Actualités :: CHR DE OUAHIGOUYA : Un militaire bastonne un agent de santé

Les travailleurs du Centre hospitalier régional (CHR) de Ouahigouya ont décidé le 12 mars dernier d’aller en grève les 14 et 15 mars pour protester contre la bastonnade d’un des leurs, David Sanou, par un militaire du 12e Régiment d’infanterie commando (RIC) basé à Ouahigouya. C’était le vendredi 11 mars 2011 à 12h 30 alors que le technologiste biomédical se rendait à l’hôpital.

Vendredi 11 mars 2011. Il était 17h 50. La capitale du Yatenga, Ouahigouya, vit une tension immense, mais contenue. A l’origine de cette montée de fièvre, un agent de la santé en poste au service du laboratoire au CHR a été blessé à la tête suite à des coups de ceinturon qu’il a reçus d’un militaire. Une pillule jugée trop amère par l’ensemble des travailleurs pour être avalée, d’où un débrayage débuté le 11 mars même et qui se poursuit. Réunis dans l’après-midi du même jour dans l’enceinte du CHR, les agents de santé avaient tous une mine de cimetière. Assis ou debout, discrets ou bavards, tous attendaient avec impatience les résultats des tractations qui se menaient entre les responsables du mouvement et l’administration. Pendant que l’attente se prolongeait, les supputations allaient bon train.

Puis, il était un peu plus de 17h 30 quand Issaka Ouattara, responsable provincial du Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) sort de la direction générale et demande à ses collègues de se regrouper pour écouter le message qu’il avait à livrer. D’emblée, il confirme la bastonnade avant de la qualifier "d’inacceptable, de barbare et d’intolérable". Ensuite, le responsable local du SYNTSHA passe la parole à celui-là même qui a subi les sévices corporels, chargé de relater les faits tels qu’il les a vécus. Selon sa version, c’est après la descente aux alentours de 12h 30 qu’il s’est rappelé d’un rendez-vous d’une patiente venue de Latodin.

Or, il était déjà en ville et il a fallu qu’il revienne au service pour donner des consignes à celui qui l’a relevé. C’est juste avant l’entrée de l’hôpital qu’il tombe sur un groupe de militaires. L’un d’entre eux lui bloque la voie et lui demande de faire demi-tour. Pendant qu’il était en train de faire savoir au premier militaire qu’il est un agent de l’hôpital, un deuxième arrive et lance qu’il n’avait pas besoin d’explications. Sur ces entrefaits, un troisième militaire, en colère quitte le groupe pour venir le sonner par derrière. En plus, l’homme l’a accablé d’invectives. Voyant le sang couler abondamment de sa tête, un militaire s’est empressé de le pousser vers un fossé.

Fort heureusement, il n’y est pas tombé mais sentait une grande douleur au niveau de sa tête. Pendant que la scène se déroulait, un autre de la santé est arrivé pour comprendre ce qui venait d’arriver à son collègue. Les débats seront encore houleux entre les militaires et le nouvel arrivant. Par la suite, un modus vivendi a été trouvé et David Sanou a été transporté pour être soigné. Mais pour certains responsables de la sécurité que nous avons approchés dans la soirée du 12 mars, la version est tout autre. A en croire ces derniers, David Sanou aurait tenté de forcer le passage. On lui aurait également demandé de prouver son appartenance au CHR.

Ce qu’il n’a pu faire. Après avoir écouté leur collègue, les travailleurs ont, à la fin, décidé de débrayer ipso facto. Séance tenante, les bureaux de tous les services ont été hermétiquement fermés. Juste après le lancement du mot d’ordre, la Brigade des sapeurs-pompiers est arrivée à l’hôpital avec un blessé grave venu du village de Kalo. Malgré la gravité de son cas, il a été transféré dans une clinique privée de Ouahigouya, faute d’agents pour le soigner au CHR. Entre 22h et minuit, quand nous sommes repassés au CHR, il nous a été donné de voir des accompagnateurs repartant avec leurs malades.

Dans la matinée du samedi 12 mars, l’hôpital était désespérément vide. Seule l’assemblée générale convoquée d’urgence par le SYNTSHA à 8h pouvait décider du maintien ou de la levée du mot d’ordre de grève. A l’heure indiquée, les travailleurs se sont retrouvés en grand nombre à l’Ecole démocratique et populaire (EDP) de Ouahigouya. Faut-il suspendre ou poursuivre ce mot d’ordre de grève ? Telle était la principale équation à résoudre par les agents de santé. A la lumière des interventions des uns et des autres, le consensus n’a pu être trouvé. La virulence des propos de certains intervenants s’apparentait à des attaques directes contre ceux qui étaient pour la suspension de l’arrêt de travail. Pour ces derniers, à partir du moment où une procédure judicaire a déjà été engagée, il était nécessaire de surseoir à ce débrayage et laisser la procédure suivre son cours.

"Il n’en est pas question", réplique l’aile dure du mouvement. "Combien de dossiers pendants y a-t-il au Burkina ? Je constate qu’il y a des camarades qui ont été envoyés ici pour dissuader notre mouvement, qu’ils se taisent s’ils n’ont rien à dire", fait savoir un syndicaliste sous les applaudissements des sympathisants. Les responsables du SYNTSHA, soutenus à cette occasion par le SYNTER et la CGTB étaient alors pris entre le marteau et l’enclume face aux positions très figées de leurs militants. Les membres du bureau provincial se retirent pour un huis clos.

Au sortir de ce conclave, le SYNTSHA demande aux militants de reprendre le service jusqu’au 14 mars. En même temps, il annonce le débrayage pour le même jour entre 8 et 10h. Il est prévu un sit-in le 14 mars dans l’enceinte du CHR. Le mouvement se poursuit, en principe, le 15 mars. Le présidium a fait savoir également qu’il saisira le MBDHP pour élucider davantage cette affaire. Il faut préciser que depuis les manifestations violentes des élèves le 9 mars dernier, le périmètre qui entoure l’hôpital est bouclé par les militaires. Les agents de santé s’apprêtaient d’ailleurs à se rencontrer face à cette situation quand cet événement malheureux est survenu. Tout travailleur de l’hôpital venant au service était tenu de montrer patte blanche. Les citoyens avaient aussi du mal à vaquer librement à leurs occupations tant les cordons et autres barrages étaient nombreux.

La hiérarchie militaire, avant d’ordonner la levée de toutes les barrières le 11 mars à 18h, a fait savoir que cette mesure avait pour but de protéger l’hôpital qui avait été ciblé pour être cassé. Quant à la victime de la bastonnade, le laborantin David Sanou, il a porté plainte pour "agression volontaire et tentative de meurtre".

Hamed NABALMA

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