Actualités :: SUBVENTION DES ACCOUCHEMENTS ET DES SOINS OBSTETRICAUX : SOS, on viole la (...)

La mortalité maternelle et néonatale au Burkina est une préoccupation nationale des plus lancinantes. Non seulement du fait du nombre très important de femmes qui perdent la vie en voulant donner la vie, mais aussi de celui des enfants qui meurent en naissant ou avant d’avoir fêté leur premier anniversaire. Ainsi, le gouvernement, partant du postulat que les barrières économiques sont très prégnantes dans cette situation, a adopté, en 2006, un décret instituant une subvention des coûts des accouchements et des soins obstétricaux et néonataux d’urgence (SONU), dans les formations sanitaires publiques de l’Etat. Selon cette loi, les usagers concernés devraient désormais payer une part très infime (10% dans certains cas) des coûts de leurs soins, l’essentiel étant pris en charge par l’Etat.

Mais quelques années après son entrée en vigueur, le constat sur le terrain est désolant. La cupidité de certains acteurs chargés de sa mise en œuvre et un certain laxisme caractérisé de l’autorité ont complètement dévoyé la dynamique de cette subvention…

Au Burkina Faso, une femme meurt toutes les trois heures des suites de complication liée à la grossesse. Dans le même laps de temps, sept nouveau-nés trépassent, faute de prise en charge adéquate. Ces chiffres, pour le moins effrayants, proviennent des statistiques officielles. La situation est tellement critique qu’elle a conduit le gouvernement à prendre diverses initiatives dans le but d’inverser la tendance. L’institution, par décret, en 2006, d’une subvention sur les coûts des accouchements et des soins obstétricaux et néonataux d’urgence (SONU), dans les formations sanitaires publiques de l’Etat, fait partie de ces initiatives de bon aloi.

Une telle démarche tire sa légitimité du constat que les barrières socioéconomiques sont l’une des causes évidentes de cette situation. De nombreuses femmes et leurs bébés meurent dans des conditions épouvantables, loin des formations sanitaires. Bien souvent parce qu’elles n’ont pas les moyens financiers pour se faire prendre en charge dans ces formations. Ainsi, au terme de cette loi, c’est l’Etat qui prend en charge la plus grande partie des coûts des accouchements, ainsi que des autres soins connexes nécessaires à la mère et à son bébé. Cette bienveillance du gouvernement a été hautement saluée par les populations. Elle avait focalisé les espoirs et suscité un enthousiasme populaire. Cependant, cette euphorie des premières heures passée, la mesure ne tardera pas à rentrer dans une ère d’infortune et connaîtra des fortunes diverses à travers les différentes formations et régions sanitaires chargées de sa mise en œuvre.

Manifestement, des réseaux de prédateurs sans scrupules, avides de délices mondains, se sont vite constitués à travers la chaîne de distribution de la subvention. Aujourd’hui, le constat de terrain est consternant. La subvention est totalement dévoyée. L’Etat continue d’injecter d’importantes sommes d’argent dans le circuit mais cet argent est loin de profiter aux vrais destinataires. Des semaines de tournées dans certains principaux centres de santé de la capitale ont révélé que pratiquement aucun accouchement ni soin obstétrical n’est pris en charge. Tout se passe comme si la subvention n’existait plus. Elles sont nombreuses, même très nombreuses, ces femmes rencontrées, qui soutiennent avoir payé d’importantes sommes de leurs poches pour les accouchements.

Payer, payer, et encore payer…

M.S, assis sous le hall de la maternité de l’hôpital Yalgado Ouédraogo, en cet après-midi de canicule de janvier 2011, la joue dans la paume de la main gauche, le regard perdu dans le lointain, est visiblement désarçonné. Sa femme a accouché, la veille, par césarienne. Des 150 000 FCFA environ qu’il avait empochés en venant ici, il ne reste plus qu’un billet de 10 000 FCFA et quelques pièces de monnaie. Son angoisse est d’autant plus grande qu’il est encore loin du bout de ses peines, la fin de son séjour, en ces lieux, n’étant pas encore déterminée. Il affirme avoir payé pour toutes les prestations dont a bénéficié sa femme.

De la caisse de l’hôpital où il dit avoir payé 8 000 FCFA avant leur entrée à la maternité, à la salle de réanimation, en passant par les ordonnances de l’anesthésiste et autres examens préliminaires exigés avant l’opération. D’ailleurs, comme pour attester que ce qu’il avance n’est pas de l’affabulation, il se lève, va dans la chambre et revient avec une pile d’ordonnances qu’il exhibe. Ne lui a-t-on pas signalé une pathologie que sa femme aurait développée indépendamment de sa grossesse ? Lui avons-nous demandé, la subvention ne prenant pas en compte de tels cas. Sa réponse est catégorique. C’est « non ! ». Pourtant, M.S ne devrait payer que 11 000 FCFA pour la césarienne de sa femme...

C’est ce que prévoit la subvention. Ce genre de témoignages est très courant dans les couloirs des maternités de Ouagadougou.

M. Sakandé, rencontré le 21 février, devant le bâtiment abritant la caisse du CMA du secteur 30, vient de payer 3 500 FCFA . Il a reçu en main. On lui a exigé cette somme pour la sortie de sa femme du CMA. Cette dernière a accouché, par voie basse, la veille, dans cet établissement. Mais il n’y a pas que cette somme. Entre ordonnances et autres examens prescrits, il déclare ne pas pouvoir avancer un chiffre exact. Mais il sait que ses dépenses avoisinent 50 000 FCFA, en l’espace de 24 heures passées dans ce centre. Lui aussi soutient n’avoir pas été informé d’une quelconque pathologie parallèle développée par sa femme. Pourtant, selon les termes de la subvention, pour un tel cas d’accouchement au CMA, M. Sakandé aurait dû payer seulement 900 FCFA.

Mathurine K. est une autre victime de cette escroquerie organisée en milieu hospitalier. Elle a séjourné, du 22 au 27 novembre 2010, à la maternité de l’hôpital Yalgado Ouédraogo, où elle a subi une césarienne. « Cinq jours d’enfer ! ». C’est le souvenir qu’elle et sa sœur gardent de ce séjour à Yalgado. 130 000 FCFA ! Tel est le montant total qu’elles disent avoir dépensé. Des gants aux examens, en passant par les ordonnances de toutes sortes, elles ont tout payé. Elles disent même avoir payé pour des médicaments sans jamais les voir. A un moment donné, témoigne l’accompagnante, pendant que sa sœur était dans le bloc, un agent de santé en est sorti avec des listes de produits qui auraient été utilisés à l’intérieur pour les soins et dont il a exigé le payement. Préoccupée de voir sa sœur sortir du bloc en vie, elle dit avoir payé, sans trop discuter.

Navigation à vue

Toute cette pagaille tire sa source d’un seul fait. Le laxisme de l’autorité dans le domaine est déroutant. Le suivi et le contrôle des ressources laissent à désirer. C’est à se demander si, au plus haut niveau de l’Etat, on croit réellement à la mise en œuvre de cette subvention. Illustration : le décret N°2006-185/PRES/PM/MS/MFB/MATD portant institution de cette subvention, en son article 3, dit ceci : « Des arrêtés conjoints des ministres de la Santé et des Finances et du Budget précisent la liste des prestations subventionnées, les tarifs subventionnés, les mesures d’accompagnement en termes d’offre de services et d’information des bénéficiaires ainsi que les modalités de gestion et de contrôle des ressources ». Nous avons cherché, en vain, à voir ces arrêtés conjoints.

En vérité, depuis 2006 que la loi a été prise, les textes d’application qui auraient pu faciliter la mise en œuvre harmonieuse de la subvention, n’ont jamais vu le jour. Au ministère de la Santé, on a voulu nous le cacher. Le directeur de la communication, à qui nous nous sommes adressé pour avoir ces textes, nous a fait balader pendant plusieurs semaines, avant que nous ne finissions par découvrir que nous recherchions des textes qui n’ont jamais existé. En l’absence de ces textes essentiels, on s’est tout naturellement lancé dans une sorte de navigation à vue. Et cela ne pouvait qu’aboutir à la chienlit que l’on peut constater aujourd’hui sur le terrain.

A la Direction de la santé de la famille (DSF), structure technique du ministère de la Santé, chargée de la mise en œuvre de la subvention sur le terrain, on est bien conscient de tous ces dysfonctionnements. La première responsable, Dr Djénéba Sanou, dit ne pas se voiler la face. A en croire la DSF, l’Etat a injecté plus de 9 milliards de FCFA dans cette stratégie de subvention. Mais les résultats se font toujours attendre. On promet toutefois de l’ordre dans le milieu, avec, en perspective, un certain nombre de mesures correctives. En attendant, cette subvention aura été, du moins à l’étape actuelle, une totale désillusion pour les femmes qui en avaient pourtant fondé beaucoup d’espoir.

La 154e Journée internationale de la femme se prépare, en grande pompe, pour le 8 mars prochain, à Ouagadougou, sous un thème bien à propos : « Donner la vie sans être en péril ». Si seulement les femmes pouvaient saisir cette belle occasion pour jeter les bases d’un vrai débat, susceptible donc de stimuler une recherche de solutions idoines au mal. Pourront-elles crié, ce 8 mars, « Yes, we can ! » ? Il le faut. A tout prix ! Car, au Burkina, une femme meurt toutes les trois heures des suites de complication liée à la grossesse. Et au même moment, sept nouveau-nés meurent, faute de prise en charge adéquate. La situation est critique. Et il faut agir vite, très vite !

Par Y. Ladji BAMA


Voici comment on détourne l’argent de la subvention

Aujourd’hui, tout porte à croire que la subvention a changé de destinataires. Elle ne bénéficie plus aux femmes enceintes et aux nouveau-nés. Ce sont des individus tapis dans l’ombre qui usent de procédés bien sadiques pour détourner systématiquement l’argent des patients. La mise en œuvre de la subvention suit un schéma qu’on pourrait, de façon simplifiée, présenter comme suit : le gouvernement, à travers le ministère de la Santé, met à la disposition de chaque structure sanitaire, une certaine somme d’argent qu’elle utilise pour prendre en charge les prestations concernées par cette subvention. En fin d’exercice, la structure sanitaire justifie l’utilisation des fonds alloués à travers un certain nombre d’outils de gestion dont des fiches individuelles de prise en charge. Ainsi, pour chaque cas pris en charge, une fiche présente le type de prestation dispensé et le montant de la subvention consenti. Mais des individus mal intentionnés ont vite décelé des failles dans ce dispositif qu’ils exploitent à cœur joie.

Organisés en réseaux et bénéficiant, dans certains cas, de la complicité des premiers responsables des structures sanitaires où ils officient, ils se font des fortunes en toute impunité. Le mode opératoire est tout simple. Lorsque la femme enceinte arrive, on lui fait payer ses soins comme si la subvention n’existait pas. Pourtant, on remplira par la suite sa fiche pour dire qu’elle a été prise en charge à hauteur d’un certain montant. Et ce montant est simplement ponctionné dans le fonds alloué au titre de cette subvention. Voilà comment ce système mafieux fonctionne. Et il a de beaux jours devant lui. La raison est simple : non seulement la plupart des usagers ignorent l’existence de la subvention, mais l’autorité non plus ne fait absolument rien pour mettre fin à cette tragédie.

BYL


Le secret médical, un alibi pour couvrir des pratiques malsaines

Chercher une information au sein du ministère de la Santé tient souvent du chemin de croix. C’est un verrouillage systématique de l’information qui est pratiqué dans ce département ministériel. Le secret médical est fallacieusement évoqué pour éviter à la presse d’accéder à la moindre information. Tous les journalistes ayant tenté l’expérience en savent quelque chose. Un jeu de ping-pong, c’est l’exercice auquel vous serez soumis jusqu’à ce qu’en désespoir de cause, vous renonciez à votre entreprise. Cette triste expérience, nous l’avons, une fois de plus, vécue tout au long de notre recherche d’information pour cet article.

Au CMA du secteur 30, il nous a été impossible d’avoir la moindre information officielle sur la gestion de la subvention. Au secrétariat du médecin-chef du district de Bogodogo, indiqué comme la seule personne habilitée à nous entretenir, la secrétaire n’a trouvé mieux que de nous renvoyer au directeur de la communication et de la presse ministérielle (DCPM) du ministère de la Santé. Nous devrions obtenir, dit-elle, de la part de ce dernier, une autorisation préalable avant de prétendre à la moindre information auprès de son patron. Notre carte de presse et notre insistance pour que la bonne dame veuille bien nous laisser voir son patron n’y feront rien. Imperturbable, elle déclare : « Même si vous le voyez, c’est la même chose qu’il va vous dire.

Tous les journalistes qui sont venus ici ont été traités de la même façon ». Lorsque nous nous sommes adressé au DCPM pour demander la fameuse autorisation, c’est à une série de rendez-vous non respectés qu’il nous a soumis. A l’hôpital Yalgado Ouédraogo, c’est la même opacité. Impossible d’accéder au moindre document. Les choses sont gérées comme dans une société secrète. Même suite au dépôt de la correspondance officielle qu’on nous a exigée, il n’y a eu aucune suite, jusqu’à ce que nous bouclions notre article. Pourquoi tant de fourvoiements dans ce ministère ? A quoi sert finalement la carte de presse ? Pourquoi une correspondance, fût-elle officielle ou une autorisation d’un DCPM, fût-il celui du ministère de la Santé, devrait-il avoir préséance sur la carte de presse délivrée par le CSC, une institution de la République ?

L’argument du secret médical, qu’on se le dise, est très fallacieux. Il est inadmissible de continuer ainsi à verrouiller toute la sphère du ministère de la Santé aux journalistes. D’abord, il n’y a pas que du médical dans ce milieu. D’importantes sommes d’argent du contribuable y sont injectées et on ne peut pas, au nom du secret médical, se dérober du devoir de rendre compte de la gestion qui en est faite. D’autant plus que de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer des pratiques des plus biscornues à ce sujet. Il convient, toutefois, de signaler que dans la mouvance quasi générale de verrouiller l’information aux journalistes au sein du ministère de la Santé, la Direction de la santé de la famille (DSF) fait figure d’une belle exception. C’est la seule direction où nous avons été plutôt agréablement surpris de voir une directrice très disponible. Et qui n’a pas hésité à nous ouvrir ses portes…


BYL

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