Actualités :: REPONSE AU SECRETAIRE GENERAL DU SYNADEC : "Enfin un ministère de la (...)
Le Pr basile Guissou

Le Secrétaire général du Syndicat national autonome des enseignants chercheurs (SYNADEC), s’interrogeait sur l’opportunité de la création d’un ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation (MRSI) d’autant qu’il existe un ministère auquel les chercheurs appartenaient déjà. Voici la réponse du délégué général du Centre national de la Recherche scientifique et technologique (CNRST).

Pour la première fois depuis neuf (9) ans que la Présidence du Conseil d’Administration de l’Université de Ouagadougou m’a été confiée, il me faut réagir à la tonitruante sortie médiatique de mon collègue Magloire Somé sur la création d’un ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation (cf. "L’Observateur Paalga" n°7805 du 24 janvier 2011). Avec la double casquette de P.C.A. de l’Université de Ouagadougou et de Délégué Général du CNRST chacun comprendra que les propos de Magloire Somé m’interpellent très fortement pour clarifier un amalgame, des confusions de rôles et de missions que je préfère attribuer à l’incompréhension pour le moment.

Magloire Somé peut bénéficier de l’excuse (et pas du droit) d’ignorer et de sa bonne foi, jusqu’à preuve du contraire. Mais qu’il accepte que "l’expérience est une école où même les insensés peuvent apprendre", selon le Président Franklin Roosevelt. La création du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation s’imposait depuis vingt (20) ans au moins, sinon plus. C’est l’expérience pratique et non pas l’abstraction théorique qui l’imposait à notre pays, depuis que le ministre feu Clément Oumarou Ouédraogo a redimensionné le ministère en y rajoutant l’enseignement secondaire et technique professionnel. Le ministre Joseph Paré, lors d’un CASEM tenu à l’ENAM a dit que le MESSRS était un "albatros" et il avait raison.

I. Quelques repères historiques

Le Centre Voltaïque de la Recherche Scientifique (CVRS) a été créé en 1969 et relevait du ministère de l’Education nationale. L’Université de Ouagadougou date de 1974 et relevait aussi du même ministère de l’Education nationale. C’est seulement en 1978, qu’un ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique est créé avec le Professeur Harouna Traoré comme titulaire du ministère. A l’époque, tous les enseignants comme tous les chercheurs n’étaient que des "professeurs des lycées et collèges" affectés dans les deux structures. C’est avec le ministre Sib Sié Faustin, successeur de Traoré Harouna, comme ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique que deux projets de statuts différents seront adoptés en Conseil de ministres en 1982.

Le professeur Sib Sié Faustin, ancien chercheur du Centre national de la Recherche scientifique (CNRS) en France, nous a demandé de choisir entre les deux statuts. Il avait à cœur de construire un système national de la recherche scientifique au service du développement avec des chercheurs à temps plein. C’est pourquoi, il proposait deux statuts différents pour les chercheurs et pour les enseignants de l’Université. Il n’y a eu aucune ambiguïté. Certains ont quitté le CNRST pour aller à l’Université, comme le futur ministre, le professeur Mouhoussine Nacro. Oui ! Magloire Somé dit la vérité en écrivant que :

"Seul le Burkina a eu la spécificité et la particularité de donner au CNRST une dimension d’organisme de recherche menant, séparément de l’Université, les missions de recherche" (cf. page 7). Mais il est totalement dans le faux, en ajoutant que : "si l’on crée donc un ministère de la recherche scientifique, pourquoi la dissocie-t-on de l’enseignement supérieur où se trouve la majorité des acteurs de la recherche scientifique du pays ?". D’abord, il ignore que la séparation des statuts (celui des chercheurs et celui des enseignants) opérée par le ministre Sib Sié Faustin est aussi un appel à séparer les deux (2) types de recherche scientifique qui sont complémentaires mais pas identiques.

On ne peut comparer que des choses comparables. La fameuse "majorité" de Magloire Somé n’est majorité que dans son contexte de recherche universitaire, en relation avec d’autres universités mais pas avec le CNRST. De nombreux enseignants, ouverts et sans complexes, collaborent au quotidien avec des chercheurs dans de nombreux projets et programmes de recherche du CNRST et vice-versa depuis l’existence des deux structures. Des chercheurs du CNRST enseignent et encadrent des Maîtrises, DEA et Thèses en direction et en co-direction, sans aucun problème et sur la base du protocole signé en août 2004 par le Président de l’Université de Ouagadougou, le professeur Joseph Paré et moi-même, Délégué Général du CNRST. Tant pis pour ceux qui refusent la mise en œuvre de ce protocole à l’Université de Ouagadougou comme au CNRST.

Au niveau du CAMES aussi, il existe très bien deux voies d’accès au passage des trois grades. Il existe la voie recherche et la voie enseignement supérieur. Les trois (3) listes d’Aptitudes du CAMES sont :

Enseignement Supérieur = Recherche Scientifique

1° Maître Assistant (LAFMA) = Chargé de Recherche (LAFCR) 2° Maître de Conférence (LAFMC) = Maître de Recherche (LAFMR) 3° Professeur Titulaire (LAFPT) = Directeur de Recherche (LAFDR)

Mon cher Magloire ne sait pas que, les "conditions de productions scientifiques" ne sont pas les mêmes pour les chercheurs et pour les enseignants au niveau des dossiers d’évaluation des CTS du CAMES. Il y a des spécificités bien précises. Et comme l’adage allemand le dit « le diable est toujours dans les détails". Alors, allons dans le détail. Il faut dans mon domaine (sociologie politique), dix-huit (18) articles publiés pour un chercheur et deux thèses de doctorat encadrées plus deux (2) articles publiés pour un universitaire pour introduire un dossier d’inscription sur les listes d’aptitude aux fonctions de Directeur de Recherche et de Professeur titulaire des universités. C’est clair non ?

II. Il y a recherche et recherche

Lorsque dans le quotidien "Le Pays" n°4295 du vendredi 30 janvier 2009, dans un article intitulé : "Bilan africain de la recherche scientifique : le Burkina peut en être fier", je rendais hommage aux chercheurs burkinabè, aucune différence n’a été faite entre l’Université et le CNRST. Sur les cinquante (50) plus grands chercheurs des cinquante dernières années (1958-2008) il y avait huit (8) Burkinabè, soit 16%. Aucun autre pays africain sur les 53 n’avait ce pourcentage. Par exemple le docteur Zéphirin Dakuyo, pharmacien-chercheur qui fait partie des huit (8) proclamés du Burkina pour ses phyto-médicaments n’est ni du CNRST ni de l’Université. Et pourtant, il est chercheur indépendant, privé, qui a des résultats connus et éprouvés dans le monde entier.

Et bien, le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation doit se donner les structures et les moyens pour s’occuper de ce type de recherche qui n’est ni à l’Université, ni au CNRST, et qui n’est pas candidat aux CTS du CAMES. Il existe au Burkina des centaines d’inventeurs et d’innovateurs évoluant dans "le secteur informel". Quelques miraculés arrivent à venir présenter leurs résultats aux éditions du Forum national de la Recherche et de l’Innovation technologique (FRSIT) tous les deux (2) ans. Mais après ? Ils courent d’un ministère à un autre pour quémander un soutien financier, souvent sans suite.

Aujourd’hui que les biocarburants sont à la mode, très peu de Burkinabè savent que c’est un enseignant de l’Université de Ouagadougou qui, depuis 1983 (il y a 28 ans !) a produit du bio-diesel du jatropha et fait démarrer une mobylette (Peugeot CT) avec. Qu’en a-t-on fait ? Il y a un réel besoin de capitaliser, organiser, diffuser et populariser les résultats existants de la recherche scientifique nationale de façon autonome pour faire avancer notre pays dans l’émergence. La "scission" que Magloire Somé pleure à chaudes larmes est une nécessité historique. Elle n’a que faire des états d’âme. Les vrais enseignants et les vrais chercheurs, les enseignants-chercheurs, chercheurs-enseignants, chercheurs non enseignants, savent très bien pourquoi, lorsqu’on peut avoir de l’électricité, on ne refuse pas parce que "on aime la lampe tempête" !

Conclusion : on sépare pour mieux unir

Président du Conseil d’Administration de l’Université de Ouagadougou, il me plaît de saluer les efforts d’ouverture de collaboration scientifique et de soutien mutuel qui s’affirment sur le terrain avec le CNRST. Le bilan est positif. La création d’un ministère de la recherche brise définitivement les vieux rêves des nostalgiques de la vielle époque des velleités de "phagocytose" ! Il nous faut au contraire et de plus nombreuses universités et de plus nombreuses structures de recherche scientifique. C’est le prix de l’émergence, dont le point de passage n°1, partout dans le monde, a toujours été la qualité de la recherche scientifique et de l’innovation. La très vielle sagesse mooaga nous enseigne que "a-mi di ta zi" = c’est celui qui sait qui aura toujours raison de l’ignorant. Alors, cherchons tous le savoir !

Pr Basile GUISSOU

Le Pays

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