigres cotisations des membres. Il se trouve aujourd’hui que les membres n’aiment pas cotiser. Au président donc de se “débrouiller” pour faire marcher sa structure. La frontière entre cette recherche de fonds et la porte d’à côté est très mince, pour ne pas dire quasi-inexistante. Il appartient cependant au président de garder son indépendance même s’il a été financé par le politique », admet-il néanmoins.

« La trésorière est la femme du patron ! »

L’autre question lancinante et non des moindres est celle relative à la crédibilité de certaines associations dans le paysage des structures associatives de la cité de Naaba Kaongo. Plusieurs associations à Ouahigouya n’existent que de nom ! A ce sujet, nous avons tenté de rencontrer quelques responsables de ces organisations. Malgré les appels téléphoniques, la patience et la courtoisie que nous avons manifestées envers ces personnes, certains dirigeants nous ont opposé une fin de non recevoir. Pour d’autres, nous avons reçu un refus poli qui signifiait en substance que quelques dérapages étaient inévitables dans la gestion des associations. À cet état de fait assez iconoclaste s’ajoute la gestion familiale des associations. « Je connais des associations dont la trésorière est la femme du président de l’association », révèle Tasséré Sawadogo dit Tas-tas, le coordonnateur régional des organisations de la société civile. Hamidou Ganamé enfonce le clou : « aujourd’hui, beaucoup d’associations sont devenues des structures d’épargne. Le directeur, le comptable et la caissière sont de la même famille. Les entrepreneurs qui gravitent autour de l’association, des proches parents ».

En dépit de ce sombre tableau, il convient de reconnaître néanmoins qu’au regard du rôle joué par ces associations dans le processus du développement de Ouahigouya et partant de la région du Nord tout entière, elles gagneraient à se constituer en réseau conformément aux intérêts qu’elles sont censées défendre. « Il suffit que les gens s’organisent en réseau et vous verrez que les actions de développement seront plus visibles sur le terrain », convient Tas-tas. Malheureusement, une atmosphère de suspicion règne dans le milieu.
« On n’arrive pas à se faire confiance. Si tu es avec moi uniquement pour me ravir mes partenaires, je préfère ne pas t’avoir à mes côtés », fait remarquer Emmanuel Rouamba.

Qu’à cela ne tienne, en juin 2010, le Conseil régional du Nord a organisé à Ouahigouya, une journée de dialogue avec les organisations de la société civile de la région du Nord. L’objectif affiché de cette rencontre était de jeter les bases d’une collaboration franche et durable entre les deux parties à travers des consultations fréquentes avec à la clé la réalisation du Plan régional de développement (PRD) et la probable mise sur pied d’une nouvelle coordination des OSC de la région du Nord.

Paténéma Oumar OUEDRAOGO


Politisation des associations « Nous jugeons déplorable ce changement de cap », dixit Abdoulaye Sougouri, maire de Ouahigouya

S : Qu’est-ce qui peut expliquer, selon vous, la pléthore d’associations dans votre commune ?

A.S : Nous croyons que ce phénomène, toute modestie gardée, trouve son explication dans le dynamisme des citoyens de la ville. Et comme vous en conviendrez, Ouahigouya est une ville agro-pastorale avec des activités commerciales très poussées. Ce qui a sans doute joué un rôle déterminant dans la floraison des associations que nous voyons aujourd’hui à Ouahigouya. Sans oublier que notre population est en majorité composée de jeunes. Personnellement, je me réjouis du nombre élevé d’associations dans ma ville. Car, cela dénote de l’esprit entrepreneurial des citoyens de cette commune.

S : Quels sont les rapports que vous entretenez avec ces associations. Il nous est revenu que la collaboration avec ces structures n’est pas toujours aisée.

A.S : Au contraire, nous pouvons vous assurer que toutes les fois où nous avons eu besoin d’elles, elles ont toujours répondu présent. Mieux, beaucoup d’entre elles ont des initiatives qui entrent dans le cadre des activités de développement de la commune. Croyez-moi, ces associations sont de véritables leviers de développement pour notre commune.

S : La plupart des associations de Ouahigouya ont un pied dans la politique. Vous le confirmez ?

A.S : Peut-être que c’est le cas pour certaines d’entre elles. Et en cela, nous jugeons déplorable ce changement de cap. Nous croyons, pour notre part, qu’une association qui se veut sérieuse doit faire le distinguo entre la politique et les activités de développement. Nous reconnaissons cependant qu’il n’est pas toujours aisé d’opérer ce choix. Cela demande une bonne dose de courage. Car vous ne vous en doutez pas, la réalité est tout autre sur le terrain.

S : Il y a également des associations qui n’existent que par leur nom. Qu’en pensez-vous ?

A.S : Cela, je peux le confirmer. Et c’est pourquoi nous estimons qu’il revient aux partenaires financiers et même à l’État d’être plus regardants sur le travail et la composition intrinsèque des associations. Sur ce point précis, je voudrais dire en effet qu’il n’est pas rare de rencontrer des associations composées uniquement des membres d’une même famille. De telles attitudes ne peuvent que nuire aux associations qui travaillent de façon sérieuse sur les nombreux chantiers de développement. Vous savez, le développement d’une ville comme Ouahigouya ne se mesure qu’à l’aune du travail abattu par les associations.

P. O. O

Sidwaya

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